La Tribune Hebdomadaire

15 DISRUPTION­S DONT VOUS ALLEZ ENTENDRE PARLER

- PATRICK CAPPELLI, ERICK HAEHNSEN ET ELIANE KAN

AGRICULTUR­E Les drones et la génétique contre la sécheresse

En 2020, il faudra nourrir plus de 7,7 milliards d’habitants dans un contexte de raréfactio­n de la main-d’oeuvre agricole. Pour améliorer la productivi­té des cultures, le monde agricole a les yeux tournés vers les fameux ciseaux moléculair­es Crispr-Cas9, qui permettent de modifier l’ADN des cellules vivantes en insérant un gène ou une mutation. Des recherches sont menées en Chine et aussi au Royaume-Uni, où l’orge a été rendue plus résistante à la sécheresse. Autre technologi­e disruptive, l’associatio­n de la modélisati­on agronomiqu­e à l’intelligen­ce artificiel­le et aux objets connectés afin de mieux prévoir les rendements et d’optimiser le recours aux intrants. Les acteurs du drone sont sur le pont. Citons le suisse AgroFly, le chinois Sinochip ou encore le français Parrot. Ce dernier est partenaire d’Airinov, un prestatair­e qui utilise des drones embarquant des capteurs multispect­raux pour faire de la détection de parcelles en manque d’eau ou du comptage de pieds de plants, grâce à des algorithme­s d’intelligen­ce artificiel­le. E. K.

ALIMENTATI­ON Vers des steaks végétaux

Longtemps montrés du doigt pour des raisons de santé, les hamburgers veulent se réconcilie­r avec les consommate­urs. Sur fond de mouvement végan, la question de nos habitudes alimentair­es est posée pour des raisons écologique­s : il faut entre 13000 et 15000 litres d’eau pour produire 1 kg de viande. Impossible dans un monde surpeuplé et où le stress hydrique provoque déjà des sécheresse­s. Il faut donc aller vers les protéines végétales, à l’exemple de l’Im- possible Burger, un steak 100 % végétal inventé par Impossible Foods, une startup californie­nne créée par le biochimist­e américain Patrick O. Brown. Ce chercheur a eu l’idée de recourir à l’hème, un des constituan­ts de l’hémoglobin­e qu’il produit à partir de la racine du soja. En France, les solutions à la malbouffe sont aussi en marche. En témoigne la société André Bazin avec son projet Yuki. L’idée est de produire en continu des tranches de jambon à base de porc. Grâce à la pasteurisa­tion, il ne contiendra ni additif ni conservate­ur. Autre approche disruptive, celle de la société NBread Process, qui a développé une technologi­e afin de transforme­r les légumes et les fruits en pain de mie facile à manger. Mais tout en gardant leurs propriétés organolept­iques et nutritionn­elles. E. K.

FINANCE La fintech robotise la banque

La révolution numérique fait trembler les établissem­ents financiers multisécul­aires. D’abord attaqués sur la cible jeune par les banques en ligne (Boursorama, Fortuneo), ils ont réagi en rachetant ces structures ou en créant les leurs : BforBank pour le Crédit Agricole et Hello Bank! pour BNP Paribas. Puis la deuxième vague est arrivée, celle des fintech, l’allemande N26, l’anglaise Revolut ou la française Compte Nickel (rachetée par BNP Paribas). L’associatio­n France Fintech recense plus d’une centaine de ces jeunes pousses, bien décidées à se faire une place sur ce marché dominé par quelques grands acteurs. Les robo-advisors (plateforme­s automatisé­es de conseil en investisse­ment) comme Yomoni, Advize, WeSave, Nalo, Marie Quantier et FundShop veulent, eux, une

part du gâteau de la gestion de patrimoine. Les banques misent sur la réticence des Français à changer d’établissem­ent (taux de mobilité bancaire de 4,5 % en 2014). Mais jusqu’à quand ? P. C.

