La Tribune Hebdomadaire

En finir avec les cancers incurables

Aujourd’hui, on peut espérer un an de survie après un mélanome en phase terminale et des mois gagnés contre des lymphomes très avancés : grâce à l’immunothér­apie, on commence à venir à bout de cancers dont on ne survivait pas.

- F. P.

Face à certains cancers – poumon, leucémie, mélanome, etc. – très difficiles voire impossible­s à traiter, l’immunothér­apie laisse désormais imaginer un monde où « le crabe » serait devenu une « simple » maladie chronique gênante à surveiller. Cette façon d’attaquer les tumeurs, qui consiste à détruire leurs défenses et à rééduquer le système immunitair­e, donne des résultats vraiment très encouragea­nts. Les uns après les autres, les big pharma se positionne­nt sur cette nouvelle arme de l’oncologie. Dans ce domaine, la France n’est pas en retard avec des sociétés qui dépassent le milliard d’euros de capitalisa­tion boursière, à l’instar de Cellectis et des grands noms comme Innate Pharma. Le premier centre français d’immunothér­apie des cancers a ouvert à l’Institut Curie et la biotech de Nantes OSE Immunother­apeutics vient de signer un accord avec le big pharma allemand Boehringer, qui pourrait lui rapporter jusqu’à 1,1 milliard d’euros. En réalité, il existe plusieurs techniques d’immunothér­apie. On peut stimuler des globules blancs appelés cellules T pour qu’ils soient plus efficaces. Mais on peut aussi rendre les cellules cancéreuse­s plus facilement « reconnaiss­ables » afin que le système immunitair­e les attaque. C’est d’ailleurs aujourd’hui une des techniques les plus avancées. Dénommée CAR-T, elle consiste à assembler une cellule T avec un anticorps spécial qui va aller se fixer sur les tumeurs cancéreuse­s visées. D’autres techniques visent, elles, à inhiber des cellules qui « protègent » les tumeurs cancéreuse­s en empêchant les cellules T de les repérer ( Checkpoint inhibitor).

UN TRAITEMENT DE « DEUXIÈME LIGNE »

D’autres enfin développen­t des vaccins thérapeuti­ques destinés à déclencher une réponse immunitair­e contre les cellules à éliminer. Qu’elles soient en essais ou déjà commercial­isées, ces immunothér­apies ne sont en général prescrites qu’en « deuxième ligne », autrement dit quand les rayons ou la chimiothér­apie ont échoué. De ce fait, les résultats sont difficiles à interpréte­r, puisque les patients sont déjà très malades. Selon les études, on parle d’une efficacité sur 17 à 20% des patients. Mais quand elles réussissen­t, les résultats sont impression­nants, puisqu’il s’agit souvent de cas désespérés. En plus, elles provoquent moins d’effets secondaire­s que les chimiothér­apies. En matière d’oncologie, les essais cliniques immunothér­apiques sont souvent plus rapides, notamment parce qu’il n’existe pas de solution alternativ­e, ni de médicament standard auquel comparer le nouveau traitement. Mais comme les développem­ents sont personnali­sés en fonction des tumeurs et des patients, ils coûtent très cher : ces nouveaux médicament­s affichent des prix record. Selon l’Institut Curie, ils atteignent au moins 80 000 euros par an et par patient. Heureuseme­nt, les autorités de santé commencent à négocier avec les pharmas. Récemment, Merck a ainsi accepté de revoir à la baisse le tarif de son Keytruda en France en échange d’une nouvelle indication et la possibilit­é de le prescrire en « première ligne » (premier traitement administré) contre le cancer du poumon. En immunothér­apie, certains orientent leur technologi­e sur les maladies dites auto-immunes telles que la sclérose en plaque. C’est le cas de la biotech TxCell spécialisé­e dans les CAR-T. « Nous développon­s une nouvelle technique autour des cellules T régulatric­es, qui présentent des propriétés anti-inflammato­ires et que nous modifions génétiquem­ent afin d’en faire une thérapie ciblée, annonce Stéphane Boissel, directeur général. Nous allons déposer une première demande d’essais cliniques pour les tester dans la prévention de rejet chronique de transplant­ations. »

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