« L’innovation EST AU COEUR de mon ambition »
Présidente d'un département – les Bouchesdu-Rhône – en pleine mutation depuis sa métropolisation, première vice-présidente, chargée de l'attractivité, de la Métropole AixMarseille-Provence, Martine Vassal voit dans les enjeux numériques, énergétiques, dém
La mobilité est un domaine où nous avons une marge de progression
LA TRIBUNE - Les Rencontres économiques d’Aix évoquent les métamorphoses du monde. Comment ces dernières s’appliquent-elles au territoire départemental ?
MARTINE VASSAL – Il semble en effet que nous soyons dans une ère de transition… Transition climatique, transition numérique, transition énergétique… Si ces grandes métamorphoses sont d’envergure mondiale, elles touchent tout autant notre département. Plutôt que de subir ces grandes évolutions, nous avons choisi de les accompagner et d’en faire un moteur de développement pour la Provence, d’autant plus que nous avons des cartes à jouer. La Provence dispose par exemple d’un pôle d’excellence dans les domaines de l’énergie. Pour jouer pleinement notre rôle de collectivité responsable, nous organisons la mise en expérimentation de solutions innovantes à grande échelle. Dans le domaine de l’énergie par exemple, nous soutenons des expérimentations comme la boucle à eau de mer sur Euroméditerranée, l’éolien flottant à Fos-sur-Mer ou le démonstrateur Jupiter 1000 pour une production de gaz renouvelable sur le Grand Port maritime. Tous ces projets s’appuient sur des expertises locales et préfigurent ce que notre territoire pourra mettre en oeuvre pour construire un modèle de développement durable méditerranéen. Depuis mon élection, voilà plus de trois ans, je me bats pour que le département puisse se reposer sur une économie forte, créatrice d’emplois. Pour cela, j’ai mis en oeuvre un projet économique, avec ma casquette de première vice-présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, afin d’attirer les entreprises, en leur offrant un environnement qui les pousse à venir chez nous. L’innovation est au coeur de mon ambition. Je veux aller plus loin vers la décentralisation, travailler sur les passerelles entre secteur public et secteur privé, continuer à construire une politique nouvelle, avec l’aide de la société civile. Je veux aussi que nous amplifiions encore les relations avec la Chine. En début d’année, je participais au Medports Forum, avec les responsables des ports de Barcelone et de Gênes et de l’Union pour la Méditerranée qui ont pris l’initiative de promouvoir, à partir de l’Asie, cette nouvelle route de la soie qui devra passer par Marseille. Je veux faire renaître le potentiel industriel de Marseille. Avec ce travail de mise en commun de toutes les forces vives de l’économie méditerranéenne, nous pouvons arriver à construire une métropole euro-méditerranéenne très puissante.
Quel rôle le numérique peut-il, doit-il jouer dans la réduction des fractures territoriales ?
La Provence ne pourra se développer efficacement que si son territoire peut compter sur des atouts partagés partout et par tous ses habitants. Le très haut débit est la condition indispensable pour que les entreprises puissent poursuivre leur activité dans des conditions acceptables. Et il existe encore sur notre territoire des communes où le débit est largement insuffisant, voire où les connexions Internet n’existent pas. Le Département a lancé un schéma numérique qui lui permettra de couvrir les zones les plus éloignées du haut débit. Il s’agit là de consolider les fondamentaux, mais nous souhaitons aller plus loin en travaillant sur les usages. Pour vous donner un exemple très concret, nous organisons avec les écoles du numérique un hackathon en septembre qui mobilisera des jeunes développeurs et des codeurs autour d’un projet visant à enrichir l’expérience des touristes en Provence grâce à une solution numérique. Le projet s’achèvera par un job dating. Nous combinons ainsi des enjeux d’insertion, de formation, d’emploi et de tourisme. Pour réduire les risques de fractures sociales et territoriales dans le champ numérique, nous nous attaquons très tôt aux enjeux d’appropriation et de formation, notamment, en développant un projet numérique consacré aux collèges qui se matérialise par un programme pédagogique construit autour de tablettes numériques pour tous les élèves de cinquième. Au préalable, nous connectons tous les collèges au très haut débit. En travaillant à l’échelle de toute une classe d’âge, nous sommes certains de réduire les inégalités. C’est en combinant des compétences que nous développerons notre agilité et répondrons aux enjeux les plus contemporains.
Face aux métamorphoses multiples du monde, à l’empreinte de plus en plus forte du numérique, dans des enjeux de smart city qui sont en train d’être définis, les institutions sont-elles capables de s’adapter ?
La smart city, ce sont des réseaux, de la data et une bonne dose de pragmatisme. Pour rendre notre territoire plus « intelligent », plus agile, nous devons combiner ces trois paramètres. Les réseaux, j’en ai déjà parlé, c’est notre engagement pour du très haut débit dans toutes les communes et toutes les zones d’activité. La gestion de la donnée, c’est plus complexe. En effet, les collectivités sont prises dans une équation qui doit intégrer simultanément la nouvelle réglementation pour la protection des données, la transparence de la vie publique, l’ambition de l’open data et la collaboration public-privé. C’est un casse-tête, mais nous progressons. Le pragmatisme consiste à ne pas nous perdre dans la construction d’usines à gaz en développant des solutions qui coûtent cher et qui ne sont utilisées par personne. Il est essentiel de partir de l’usager et d’imaginer des solutions qui vont vraiment apporter une valeur ajoutée. Pour aller dans ce sens, nous allons par exemple revoir l’ensemble de notre interface avec nos publics, non pas en mettant des automates ou des sites Web à la place de nos équipes mais bien en développant de nouveaux services. Le champ de la mobilité, qui est maintenant une compétence métropolitaine, est un domaine pour lequel nous disposons d’une vraie marge de progression. Dans le champ du tourisme, je pense en revanche que nous avons une longueur d’avance. Nous avons expérimenté avec Orange la solution Flux Vision qui nous permet de suivre très précisément les flux touristiques sur notre territoire (provenance des visiteurs, parcours, temps de séjour…). Cette solution est maintenant utilisée par presque toutes les Régions de France!
Comment, dans ce contexte, satisfaire une population croissante dans un monde qui s’épuise ?
J’ai intégré le développement durable au coeur de mon action politique et je présenterai dans les prochains mois un plan environnement très ambitieux. C’est une nécessité absolue et je compte bien qu’il deviendra un modèle de développement, qu’il inspirera d’autres départements ou d’autres collectivités. J’ai l’intime conviction qu’il faut aller plus loin dans nos politiques de soutien au développement durable. Surtout, nous devons nous montrer très pragmatiques, agir pour la santé et pour nos générations futures. Nous le savons tous, la bonne santé de chacun d’entre nous passe par un environnement respecté, par une pollution de l’air mieux maîtrisée. Je vais donc agir en faveur des transports « verts » notamment, favoriser l’achat de véhicules électriques, pour les collectivités et pour les particuliers. Le deuxième grand volet, c’est évidemment la biodiversité. Nous savons aujourd’hui que d’ici à 2050, 38 à 48 % des espèces animales ou végétales pourraient avoir disparu. À travers le plan, nous allons renforcer la prévention et la lutte contre les incendies de forêt, valoriser encore davantage nos espaces naturels, soutenir de nouveaux modèles agricoles, mais aussi sensibiliser les générations futures, à travers les collégiens, aux enjeux de la biodiversité et mettre en valeur « l’atout nature » pour le développement du territoire.