L’intelligence artificielle, Plenel et Bourdin n’en ont rien à faire
Lors du débat, on n’a parlé ni du chômage ni des nouvelles technologies
Pas une seule fois, lors du débat de près de trois heures durant lequel Emmanuel Macron a été soumis, dimanche soir, à la question par Edwy Plenel, de Mediapart, et Jean-Jacques Bourdin, de RMC-BFM, le sujet du chômage n’a été mis sur la table. Curieux oubli, ou bien très parlant. Tant mieux si ce n’est plus un sujet, c’est peut-être que pour une fois la France a pris le bon chemin pour résoudre ce fléau! Pas une seule fois non plus au cours de ce combat au corps à corps qui a fait sauter les codes de l’interview présidentielle traditionnelle et descendre Jupiter dans l’arène, les deux journalistes n’ont parlé de l’arrivée des nouvelles technologies, du risque que celles-ci fassent disparaître des millions d’emplois et transforment la plupart des métiers. Pas une seule fois, évidemment, il n’a été question de l’intelligence artificielle, alors que dans le monde entier une compétition féroce s’est engagée, une course aux cerveaux et à la science. Ces oublis n’en sont pas. C’est la démonstration que l’obsession de l’époque est au court terme et non pas à la préparation de l’avenir. Bien sûr, les sujets des inégalités, de la fraude et de l’évasion fiscales, des hôpitaux, de la SNCF ou des Zadistes de Notre-Damedes-Landes sont importants. Mais qu’en trois heures d’interview, pas une seule question n’ait porté sur la soumission de l’Europe aux géants de la tech américains et chinois, que pas une seule fois on ne se soit inquiété du risque de perte de souveraineté de la France si elle n’investit pas massivement dans la science et les nouvelles technologies fait un peu froid dans le dos. Bien sûr, cela n’était pas l’objet de l’émission, où les deux journalistes ont voulu se payer Macron, piège dont il faut reconnaître que le chef de l’État s’est plutôt bien sorti, même s’il a été malmené. Mais, alors que Vladimir Poutine lui-même a dit que le pays qui dominera dans l’intelligence artificielle dominera le monde, alors que la Chine et les États-Unis y investissent des milliards, qu’aucun des deux journalistes n’ait pris la peine de demander à Emmanuel Macron si la France peut espérer peser en n’investissant dans l’IA que 1,5 milliard d’euros fait un peu peur. Bien sûr, le sujet n’est pas aujourd’hui la première préoccupation des Français. Mais cela devrait l’être. Et cela ne va pas tarder à le devenir. Si Emmanuel Macron a pris plus d’une heure au Collège de France le 29 mars dernier pour présenter la stratégie française de l’IA, ce n’est pas un hasard. Le président de la République a conscience que là aussi se joue l’avenir du pays. Le rapport Villani, dont Emmanuel Macron a repris nombre de propositions, fourmille d’idées pour placer la France sur la bonne trajectoire. L’un des principaux apports est l’idée qu’il faut en finir avec ce mal français consistant à saupoudrer les moyens et à les disperser sur trop de priorités. Emmanuel Macron en a retenu quatre: la santé, le transport, l’environnement et le militaire, quatre secteurs dans lesquels la France peut encore espérer jouer un rôle de leader. Ce qui manque en revanche, à ce stade, c’est une vision industrielle. L’Allemagne en a une avec l’industrie 4.0 et la robotisation de ses usines. La France est très en retard dans la modernisation de ses entreprises, avec 20 % de TPE-PME qui ne sont même pas passés à Internet, selon une récente étude. La France n’a pas de géants du numérique, comme les États-Unis ou la Chine, principaux détenteurs privés de données. Mais elle dispose d’une manne presque i népuisable de données publiques, dans le secteur de la santé notamment, mais aussi dans les transports, qui ne demandent qu’à être exploitées par une IA française. De même, la France peut espérer briller dans l’IA industrielle, avec la voiture autonome où elle sait faire aussi bien que Tesla ou Google. Il lui reste à combler un chaînon manquant, celui de la 5G, le très haut débit mobile, qui arrive déjà aux États-Unis, en Chine ou en Corée du Sud. Le réveil technologique de la France et de l’Europe ne passe pas seulement par l’IA, mais doit aussi passer par un investissement massif dans les réseaux télécoms, pour éviter qu’un retard en la matière ne la conduise à devenir la cybercolonie des futurs géants de la tech.