Et si la France se couvrait à nouveau d’usines...
En 2017, 125 ouvertures de sites industriels ont été recensées contre 100 fermetures selon le cabinet Trendeo. Ce solde positif ne doit pas faire oublier que l’industrie française continue de traverser des difficultés.
Le tissu industriel français retrouve quelques couleurs. Selon la dernière étude du cabinet Trendeo publiée le 2 mars, le nombre d’ouvertures d’usines a dépassé celui des fermetures en 2017 et le nombre de créations d’emplois présente un solde positif de 93 038. Un chiffre inédit depuis que l’organisme privé a lancé sa collecte de données en 2009. De son côté, la Direction générale de l’entreprise (DGE) a noté que la production manufacturière a bondi au quatrième trimestre 2017 (+ 2,5% après + 0,8%), dans un bulletin de conjoncture présenté le 1er mars. Ce rebond est porté par une croissance de l’ensemble des activités. Si ces constats peuvent paraître favorables à première vue, l’industrie française reste un secteur fragile. Les derniers déboires de l’usine Ford Aquitaine et la fermeture récente de l’usine Tupperware à Joué-lèsTours (Indre-et-Loire) illustrent bien toutes les difficultés d’une industrie tricolore sous tension. UNE BAISSE PROLONGÉE DES SUPPRESSIONS D’EMPLOIS La dynamique de l’emploi est particulièrement portée par une baisse prolongée des suppressions d’emplois, qui se réduisent chaque année depuis 2012 (– 35 % en 2017). Il faut noter également que les créations d’emplois sont aussi en hausse, ce qui permet à cet indicateur « de regagner la moitié du terrain perdu depuis leur maximum de 2010 ». L’industrie automobile et les services ont été particulièrement dynamiques, tout comme le secteur du logiciel qui est à son meilleur niveau depuis 2009. À l’inverse, les secteurs qui présentent des difficultés – tels que les services bancaires et financiers – connaissent leur année la plus difficile en atteignant un total de 32000 emplois perdus depuis 2009, « pas loin des pertes du secteur automobile ». Ces destructions d’emplois « attestent de la violence du choc de 2008, tout autant que la mutation des usages des consommateurs ». Le rebond actuel de l’emploi bénéficie principalement à des secteurs qui ont été très touchés pendant la crise de 20092013 comme l’automobile. Par conséquent, les régions qui présentent une économie fortement liée à l’industrie de la voiture voient leur situation s’améliorer. Les Hauts-de-France sont, par exemple, la région qui a connu le plus de créations nettes d’emplois, en 2017. Et, selon les experts de la DGE, les patrons de l’industrie manufacturière en France prévoient d’augmenter leurs effectifs au cours des trois prochains mois. L’INÉLUCTABLE DÉCOMPOSITION DU TISSU INDUSTRIEL Si les ouvertures d’usines ont dépassé les fermetures en 2017 sur le territoire français, le solde est relativement faible (25). Ce solde positif entamé en 2016 repose avant tout sur une accélération de la baisse des fermetures plutôt que sur une hausse des créations. D’ailleurs, les créations recensées par Trendeo sont en baisse constante depuis 2014. Mais ces chiffres sont à manier avec précaution. Le cabinet indique que les données « ne peuvent en aucun cas prétendre à l’exhaustivité des données publiques » (1). En dépit de ces bons chiffres, le poids de l’industrie dans l’économie française ne cesse de se dégrader. Malgré le plan de soutien du gouvernement français et une embellie de l’activité économique ces derniers mois, il semble que le processus de décomposition du tissu industriel soit inéluctable. Les derniers chiffres du ministère de l’Économie indiquent que le poids de l’industrie française est passé, entre 2000 et 2016, de 16,5 % à 12,5 % du produit intérieur brut. Du côté de l’industrie manufacturière, l’évolution est quasi similaire à celle de l’industrie en général. Dans une perspective historique plus large, les données de la Banque mondiale illustrent bien la perte de vitesse de l’industrie dans la valeur ajoutée française depuis plusieurs décennies. Le 26 février, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a présidé le comité exécutif du Conseil national de l’industrie (CNI) pour valider une liste de dix comités stratégiques autour de dix filières (2). L’un des objectifs annoncés est l’élaboration de contrats de filière. Philippe Varin, le président de France Industrie, explique ainsi que « la compétitivité n’est plus uniquement celle de l’entreprise, mais également celle d’une filière dans son ensemble. Le CNI labellise aujourd’hui dix filières mobilisées autour de projets concrets, dont la dynamique est pilotée par les industriels, et dont le but est d’améliorer la compétitivité et l’attractivité de l’industrie en France, et de créer des emplois qualifiés dans nos territoires ». Si de nombreux efforts des pouvoirs publics sont entrepris depuis plusieurs années pour soutenir ce secteur, les différentes politiques industrielles menées à l’échelle nationale n’ont pas encore montré de résultats convaincants au regard des chiffres fournis par la DGE.