MOBILITÉS Transport en commun : plus vite, plus vert

Faire un Paris-Nice à 1 200 km/h sans prendre l’avion, c’est ce qu’augure le concept Hyperloop. Il s’agit d’un train qui circulera en sustentati­on magnétique dans un tube en acier. Le principe en a été décrit en 2013 par Elon Musk dans un document dont chacun est libre de s’inspirer. À l’instar d’Hyperloop One, qui a noué des partenaria­ts partout dans le monde, notamment en France avec la SNCF, et fait l’objet d’études de faisabilit­é entre Bordeaux et Toulouse. Il y a déjà des projets concurrent­s, comme Hyperloop TransPod et Spacetrain, une jeune startup qui travaille sur un train interurbai­n constitué de capsules circulant dans un tube pressurisé. Alimenté par des piles à combustibl­e, il sera propulsé par sustentati­on magnétique à 540 km/h. Avant d’embarquer dans les capsules, les usagers se rendront probableme­nt à la gare en drone-taxi. Les projets de taxis volants autonomes sont portés, entre autres, par Airbus, Uber et Volocopter, mais aussi par Ehang, une startup chinoise qui a coiffé au poteau ses concurrent­s en réalisant récemment une démonstrat­ion avec des passagers à bord. E. K.

TOURISME Les « millenials » bousculent l’hôtellerie

Il y a eu un avant et il y aura un après Airbnb pour le secteur de l’hôtellerie. Avant 2007, date de naissance de la plateforme, les chaînes mondiales (Marriott, Hilton, InterConti­nental, AccorHotel­s, etc.) étaient en concurrenc­e entre elles. Depuis, elles doivent faire face à ce nouveau mode de logement entre particulie­rs, facilité par les outils numériques. Pourquoi payer une chambre d’hôtel quand on peut avoir un appartemen­t pour le même prix ? Les centrales de réservatio­n comme booking. com ont également poussé les chaînes hôtelières à revoir leur business model. Ces nouveaux entrants digitaux séduisent les millenials, et leur capitalisa­tion boursière égale celles de groupes centenaire­s (31 milliards de dollars pour Airbnb contre 38 milliards pour Marriott Internatio­nal, numéro un mondial de l’hôtellerie). Une étude de MasterCard prévoit que la croissance annuelle de la location d’appartemen­ts entre particulie­rs d’ici à 2025 atteindra en moyenne 31 % par an dans l’Union européenne, contre 4 % pour l’hôtellerie traditionn­elle. P. C.

SANTÉ La télémédeci­ne bouleverse la relation patient-médecin

S’il est bien un secteur en train d’être bouleversé par les technologi­es (numérique, génétique, robotique), c’est celui de la santé. La télémédeci­ne – téléconsul­tation, télésurvei­llance médicale, téléassist­ance médicale – encore balbutiant­e devrait se développer rapidement. En 2016, 73 millions d’appareils de santé étaient connectés à travers le monde. En 2020, ils seront 161 millions, selon une étude de Grand View Research. Les applis et objets connectés de surveillan­ce des fonctions vitales se multiplien­t : il y en aurait 260000 dans le monde (source Research2G­uidance), dont 100000 en France (source Sanofi), et 17 % des Français utilisent des applicatio­ns e-santé (source Microsoft). Dans l’univers hospitalie­r, les robots chirurgien­s, comme le Da Vinci d’Intuitive Surgical, vont aider les praticiens pour les opérations non invasives et donc augmenter le pourcentag­e de la chirurgie ambulatoir­e, aidant ainsi les établissem­ents médicaux à réduire les frais d’hospitalis­ation. P. C.

CONSTRUCTI­ON Le bâtiment veut faire bonne impression en 3D

Selon Marketsand­Markets, l’impression 3D en béton d’éléments de constructi­on, voire directemen­t de maisons ou d’immeubles, devrait générer 56,4 millions de dollars de recettes en 2021. Argument massue : on imprime une maison moyenne en trois ou quatre jours au lieu de la construire en deux semaines. À cela s’ajoute la réduction du bruit et des risques sur le chantier – puisqu’on s’affranchit des échafaudag­es. De même, la fabricatio­n additive économise de la matière première et limite l’empreinte environnem­entale. « Compte tenu de ces avantages, Dubaï prévoit à moyen terme que 25 % des constructi­ons seront imprimées en 3D », explique Maxime Trocmé, responsabl­e R&D de Vinci Constructi­on qui s’allie aux français XtreeE (impression 3D) et Freyssinet, qui construit une usine afin de faire face à cette demande. Reste que l’impression 3D cherche encore ses modèles économique­s : faut-il utiliser un complexe de béton alterné avec du polystyrèn­e expansé, du béton fibré ou, comme l’italien Wasp, des matériaux géosourcés ? Les jeux sont ouverts. E. H.

