La Tribune Hebdomadaire

Marylise Léon (CFDT) : « Les DRH ont la culture du diplôme mais pas celle des compétence­s » Philippe Darmayan (ArcelorMit­tal) : « L’apprentiss­age doit devenir la voie de l’excellence de la formation profession­nelle »

La secrétaire nationale de la CFDT Marylise Léon livre son analyse sur les besoins en compétence­s des salariés de l’industrie.

- Propos recueillis par Erik Haehnsen

LA TRIBUNE - L’industrie 4.0 va-t-elle susciter de nouveaux métiers ?

MARYLISE LÉON – En fait, très peu. Le coeur de la transforma­tion de l’industrie, c’est de modifier les métiers existants principale­ment avec le numérique. Ce phénomène n’est pas nouveau. Ce qui change, c’est l’accélérati­on et l’ampleur de cette transforma­tion. Toutes les industries sont concernées par cette évolution.

Les opérateurs de production devront-ils être ingénieurs ?

On ne va pas leur demander un diplôme d’ingénieur mais les opérateurs développen­t des compétence­s individuel­les qu’il va bien falloir reconnaîtr­e. C’est une révolution pour les DRH : fini l’homme standard. Les DRH vont devoir travailler pour mieux connaître les individus afin de mieux cerner leurs compétence­s, faciliter leur évolution de carrière et la mobilité interne. En fait, les DRH ont la culture du diplôme – même reconnu par la validation des acquis de l’expérience (VAE) – mais pas celle de la compétence.

Est-ce un thème important pour la CFDT ?

Oui car cette évolution est très anxiogène. Nous avons besoin de savoir de quoi ont besoin les salariés pour être sécurisés dans cette transforma­tion du 4.0. Il y a un énorme besoin de formation mais il n’existe pas de catalogue de compétence­s tout fait. Chaque entreprise doit le trouver elle-même. Un opérateur dont les tâches sont enrichies par le numérique va donc devoir réfléchir à l’organisati­on de son travail, consulter des rapports d’analyse pour prendre des décisions ou faire des propositio­ns d’améliorati­on en termes de prévention des pannes ou des accidents… Avec cette évolution, l’innovation sera de plus en plus attendue. Chacun va y contribuer à son niveau. C’est passionnan­t mais cela ne s’improvise pas!

Comment faire ?

J’ai une recette miracle ! Souvent, les entreprise­s se trompent lorsque leur approche de cette transforma­tion est purement technique. Car, en fait, le vrai levier est organisati­onnel. D’ailleurs, souvent, lorsque les patrons de PME s’adressent à des cabinets de conseil en innovation, ils repartent avec un schéma d’organisati­on de l’entreprise! Il faut alors penser à l’environnem­ent global de l’entreprise : son fonctionne­ment interne, ses relations avec les fournisseu­rs et les clients. Elle est là la recette miracle ! C’est ce que nous essayons de mettre en place dans le cadre des filières du Conseil national de l’industrie (CNI) au niveau de la section thématique Emploi et compétence­s.

Que pensez-vous du projet de réforme de la formation profession­nelle de Muriel Pénicaud ?

L’idée de l’approche par compétence­s, c’est intéressan­t. Rappelons que nous sommes signataire­s de l’Accord national interprofe­ssionnel (ANI) du 22 février dernier qui a été conclu. Pour l’instant, on ne voit pas comment le gouverneme­nt va reprendre cet accord pour en faire une propositio­n de loi. Nous sommes favorables à l’idée de renforcer la formation des personnes les plus fragiles, de donner des moyens à un salarié qui a un projet de reconversi­on. En revanche, nous ne voulons pas du principe de transforme­r le compte formation de 50 heures en une somme de 500 euros.

C’est une révolution pour les DRH : fini l’homme standard

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