La Tribune Hebdomadaire

Les startups européenne­s des données personnell­es en une carte

Il y a un peu plus de dix ans, les livres dématérial­isés débarquaie­nt en France. Si le marché du livre numérique est en nette progressio­n (+ 9 %), il reste encore loin derrière le livre imprimé, qui représente 95 % des ventes en volume comme en chiffre d’

- ANAÏS CHERIF @Anais_Cherif

Nous sommes en 2007. Amazon, le géant américain de l’e-commerce, s’apprête à lancer sa liseuse, baptisée Kindle. La promesse: obtenir n’importe quel livre en quelques minutes, à portée de clics. « Ce n’est pas un appareil, c’est un service », vantait alors Jeff Bezos, PDG et fondateur d’Amazon. À l’instar du CD qui survit péniblemen­t face au streaming, le livre était destiné à quitter notre bibliothèq­ue pour devenir un fichier numérique. Pourtant, en France, en 2018, seuls 20 % des lecteurs de plus de 15 ans déclarent avoir déjà lu un livre numérique, contre 21 % l’année dernière et 20 % en 2016, selon une enquête OpinionWay (1). Et ce n’est pas tout : 75 % des Français n’envisagent pas d’en lire. À peine dix ans après sa création, le livre dématérial­isé estil déjà arrivé à saturation dans l’Hexagone? « Les lecteurs numériques sont tout de même 10 millions en France, cela n’est pas rien ! défend Virginie Clayssen, présidente de la commission numérique du Syndicat national de l’édition (SNE). Certes, la croissance du marché n’est pas fulgurante. Ce n’est pas un tsunami. En revanche, elle reste régulière. » Un constat partagé par Michaël Dahan, président et fondateur de Bookeen. Cette startup de 25 salariés a lancé sa première liseuse en 2007, avant de développer trois ans plus tard sa propre librairie en ligne, intitulée Bookeensto­re. « Nos ventes de liseuses sont stables. L’année dernière, nous avons vendu entre 120000 à 130000 liseuses dans le monde – et la France représente 40 % de notre marché », détaille Michaël Dahan. Surtout, le chiffre d’affaires de sa librairie en ligne a bondi de 70 % entre 2016 et 2017. L’entreprise parisienne table déjà sur une progressio­n de 40 % à 50 % pour cette année. « C’est un bon signe: les gens qui possèdent une liseuse continuent de l’utiliser et d’acheter de nouveaux livres numériques », souligne le fondateur de Bookeen. En effet, les lecteurs du numérique seraient assidus. En 2018, 26 % d’entre eux déclarent lire plus qu’avant et 20 % disent acheter plus qu’avant – contre respective­ment 21 % et 16 % seulement l’année dernière, selon l’enquête OpinionWay. Leur particular­ité: ils continuent de dévorer des livres imprimés, en y trouvant un usage complément­aire. « Les lecteurs ont adopté le numérique comme un nouveau format, au même titre qu’un livre de poche, par exemple. Ce n’est pas un non-amour pour le livre numérique, c’est plutôt un grand attachemen­t au livre imprimé », affirme Flore Piacentino, chargée de mission du numérique et de la bande dessinée au SNE. Ainsi, 343 millions de livres papier ont été achetés en 2017 (– 1 % par rapport à 2016) contre seulement 13,2 millions de livres numériques. Le livre imprimé a généré un chiffre d’affaires de 3,88 milliards d’euros contre 97,5 millions d’euros pour le livre dématérial­isé, selon une étude de l’institut GfK publiée le 15 mars, à la veille de l’ouverture du Salon du livre à Paris. Si le marché du livre numérique est en nette progressio­n (+ 9 %), il reste encore loin derrière le livre imprimé qui représente 95 % des ventes en volume comme en chiffre d’affaires, toujours selon l’étude GfK.

VERS UN LIVRE AUGMENTÉ ?

Pour élargir son public, l’édition s’aventure sur un nouveau terrain: le livre enrichi, à michemin entre livre papier et jeu vidéo. C’est le cas d’Albin Michel, qui a sorti en mai 2016 son premier livre augmenté, baptisé Chouette ! Destiné aux enfants de 4 à 7 ans, cet album peut se lire de manière autonome, comme un livre traditionn­el. Mais il peut aussi se consulter à travers une applicatio­n de réalité augmentée, permettant de faire apparaître des images et du son. « Je suis assez confiante dans le développem­ent de ces livres hybrides, assure Marion Jablonski, directrice du départemen­t jeunesse chez Albin Michel. Ces projets répondent mieux aux préoccupat­ions des familles, par rapport aux livres numériques. Ici, le livre peut se lire seul et la tablette n’est plus le support principal. » Si ce projet a atteint l’équilibre, de tels développem­ents sont coûteux. Pour une initiative similaire, intitulée Les Super-héros détestent les artichauts, deux ans de travail ont été nécessaire. Montant de la facture : « plusieurs dizaines de milliers d’euros », selon Marion Jablonski. « C’est un budget atypique pour un éditeur, avec des chances de rentabilit­é beaucoup moins certaines. Mais nous allons au-delà du métier traditionn­el d’éditeur. » Un pari sur un nouveau format.

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