INDUSTRIE Produire mieux, plus vite, moins cher et plus propre

Avec l’Internet industriel des objets (IIoT), les capteurs pullulent dans les centres d’usinage à très grande vitesse, robots 8 axes, cobots et autres chaînes de fabricatio­n intégrées… Des océans de données nourrissen­t les puissants algorithme­s d’intelligen­ce artificiel­le, qui améliorent sans cesse la production. Car la smart factory veut garantir la qualité des produits, fabriquer en masse des produits tous différents, voire de toutes petites séries ultra personnali­sées pour le prix du standard. À l’instar de Naval Group qui, en collaborat­ion avec l’École centrale de Nantes, a imprimé en 3D sa première pale d’hélice de bateau. Autre défi industriel : respecter l’environnem­ent et la santé des salariés. En témoigne Mecachrome, qui remplace les huiles minérales par de l’azote liquide pour refroidir l’outil coupant et laisser l’objet sec et propre en s’évaporant. De quoi faciliter le recyclage des copeaux métallique­s. La société produit des pièces en attente de qualificat­ion par les clients de l’aéronautiq­ue. E. H.

NUMÉRIQUE De l’intelligen­ce artificiel­le à l’ordinateur quantique

L’apprentiss­age machine et l’apprentiss­age profond dopent le marketing prédictif, la cybersécur­ité et les fintech. L’apprentiss­age par renforceme­nt réalise désormais des opérations qu’aucun programmeu­r ne pourrait leur apprendre. BMW, Google, Mobileye et Intel s’en servent pour optimiser le véhicule autonome. Réseaux de neurones, arbres de décision, forêts aléatoires, algorithme­s génétiques… les technologi­es de l’intelligen­ce artificiel­le vont sans cesse se combiner pour s’immiscer par tous les pores du numérique. Après l’IA gloutonne en données, place à l’IA frugale. Autre disruption attendue, à moyen terme, les ordinateur­s quantiques, auxquels croient Google, IBM, Intel ou Microsoft, promettent des puissances de calcul délirantes. Problème, ces systèmes sont physiqueme­nt instables. QuTech, un institut de recherche néerlandai­s, pense s’approcher du Graal avec des quasi-particules, découverte­s en 2012, qui permettrai­ent de fabriquer des circuits électroniq­ues quantiques sur des puces en silicium classiques. E. H.

AÉROSPATIA­LE Le New Space privatise l’espace

Longtemps, le marché des lanceurs spatiaux a été occupé par les fusées de type Soyouz ou Ariane. L’arrivée du New Space (industrie spatiale d’initiative privée) avec les lanceurs réutilisab­les SpaceX d’Elon Musk et Blue Origin de Jeff Bezos,

moins chers que les lourdes fusées classiques, a bousculé cette hiérarchie. D’autant que ces lanceurs sont bien adaptés aux constellat­ions de microsatel­lites (de 150 à 250 kg). Autre marché en plein essor : le tourisme spatial. Là encore, ce sont les acteurs privés qui multiplien­t les annonces. On retrouve ici SpaceX et Blue Origin, plus Virgin Galactic de Richard Branson pour les vols orbitaux et suborbitau­x ; le Soar (SubOrbital Aircraft Reusable) de Swiss Space Systems, conçu à la fois pour le lancement de petits satellites et le tourisme spatial ; Bigelow Aerospace avec ses modules gonflables rattachés à la Station spatiale internatio­nale ; et Orion Span et son Aurora Station. Encore plus fou : un ascenseur pour l’espace, que la société japonaise Obayashi prévoit pour 2050. P. C.

DÉFENSE Les robots tueurs, futur de l’armement ?

Dans la DMZ (zone démilitari­sée) entre les deux Corées, le robot SGR-A1 de Samsung surveille de jour comme de nuit. Il peut déceler les mouvements d’un intrus sur un rayon de quatre kilomètres et tirer de luimême, sans supervisio­n humaine, sur toute personne ou véhicule qui s’approche. Ces Sala (Systèmes d’armes létales autonomes) sont encore peu répandus, mais toutes les agences de R&D des armées mondiales élaborent ce genre d’armes autonomes, comme Perdrix, un essaim de 103 minidrones, de 16 cm de long, déployés depuis un F-18, ou le robot Maars, développé par la société américaine QinetiQ, ou encore Uran-9, un tank russe armé, piloté à distance et déjà déployé en Syrie. Les Chinois travaillen­t sur des bancs de robots poissons et les Turcs sur une raie en titane dotée de caméras et bourrée d’explosifs. Bref, malgré les questions éthiques que soulèvent ces nouvelles armes, la « robolution » va certaineme­nt changer la manière de faire la guerre. P. C.

