Comment les startups aident à remplir les salles de concert
« Crowdfunding », programmation participative, « big data »… Une poignée de startups du numérique et du spectacle vivant gravite autour de la billetterie, premier point de contact avec le public. Un enjeu crucial pour optimiser le remplissage des salles e
Une offre pléthorique de festivals, des prix de billets qui s’envolent… Autant de défis à concilier par l’industrie musicale pour rendre les concerts accessibles. C’est pourquoi un petit nombre de startups du numérique et du spectacle vivant se positionne sur le secteur de la billetterie. L’enjeu : mieux connaître les spectateurs afin d’améliorer la fréquentation des événements culturels. « Le spectacle vivant est un secteur très concurrentiel. En France, on compte plus de 1 900 festivals », chiffre Fabrice Jallet, responsable du pôle musique et innovation de l’Irma (centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles). C’est pourquoi « le remplissage des salles et des festivals est une problématique centrale du secteur, c’est le point de départ de beaucoup de startups. C’est une logique similaire à celle du tourisme : si une place n’est pas vendue pour le soir-même, elle représente un manque à gagner perdu pour toujours », explique Fabrice Jallet. Le prix moyen d’un billet était de 33 euros en 2016, selon les derniers chiffres du CNV (Centre national de la chanson, des variétés et du jazz) publiés en septembre 2017.
QUAND LE SPECTATEUR DEVIENT PROGRAMMATEUR
Pour rendre les spectacles attractifs, plusieurs startups tentent de sonder les envies des spectateurs… à commencer par le choix de la programmation. C’est le cas de la startup francilienne À 2 pas de la scène, fondée en 2015 pour allier culture, numérique et économie sociale et solidaire. Cette billetterie participative repose sur le crowdfunding. « Les habitants d’une ville peuvent plébisciter un artiste en préfinançant le spectacle avec l’achat de leur billet sur notre plateforme, détaille Sarah de Rekeneire, directrice du développement d’À 2 pas de la scène. Plus la demande augmente, plus le prix du billet diminue. Dès que la jauge économique est atteinte, le spectacle est programmé – ce qui permet de réduire le risque financier pour les organisateurs. » En cas d’échec de la campagne de crowdfunding, le spectateur est remboursé. La plateforme, ouverte aux internautes depuis le début de l’année, revendique 200 artistes référencés et une vingtaine de
Nous voulons redynamiser les territoires pour ne pas laisser des déserts culturels s’installer
lieux disponibles. L’objectif est d’atteindre une quinzaine de dates programmées d’ici à la fin de l’année, dont un festival à la programmation 100 % participative. La jeune pousse est partie du constat que « beaucoup d’habitants doivent se déplacer assez loin pour avoir accès à la culture, ce qui rajoute des coûts de transports et d’hébergements. En parallèle, des communautés ne parviennent plus à toucher certains publics dits exclus ». Sarah de Rekeneire, qui le regrette, poursuit : « Nous voulons redynamiser les territoires pour ne pas laisser des déserts culturels s’installer, notamment en régions ou dans les zones périurbaines. » Pour attirer les spectateurs en salles, encore faut-il les connaître. L’année der- nière, 74 % des Français ont acheté leurs billets sur Internet, selon l’Observatoire du live 2017 du Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété). « Il y a un grand enjeu sur la data, confirme Fabrice Jallet. Aujourd’hui, la réservation de spectacles est souvent déléguée à des grands acteurs de la billetterie », comme Digitick ou la Fnac. « C’est un choix surprenant car la billetterie est le début de la relation client », ajoute-t-il. Un constat partagé par la billetterie solidaire SoTicket, lancée en janvier 2016 par la société coopérative SoCoop. Sa particularité : mutualiser les coûts entre les organisateurs adhérents et réinvestir les revenus dans le développement de la billetterie. Une douzaine de salles et de festivals, dont Europavox (Clermont-Ferrand), ont adopté SoTicket. « La billetterie est un secteur très concentré. D’une part, les grands acteurs conservent les données des spectateurs, ce qui ne permet pas aux salles de connaître leur audience. D’autre part, ils prélèvent des marges entre 1,70 à 3,10 euros par billet, supportées par le spectateur, ce qui nuit à l’accessibilité des concerts », déplore Énora Mahé, représentante de SoTicket et responsable communication de la salle Des lendemains qui chantent à Tulle. « Nous voulons reprendre le contrôle sur les données de nos spectateurs pour développer une relation directe. Mieux les connaître nous permet de communiquer plus finement et donc de les fidéliser davantage. »
VERS DES PRIX DYNAMIQUES ?
Pour les salles qui ne disposent pas de leur propre réseau de billetterie, des startups comme Tech’4’Team propose de passer au crible les données d’achats des spectateurs récupérées auprès des logiciels tiers de billetterie : historique des concerts assistés, délai d’achat, fidélité, prix moyen du panier… Le but : adapter la communication en fonction du profil du spectateur pour optimiser le taux de remplissage des concerts. « S’il reste des places pour un concert dans deux jours, nous pouvons recommander aux organisateurs de cibler en priorité les spectateurs résidant à proximité, avec un profil d’habitué et d ’ a c h e t e ur d e d e r ni è r e minute », explique Stéphanie Teste de Sagey, responsable du développement commercial de Tech’4’Team. Avant de se concentrer sur l’analyse de données, la startup s’était positionnée lors de sa création en 2014 sur le yield management. Très utilisée dans le tourisme ou le transport, qui connaissent les mêmes problématiques de r e mplissage, c e t te méthode permet d’ajuster les prix en fonction de l’offre et de la demande. « Le marché n’est pas encore assez mature sur le sujet, estime Stéphanie Teste de Sagey. Il y a aussi des complications d’organisation. Par exemple, les modifications de prix pour les structures publiques doivent être approuvées en commission. D’un point de vue technique, cela requiert des ressources pour modifier les prix en temps réel sur les sites Internet et les réseaux sociaux, alors que, bien souvent, des tracts ont déjà été imprimés avec un prix fixe. » Sans compter que la culture n’est pas un produit comme un autre. « Le spectacle vivant repose sur de l’affectif. Ce n’est pas un besoin vital, comme peut l’être le transport dans certains cas, estime Fabrice Jallet, de l’Irma. Le yield management peut être contre-productif : si le spectateur à l’impression de surpayer sa place, il peut tout simplement décider de ne pas se rendre au concert. En musique, on parle encore de public et pas de clients. »