Axelle Davezac (Fondation de France) : « Un cadre fiscal stable et incitatif est indispensable »
AXELLE DAVEZAC - Cette année est effectivement marquée par de nombreuses évolutions fiscales, entre le remplacement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), la hausse de la CSG et plus récemment la confirmation par le gouvernement de la mise en place du prélèvement à la source au 1er janvier prochain. Ces évolutions suscitent des questionnements et des craintes, et les donateurs ne savent pas si leur don sera toujours déductible ou non, à quel taux… ce qui incite certains d’entre eux à repousser leur acte de don, voire à ne plus donner. Tous ces changements fragilisent le secteur de la philanthropie et, à travers lui, les bénéficiaires de nos actions : les personnes vulnérables, les chercheurs. Même si les déductions fiscales ne sont pas l’unique motivation du don des Français, un cadre fiscal stable et incitatif est indispensable. Il permet aux acteurs de la philanthropie de se projeter sur le long terme et de travailler dans la durée, condition indispensable pour obtenir des résultats concrets. De la même façon que l’ISF a été l’occasion pour de nombreux donateurs « d’entrer en philanthropie », son remplacement par l’IFI a fait mécaniquement chuter le nombre de donateurs et le montant des dons : selon France Générosités, les dons IFI en 2018 ont diminué de 55 % en comparaison des dons ISF en 2017, soit 150 millions d’euros en moins. À cela s’est ajoutée la hausse de la CSG pour les retraités, qui sont souvent des donateurs fidèles. Néanmoins, comme l’a montré le « panorama national des générosités » publié en avril dernier par notre Observatoire de la philanthropie, les Français souhaitent jouer un rôle en faveur de l’intérêt général : l’engagement annuel des particuliers et des entreprises est de 7,5 milliards d’euros. personnes vulnérables, la culture, ou encore la recherche médicale. Par ailleurs, les initiatives privées d’intérêt général et l’action des pouvoirs publics sont complémentaires. Et cela d’autant plus que la philanthropie possède une agilité et une souplesse pour expérimenter et apporter de nouvelles réponses à ces problèmes de société. Certaines solutions novatrices sont même reprises par les pouvoirs publics. C’est le cas de « Territoires zéro chômeur de longue durée » : une initiative d’ATD Quart Monde avec la Fondation de France qui s’est transformée en loi adoptée par le Parlement en février 2016 pour l’embauche de chômeurs de plus de six mois en CDI via des entreprises de l’économie sociale et solidaire sur dix te r r i toi r es e n France. Les fondations « actionnaires » – qui détiennent des parts d’une entreprise, ou bien sont majoritaires au sein de son capital – ont bien sûr leur rôle à jouer au service de l’intérêt général. Nous sommes néanmoins vigilants sur deux points. Nous pensons, tout d’abord, que l’éventuelle création d’un statut spécifique de fondation actionnaire contribuerait encore plus à l’éparpillement et à la complexité de notre secteur. Il existe déjà huit statuts juridiques différents de fonds et fondations, dont certains ne concernent que quelques dizaines de structures. Les fondations qui aujourd’hui détiennent un patrimoine d’entreprise, et sont à ce titre « actionnaires », peuvent agir dans le cadre juridique actuel. Il est possible de simplifier les textes mais attention à ne pas confondre enjeux économiques et intérêt général !