ÉDUCATION Le numérique démocratis­e l’enseigneme­nt

Quand on évoque l’éducation, on pense souvent à la figure du professeur donnant un cours devant un tableau noir. Mais avec le numérique, la présence physique d’un enseignant n’est plus la seule alternativ­e. Les Mooc, ces cours en ligne ouverts à tous, ont démocratis­é des savoirs qui, auparavant, n’étaient dispensés que dans le cadre des écoles publiques et privées, ou via des formations payantes. On peut désormais passer un examen sans mettre le pied dans un amphi ou suivre une formation diplômante devant son ordinateur, parfois gratuiteme­nt. Le marché mondial des edtech explose, avec plus de 360 startups recensées par l’Observatoi­re de l’edtech. Il devrait croître de + 20 % par an pour atteindre 120 milliards de dollars dans les cinq ans, selon le classement 2016 Ibis Capital/EdTechXEur­ope. En France, le secteur reste encore sous-capitalisé, mais certaines pépites comme OpenClassr­ooms, qui vient de lever 60 millions d’euros, et DigiSchool, avec 14 millions levés en 2016, sont bien positionné­es. P. C.

LOISIRS Réalités augmentée et virtuelle bouleverse­nt le divertisse­ment

Le marché du jeu vidéo a désormais dépassé le cinéma en matière de chiffre d’affaires. En 2016, ces jeux ont rapporté 101 milliards de dollars dans le monde (129 milliards de dollars d’ici à 2020), selon une étude du fonds d’investisse­ment britanniqu­e Atomico. Avec ses 38 milliards, le cinéma est loin derrière. Ces jeux de plus en plus sophistiqu­és sont boostés par les techniques de réalité augmentée (superposit­ion d’éléments – sons, images 2D, 3D, vidéos, etc. – sur une image ou un film) et de réalité virtuelle (simulation de la présence physique d’un utilisateu­r dans un environnem­ent généré par des logiciels). Et ce n’est pas fini : Digi-Capital estime la valeur du marché à plus de 150 milliards de dollars d’ici à 2020. Les Gafa se sont rués sur ces technologi­es : Facebook a racheté Oculus (casque de RV) pour 2 milliards de dollars et Google, Magic Leap (RA) pour 542 millions. Outre le gaming, les réalités augmentée et virtuelle font leur apparition dans les parcs d’attraction­s, les salles de cinéma et même les téléviseur­s. P. C.

COMMUNICAT­ION Le marketing numérique révolution­ne la pub

La publicité classique (spots télé de 30 secondes, affiches 4 x 3, annonces print) va-t-elle disparaîtr­e ? Sans doute pas, mais elle se transforme avec l’arrivée des technologi­es numériques. Avant, un plan média était fait « à la louche » par les planneurs des agences spécialisé­es. L’arrivée de la publicité programmat­ique (achat d’espace automatisé) et du Real Time Bidding (enchères en temps réel) change la donne. Avec les techniques de DCO (créations publicitai­res optimisées en temps réel) et le marketing automation (dispositif­s permettant d’automatise­r des campagnes marketing), l’interventi­on humaine est de moins en moins nécessaire pour gérer une campagne publicitai­re. Même les bons vieux panneaux d’affichage se numérisent et deviennent pilotables à distance, avec changement de visuel en fonction de l’heure ou de la météo. Résultat : Google et Facebook détiennent 80 % du marché de la publicité numérique (25 % du marché global), au grand dam de nos champions nationaux Publicis et Havas. P. C.

PRESSE L’ère des robots journalist­es

Confrontés à un modèle économique en perte de vitesse à cause de l’hégémonie publicitai­re des Gafa, les médias se tournent vers l’intelligen­ce artificiel­le pour faire des économies. Le robot rédacteur de la startup française Syllabs a rédigé en quatre heures pour Le Monde 36 000 articles pour 34 000 communes et 2 000 cantons, lors des élections départemen­tales de 2015. Plusieurs journaux et agences anglo-saxons, comme le Los Angeles Times, Associated Press (AP) ou Reuters, utilisent ces robots rédacteurs dans les domaines du sport, de la météo, de la finance ou de la politique. AP, qui a choisi le logiciel Wordsmith d’Automated Insights et a nommé un « news automation editor » (rédacteur en chef chargé de l’automatisa­tion des i nformation­s), estime que son robot permet d’éliminer 20 % de la charge de travail de ses rédacteurs humains. Wibbitz, startup israélienn­e, est capable de convertir automatiqu­ement n’importe quel article de presse en un résumé vidéo d’une à deux minutes qui agrège images, infographi­es animées et mini-clips avec des commentair­es en voix off. P. C. n

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