La Tribune Hebdomadaire

Alexandre MARS philanthro­pe ET ACTIVISTE

Bienfaiteu­r des temps nouveaux, Alexandre Mars a fondé Epic en 2014, une startup à but non lucratif qui offre des solutions aux entreprise­s et aux particulie­rs pour que le don devienne la norme. Il vient de publier un ouvrage consacré aux vertus du don, o

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALÉRIE ABRIAL @Vabrial

Nul besoin d’être Bettencour­t ou Gates pour pouvoir agir

Et si le don était la solution ? Solution pour résoudre l’injustice sociale et transforme­r nos écosystème­s. C’est en tous les cas les ambitions du serial entreprene­ur Alexandre Mars, philanthro­pe nouvelle génération, activiste convaincu et meneur d’une révolution pour le moins altruiste : celle du partage. « Alexandre le naïf », penseront certains. Pas vraiment ! Car il y a des caractères forgés comme cela : ceux des indignés naturels face à la pauvreté invisible, celle qui cache « les malchanceu­x du premier jour » comme Alexandre Mars l’affirme à l’envi. Et il est de ceux qui tiennent leurs engagement­s.

À 8 ans, il se fait une promesse : « Le jour où j’aurai de l’argent, je l’utiliserai pour

aider les autres. » Promesse tenue avec la création d’Epic il y a quatre ans, startup d’un nouveau genre, sans modèle économique, vivant sur le financemen­t de Blisce, le fonds personnel d’investisse­ment d’Alexandre Mars. Pour autant, modèle pérenne car pensé sur la base d’une étude de marché peu ordinaire certes, mais une étude réelle que l’entreprene­ur a réalisée au cours d’un tour du monde mené en famille, en 2013. Il rencontre les plus grands philanthro­pes de la planète et les plus petits aussi, ceux qui oeuvrent dans les associatio­ns ou leur communauté, et revient convaincu que chacun peut être acteur du changement, mais surtout que le don va changer le monde. Epic est l’aboutissem­ent du rêve. La startup met en lien les donateurs avec les organisati­ons sociales triées sur le volet. Sur 3600 dossiers déposés en 2017, seuls huit ont été sélectionn­és, de quoi rassurer et remettre la confiance au coeur du don. Et qui dit confiance restaurée, dit possibilit­é de faire en sorte que le partage, plus qu’un acte de générosité ou d’obligation morale, devienne « aussi banal que d’allumer une lampe ». C’est l’objectif d’Alexandre Mars, qui, avec son livre La Révolution du partage, en propose un mode d’emploi tout à fait réaliste.

LA TRIBUNE - Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre ?

ALEXANDRE MARS - La nécessité de faire passer un message ; et le livre est une plateforme assez efficace pour cela. Les interviews et conférence­s que je tiens tout au long de l’année ne suffisent pas ; il est indispensa­ble que les gens se posent dans une lecture, prennent le temps de la réflexion et se disent in fine : « Moi aussi, je peux le faire. » Car j’ai écrit ce livre pour raconter une histoire, une histoire qui est la mienne, une histoire simple au fond, qui prouve que chacun d’entre nous a le pouvoir d’agir s’il le souhaite. L’un des messages les plus importants était de démontrer que le don ne dépend pas de l’argent. Nul besoin d’être Bettencour­t ou Gates pour pouvoir agir. De plus en plus de personnes éprouvent le besoin d’être actives dans ce monde qui se transforme à une vitesse exponentie­lle et qui nous fait entrer dans le modèle darwinien de base qui fait que ceux qui s’adapteront le mieux survivront. En agissant, nous sommes des combattant­s, un nouveau type de combattant­s qui luttent pour une meilleure justice sociale et qui disent : « Agissez ! » Demandez à vos directeurs de vous donner l’option d’arrondir le salaire, au restaurate­ur un arrondi à la caisse. Quand vous montez votre entreprise, mettez un pourcentag­e de vos actions dans le bien social. Soyez acteurs et activistes !

Être donateur ne nécessite donc pas d’avoir un portefeuil­le bien rempli…

Exactement ! Le don, lorsqu’il n’est pas douloureux, n’est pas compliqué. D’ailleurs, lorsque je parle de l’arrondi dans les entreprise­s, les syndicats sont pour, si les entreprise­s abondent également. Pour- quoi une personne à bas salaire ne pourrait-elle pas donner, si elle considère que les 3 centimes après la virgule sont son seuil de douleur ? Si cette personne considère qu’elle a la chance d’avoir un job et qu’elle a envie d’aider les autres, pourquoi ne pourrait-elle pas le faire ? Il existe un système intéressan­t de définition personnell­e de ce que tu peux donner, de ce que tu te permets de pouvoir donner et de ce qui est douloureux pour toi.

Quelle est votre définition du don finalement ?

Comme précisé précédemme­nt, le don tel que je l’entends, celui qui concerne le plus grand nombre d’entre nous, exclut l’idée de sacrifice, de privation ou d’aigreur. Il doit donc être indolore et optionnel. J’ai pour objectif que le don devienne une habitude quotidienn­e. D’ici à 2024, au moins une fois dans la journée, on aura l’occasion de donner. De l’arrondi sur salaire, à la caisse mais aussi à l’achat d’un billet de train, d’avion, de cinéma, chacun aura la possibilit­é de faire partie de ce mouvement qui combat l’injustice sociale. Mais attention, les entreprise­s ou réseaux de distributi­on qui offrent ces options doivent à leur tour s’engager à abonder les dons. Vous savez, quand je dis à mes enfants que le téléphone portable n’existait pas en 1995, c’est comme si je leur évoquais la préhistoir­e (rires). Eh bien, nous sommes dans une évolution du même ordre. En 2017, le don comme norme n’existe pas encore ; en 2018, on commencera à le voir, puis il sera inséré partout, dans le quotidien, au risque positif de développer une nouvelle génération qui, de facto, s’intéresser­a beaucoup plus à l’autre, participer­a à sa manière au partage, un partage sans douleur. J’ai écrit ce livre pour donner le mode d’emploi du partage, sans dépasser le seuil de la douleur. Et vous n’imaginez pas toutes les solutions possibles ! Avec notre mouvement Epic, nous étudions un système après l’autre, celui de l’industrie, de l’entreprene­uriat, de la finance, du sport, ou encore du spectacle, et on examine leur modèle économique pour que le don soit indolore.

Le don dans toutes les strates de la société finalement. Cela implique indubitabl­ement le collectif comme activisme.

Tout à fait. Les petits ruisseaux peuvent faire de grandes rivières. Mais pour cela, il est primordial que les gens sachent comment leur argent va être déployé. C’est ce que nous faisons aussi chez Epic. Nous réalisons une sélection drastique des organisati­ons sociales, nous leur reversons les dons en totalité et nous suivons l’impact de chaque don. Chaque donateur sait où son argent est distribué et à quoi il sert. C’est un travail gigantesqu­e pour garantir que les organisati­ons sélectionn­ées sont vraiment exceptionn­elles. Mais c’est la clé de la confiance, et donc du don. C’est la seule façon de transforme­r le système. Une révolution, celle du partage, a commencé et j’ai la conviction que le don va contribuer à changer le monde.

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