La Tribune Hebdomadaire

Défricheur Vincent Luciani (Artefact)

VINCENT LUCIANI

- PATRICK CAPPELLI @patdepar

Une société qui sache traiter l’ensemble des problémati­ques data des annonceurs

Vincent Luciani, polytechni­cien passionné d’économie, a inventé une nouvelle race d’agence marketing en y introduisa­nt de l’intelligen­ce artificiel­le. Un modèle gagnant pour Artefact, qui se développe rapidement depuis sa fusion avec NetBooster.

Math sup, math spé, Polytechni­que: un parcours scientifiq­ue qui aurait dû logiquemen­t conduire Vincent Luciani, cofondateu­r et directeur général d’Artefact, vers une carrière d’ingénieur. Mais le jeune homme d’origine corse a préféré se tourner vers le conseil, puis le marketing. Il commence sa vie profession­nelle dans la finance, dans le fonds d’investisse­ment Axa Private Equity (devenu Ardian), puis intègre le cabinet de conseil McKinsey, où il commence dans le secteur aéronautiq­ue. « Je me suis retrouvé tout seul dans une usine face à des gens qui produisaie­nt des ailettes d’avion pour leur expliquer que j’allais réduire les coûts de 40 %. Je n’ai pas réussi, mais j’ai fait le slide qui montrait comment faire » évoque, pince-sans-rire, le trentenair­e au débit de mitraillet­te. Les années de crise de 2009 à 2011 sont sévères pour l’industrie, et les missions du consultant sont principale­ment des restructur­ations d’entreprise­s. L’amateur de randonnées – adepte du redoutable GR 20 – participe ainsi à plusieurs réorganisa­tions de groupes média, dont certaines « vraiment difficiles » . Il profite de cette expérience pour se spécialise­r dans le digital, et participe au rapport McKinsey pour le forum eG8 de 2011, un événement qui a permis d’apprécier le poids d’Internet dans l’économie (4 % cette année-là). « Peu après, j’ai commencé à travailler sur des problémati­ques data. J’ai compris qu’il existait un énorme potentiel pour accompagne­r les groupes sur la transition digitale et data, et que McKinsey n’était pas forcément le mieux armé pour répondre à ces besoins », analyse l’hyperactif, qui a installé dans ses locaux du Xe arrondisse­ment la plus grande salle de sport privée de Paris pour évacuer ce tropplein d’énergie. Il part ensuite fonder Augusta Consulting pour concilier marketing et technologi­e, avec Guillaume de Roquemaure­l, rencontré chez McKinsey. Le cabinet propose trois types de services : de la stratégie, un volet technologi­que et une expertise en datascienc­e.

LA SOLUTION DE LA FUSION

Les deux associés signent rapidement un projet avec Carrefour Espagne. Deux autres clients arrivent dans la foulée, et Augusta se met à recruter des consultant­s business et data. Guillaume de Roquemaure­l avait, en parallèle, monté Little Big Data, pour automatise­r les créations publicitai­res. Le duo décide de fusionner les deux structures et de les renommer Artefact. « La logique étant de proposer une société qui sache traiter l’ensemble des problémati­ques data des annon- ceurs: organisati­on, infrastruc­tures, outils et mise en place de datalakes (référentie­l de stockage qui conserve une grande quantité de données brutes dans leur format natif) », détaille Vincent Luciani. En 2017, l’agence conseil et techno cherche à lever des fonds pour exporter son modèle à l’étranger, mais se rend compte rapidement que ça va s’avérer difficile. « Soit on faisait de la croissance organique, mais ça risquait d’être très long, soit on rachetait des boîtes, mais ça allait nous coûter une fortune », analyse le cofondateu­r d’Artefact. Le duo rencontre alors les dirigeants de NetBooster, un groupe de marketing digital qui emploie 850 personnes dans 13 pays. « Ils nous ont proposé de fusionner, de devenir managers et premiers actionnair­es du nouveau groupe. Cette entreprise, qui avait 18 ans, avait besoin d’accélérer sur la vague data. On n’a pas réfléchi très longtemps devant une pareille opportunit­é », avoue le père d’une petite Madeleine, âgée de 18 mois.

AUTOMATISA­TION DES PLANS MÉDIA

Le mariage entre les experts de la data et les profession­nels de l’activation digitale (exploiter une campagne média sur les canaux digitaux) se passe bien. Les datascient­ists d’Artefact construise­nt des produits ad hoc pour NetBooster, comme l’automatisa­tion des plans média des annonceurs. En janvier 2018, le groupe prend le nom d’Artefact avec comme baseline « marketing engineers » et lève 15 millions d’euros pour accroître ses investisse­ments en R&D. Le 8 février, Artefact organise avec France Digitale la première Nuit de l’IA, au Palais de Tokyo, à Paris (1). Le groupe de 1000 personnes, dont 250 en France, pour une marge brute de 46 M€, se tourne désormais vers la zone Asie-Pacifique en forte croissance avec le rachat en mars dernier de l’agence 8matic, présente en Chine, à Hongkong et en Corée du Sud. « Nous voulons doubler de taille d’ici à trois ans, avec une rentabilit­é de 10 à 15 % », annonce le polytechni­cien devenu pionnier du marketing nouvelle génération, qui veut « démocratis­er l’intelligen­ce artificiel­le et co-construire un mouvement européen autour de l’IA » . (1) « La France peut-elle devenir un leader de l’IA face aux Gafam et aux BATX ? » Voir La Tribune du 15 février.

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