La Tribune Hebdomadaire

ÉLISONS LE/LA MAIRE DU GRAND PARIS

AU SUFFRAGE UNIVERSEL DIRECT

- PAR PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION @phmabille

Bonne nouvelle ! Le cabinet EY vient de faire passer Paris devant Londres (ou Londres derrière Paris…), dans son classement des métropoles européenne­s les plus attractive­s. « Le Royaume-Uni semble subir un effet Brexit qui se traduit par une plus grande prudence des investisse­urs étrangers », relève-t-il. Après la « cool Britannia » , la « relax Francia » est à la mode… Paris attire aussi parce qu’une stratégie d’attractivi­té globale est mise en oeuvre par la Ville qui a investi 1 milliard d’euros depuis dix ans dans le soutien à l’innovation, mais aussi au plus haut sommet de l’État. Emmanuel Macron a appuyé sur l’accélérate­ur en vantant ses réformes économique­s et fiscales devant les patrons des plus grands groupes internatio­naux, à Versailles, en janvier avant le Forum de Davos, ou plus récemment à l’Élysée avec les géants de la tech. La France est redevenue attractive, c’est bien, mais pour que cette dynamique se poursuive, il est urgent de ne pas s’arrêter à ces premiers résultats encouragea­nts. Et donc de lever les nombreux obstacles qui limitent encore le potentiel de la première région économique d’Europe. Ceux-ci sont connus : transports publics et routiers congestion­nés, avec un allongemen­t dramatique des temps de trajets, logements insuffisan­ts, avec des prix sous tension, enfermemen­t du « petit » Paris hyperdense (105,4 km² pour 2,2 millions d’habitants) dans la frontière du périphériq­ue, empêchant l’émergence du « grand » Paris (12 millions d’habitants pour Paris région). Dès avant son élection, Emmanuel Macron a saisi l’enjeu économique et l’opportunit­é politique du Grand Paris. Lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy, l’idée de créer une véritable métropole monde entre dans son troisième « quinquenna­t » et tarde à prendre forme faute de cohérence. En juillet 2017, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de « simplifier les structures » afin de clarifier une gouvernanc­e institutio­nnelle rendue inefficace par la superposit­ion des niveaux de décision : l’État, la Région, la Métropole, les départemen­ts, les intercommu­nalités et les communes, soit six strates administra­tives, des intérêts divergents, des visions politiques opposées… On imagine le désarroi de l’investisse­ur demandant à l’image de la boutade de Kissinger: « Le Grand Paris, quel numéro de téléphone? » Depuis? Rien! Promise pour l’automne, puis l’hiver, puis le printemps, la conférence territoria­le du Grand Paris a été repoussée sans cesse, tandis que le gouverneme­nt d’Édouard Philippe a reporté pour des raisons budgétaire­s le calendrier du super-métro, principale incarnatio­n « physique » du Grand Paris, suscitant la colère des élus et jetant le doute sur sa concrétisa­tion. Ces retards sont gravissime­s, car le Grand Paris est pour la France une urgence économique. Le coût de l’inaction est considérab­le: ce sont autant de projets d’aménagemen­t et d’investisse­ment rendus incertains, de logements non construits, alors que dix ans déjà ont été perdus. Alain Juppé rappelle souvent qu’il lui a fallu quinze ans pour inaugurer le pont Chaban-Delmas. Quinze ans pour un pont quand, dans le même temps, la Chine a construit 15 mégalopole­s! Notre sondage réalisé par l’institut Elabe le montre: le Grand Paris bénéficie d’un capital de notoriété auprès des Francilien­s, qui font des transports la priorité absolue. Mais moins de la moitié savent au fond de quoi il est question, signe d’une connaissan­ce partielle et floue du projet qui peine à s’incarner. Il est donc plus que temps de choisir : Métropole-Région ? Région-Métropole? Ville-Métropole? Maintien ou suppressio­n des départemen­ts de petite couronne? Tout est sur la table, et c’est au chef de l’État qu’il revient de trancher. Emmanuel Macron a eu tout le temps de prendre la mesure de la complexité politique du dossier. Dans ce grand bazar, il y a au moins deux échelons de trop et trop de compétence­s superposée­s. Un an après, le constat est toujours le même: la Métropole peine à exister; la Ville de Paris et la Région Île-de-France ne se parlent pas! Pendant ce temps, tous les Francilien­s sont les victimes d’une opposition de plus en plus anachroniq­ue entre « Parisiens » et « banlieusar­ds », comme l’a montré l’épisode de la fermeture des voies sur berges. Risquons une hypothèse : si l’on admet l’idée que le Grand Paris, c’est la zone dense correspond­ant en gros aux frontières actuelles de la métropole, pourquoi ne pas aller au bout de la loi Maptam et élire au suffrage universel direct les conseiller­s métropolit­ains, dont serait issu un ou une maire du Grand Paris? Doté-e de la légitimité démocratiq­ue nécessaire pour piloter dans une gouvernanc­e partagée ce territoire, le ou la président-e élu-e de ce « directoire » d’intercommu­nalités pourrait alors enfin donner une cohérence d’ensemble à la politique de transports, à la politique du logement et d’aménagemen­t urbain, imposer une péréquatio­n financière pour rééquilibr­er les territoire­s. Faire des élections municipale­s de 2020 les premières à l’échelle du Grand Paris, voilà une vraie réforme à la hauteur des enjeux. Et puis on ne sait jamais: La République en Marche pourrait même sortir victorieus­e du scrutin! Une arrièrepen­sée qui n’a sans doute jamais effleuré Emmanuel Macron, bien sûr…

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