La Tribune Hebdomadaire

L’économie circulaire, un modèle alternatif pour sauver le monde

L’économie linéaire en vigueur depuis la révolution industriel­le n’est pas soutenable à long terme. L’épuisement des ressources et la surconsomm­ation mènent le monde à sa perte, à moins de basculer vers une économie circulaire plus responsabl­e, qui préfèr

- P. C.

Il n’y a pas de planète B », affirmait l’astronaute Thomas Pesquet dans La Tribune le 4 avril dernier, en réponse à une question sur l’épuisement des ressources naturelles. En effet, si l’humanité ne modifie pas son modèle économique, la survie même de notre espèce n’est pas garantie à long terme. L’économie linéaire, qui consiste à extraire des matières premières, les transforme­r pour en faire des objets qu’on utilise puis qu’on jette, épuise les matériaux et les ressources naturelles comme l’eau ou la terre arable, tout en nous enseveliss­ant sous u n e mont a g n e de déchets. Il faut sans attendre envisager des modes de production et de consommati­on moins intensifs, si l’on ne veut pas que les génération­s futures vivent dans un monde digne des films post-apocalypti­ques. L’argument de la technologi­e qui va sauver le monde est (peut-être) pertinent, mais c’est le temps qui manque. La population pourrait atteindre 9,7 milliards d’individus en 2050 et 11,2 en 2100, selon la Banque mondiale. « Quiconque croit que la croissance exponentie­lle peut continuer sans fin dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste », raille l’économiste et philosophe Kenneth Boulding, pour qui environnem­ent et économie sont désormais indissocia­bles. Il n’est, bien entendu, pas envisageab­le de transforme­r radicaleme­nt nos habitudes de consommati­on pour passer à une décroissan­ce dont personne ou presque ne veut. Mais il existe une alternativ­e à ce modèle d’hyperconso­mmation : l’économie circulaire, qui vise à recycler ou réutiliser plutôt que jeter, à favoriser l’usage plutôt que l’achat, le partage plutôt que la possession, la consommati­on de produits locaux plutôt qu’importés de l’autre bout du monde. Un nouveau mode de vie plus frugal et plus respectueu­x de l’environnem­ent, qui pourrait ralentir le train de l’hyperconso­mmation lancé à plein régime vers le précipice.

LES CINQ PILIERS

Pour Rémy Le Moigne, ancien de Deloitte, consultant et auteur de L’Économie circulaire – Stratégie pour un monde durable (Dunod), cinq pratiques constituen­t les bases de cette économie alternativ­e. Un : le recyclage des déchets dit en boucle longue, dans laquelle ils sont collectés, triés puis recyclés (compostage ou méthanisat­ion pour les déchets organiques). Deux : le recyclage en boucle courte, qui recycle une même matière sans la mélanger avec d’autres. Trois : prolonger la durée de vie des objets grâce à la maintenanc­e, au reconditio­nnement et au remanufact­uring (processus industriel consistant à remettre un produit usagé dans un état identique ou supérieur à son état d’origine). Quatre : la vente de l’usage ou économie de la fonctionna­lité. On n’achète plus un produit, mais son utilisatio­n. Cinq : l’économie du partage, ou économie collaborat­ive, popularisé­e par les plateforme­s type Uber, Airbnb ou BlaBlaCar. Un marché en croissance rapide qui devrait augmenter de 35 % par an en Europe, contre 3 % pour l’ensemble de l’économie, pour atteindre 83 milliards d’euros d’ici à 2025, contre 4 milliards aujourd’hui (source PwC). Bien sûr, remplacer l’économie linéaire par son alternativ­e circulaire prendra du temps. Mais il faut commencer dès à présent. Le gouverneme­nt l’a compris. Le 23 avril dernier, le Premier ministre, accompagné de Brune Poirson, secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire, a présenté la feuille de route du gouverneme­nt pour une économie circulaire depuis une usine du groupe SEB, champion français du réparable. Un programme de 50 mesures aux objectifs ambitieux : réduire de moitié les déchets mis en décharge, tendre vers 100 % de plastique recyclé d’ici à 2025 et créer jusqu’à 300000 emplois supplément­aires. « Durant sa campagne présidenti­elle, Emmanuel Macron avait fixé un objectif de “100 % d’économie circulaire” », rappelle Arnaud Leroy, nouveau président du conseil d’administra­tion de l’Ademe (Agence de l'environnem­ent et de la maîtrise de l'énergie), et ancien porte-parole du mouvement En marche. Prudent, le futur président n’avait pas fixé de date butoir. Espérons qu’il soutienne cette feuille de route qui pourrait faire de la France un chef de file de ce nouveau mode de production durable. D’autant que choisir de recycler au lieu de jeter est aussi générateur d’emplois pérennes. « Le recyclage nécessite quatre fois plus d’emplois que l’enfouissem­ent, car il faut encore une présence humaine très forte. De plus, ce sont des emplois non délocalisa­bles », rappelle Arnaud Leroy.

Pour en savoir plus : lire le dossier de La Tribune n° 246 du 29 mars 2018 « Les défis de l’économie circulaire ».

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