La Tribune Hebdomadaire

Marie-Ange Debon, au coeur de Suez

- GIULIETTA GAMBERINI @GiuGamberi­ni

Ancienne directrice générale adjointe chargée de la division internatio­nale du groupe Suez, Marie-Ange Debon est depuis mars 2018 la nouvelle patronne pour la France, l’Italie et l’Europe Centrale. Diplômée d’HEC et de l’ENA, elle explique à La Tribune comment elle perçoit le défi de « développer la croissance et la rentabilit­é » au « coeur de l’organisati­on du groupe ».

Dans le cadre du jeu des chaises musicales qui, le 1er mars dernier, a suivi la présentati­on par Suez de résultats plutôt décevants pour l’année 2017 (une baisse du bénéfice net de 28 % notamment), la nomination de Marie-Ange Debon est la plus remarquée. Ancienne directrice générale adjointe (DGA) chargée de la division internatio­nale du groupe, elle est depuis la nouvelle patronne pour la France, l’Italie et l’Europe centrale. Le directeur général, JeanLouis Chaussade, a parié sur elle pour relever un important défi : « développer la croissance et la rentabilit­é » au « coeur de l’organisati­on », dans l’Hexagone, qui en 2017 représenta­it un tiers du chiffre d’affaires comme des effectifs de Suez (au total, respective­ment, 15,87 milliards d’euros et 88 500 salariés). C’est en effet en particulie­r en France – ainsi qu’en Espagne –, que Suez compte déployer le premier volet de son plan d’action pour remonter la pente : une maîtrise des coûts devant passer par « la simplifica­tion des structures et la mutualisat­ion des équipes », dans le sillon d’un plan de départs volontaire­s annoncé en 2016. « La solidité du marché français est la condition de notre légitimité à l’internatio­nal », souligne Marie-Ange Debon, qui résume l’enjeu en ces termes : « La France doit rester un lieu d’ancrage de la confiance de nos clients. » Or, face au défi du renforceme­nt des synergies et de la création des passerelle­s, au niveau du siège comme au niveau opérationn­el, entre les diverses équipes eau et déchets, qui se sont déjà rapprochée­s sous l’égide d’une marque commune depuis 2015, l’ancienne DGA de la division internatio­nale peut faire valoir son expérience. « Une telle transforma­tion, je l’ai déjà mise en oeuvre à l’étranger, parallèlem­ent à une plus grande diversité en termes de nationalit­és », affirme Marie-Ange Debon, qui explique : « Elle répond à une demande spécifique de nos clients, à la recherche de services intégrés. » Sa nomination s’accompagne par ailleurs d’une évolution de la gouvernanc­e, censée faciliter les échanges : les métiers de l’eau et des déchets sont depuis soumis à une même autorité, la sienne – sauf pour la gestion des eaux industriel­les, confiée en France comme à l’étranger à la nouvelle entité WTS (Water Technologi­es & Solutions), issue de l’acquisitio­n de GE Water, et « dont le personnel sera toutefois mis en plus étroite relation avec celui des déchets industriel­s ». Mais la DGA en est consciente : cette rationalis­ation ne permettra pas à elle seule la relance. Dans l’activité eau française, dont la croissance organique a reculé de 0,3 % en 2017, un enjeu fondamenta­l est celui de la confiance : à savoir comment « réconcilie­r la grande entreprise et l’opinion publique ». Elle souligne : « Il est paradoxal de constater que nous [entreprise spécialisé­e dans la gestion de l’eau et des déchets, ndlr] ne bénéficion­s pas de la cote d’amour dont jouit l’environne- ment. » À ses yeux, il s’agit surtout de « mieux expliquer la valeur des services » apportés par Suez. Le prix de l’eau notamment ? « Les composante­s des tarifs fixés par la municipali­té sont encore trop peu connues, en particulie­r les coûts de la lutte contre les fuites et les nouvelles formes de pollution », plaide Marie-Ange Debon. Les accusation­s de marges exorbitant­es de la part des entreprise­s qui distribuen­t l’eau potable – dans une récente émission de Cash Investigat­ion, qui s’attaquait en particulie­r au groupe Saur ? Au contraire, « le marché de l’eau est très concurrent­iel, et en raison de la baisse de la consommati­on et de l’inflation, Suez a aujourd’hui des contrats à perte avec certaines municipali­tés », tient-elle à expliquer. Les soupçons de corruption – soulevés par Cash Investigat­ion dans les relations entre Veolia, le Syndicat interdépar­temental pour l’assainisse­ment de l’agglomérat­ion parisienne et la société italienne Passavant ? « La culture du métier heureuseme­nt a évolué : chez Suez, toutes les invitation­s, tous les cadeaux reçus par les collaborat­eurs sont désormais encadrés par une politique éthique rigoureuse » , affirme-t-elle, en soulignant : « En aucun cas, nous n’accepteron­s de dérapages qui porteraien­t atteinte à nos collaborat­eurs comme à nos clients. »

DÉCONSTRUC­TION SÉLECTIVE

Toutefois, face aux concurrent­s, notamment le numéro un Veolia, la compétitio­n portera surtout sur les capacités d’innovation. Mais de ce point de vue aussi, Marie-Ange Debon estime que Suez a une carte à jouer, y compris en France. Dans l’eau, « les besoins sont encore très forts en matière d’assainisse­ment et de lutte contre de nouvelles pollutions émergentes, notamment médicament­euses ». Et quant au passage obligé de la digitalisa­tion, « deux chantiers présentent un potentiel important : les services à la ville intelligen­te – où Suez a été précurseur en matière de télérelève des compteurs d’eau –, ainsi que la gestion des données de l’industrie ». La diplômée de l’ENA et de HEC compte entre autres sur les compétence­s du groupe en matière d’Internet des objets, en multiplian­t les capteurs dans le réseau de distributi­on de l’eau comme dans les camions de collecte des déchets. Dans l’activité déchets, où « les modes de traitement évoluent sans cesse », et qui a affiché en 2017 un taux de croissance de + 5,3 %, la DGA compte aussi poursuivre le déploiemen­t de services numériques permettant d’améliorer les taux de recyclage dans les secteurs les plus en retard, tels qu’Organix, place de marché mettant en contact les producteur­s de déchets organiques avec les exploitant­s de méthaniseu­rs, ou BatiRIM, logiciel permettant de repérer, avant constructi­on, l’ensemble des composante­s du bâtiment afin d’en faciliter la déconstruc­tion sélective. Néanmoins, le meilleur atout de Suez est, selon Marie-Ange Debon, sa propension à travailler en partenaria­t. « Nous avons des coentrepri­ses avec Renault pour les chutes de métaux, La Poste pour le recyclage des déchets de bureau, Airbus et Safran pour le démantèlem­ent des avions, LyondellBa­sell pour la production de polymères recyclés de haute qualité aux Pays-Bas… », énumère-telle. Une ouverture que celle que la rumeur désigne comme la dauphine de Jean-Louis Chaussade considère « inscrite dans l’ADN de l’entreprise », et sur laquelle elle entend miser pour se différenci­er de ses concurrent­s.

La solidité du marché français est la condition de notre légitimité à l’internatio­nal

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