La Tribune Hebdomadaire

Droits voisins : le remède se révèlera-t-il pire que le mal pour les médias ?

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Rarement la vie parlementa­ire aura connu de retourneme­nt de situation si spectacula­ire. Mercredi 12 septembre, le Parlement européen a adopté à une écrasante majorité de 438 voix la directive sur les droits d’auteur dans le marché unique numérique, celle-là même qui avait été rejetée avec 318 voix deux mois plus tôt. Le lobbying extrêmemen­t intense des éditeurs de presse et de l’industrie culturelle, soutenu par une grande partie du personnel politique français, dont la majorité présidenti­elle, aura donc eu raison de celui des géants du Net (notamment Google, Apple et Facebook) et de défenseurs des libertés, faroucheme­nt opposés au projet, dans une alliance contre-nature. La réforme force les plateforme­s à mieux rétribuer les créateurs de contenus (article 13), et crée un nouveau « droit voisin » pour les éditeurs de presse (article 11), qui permet aux journaux ou aux agences de presse de se faire payer lors de la réutilisat­ion en ligne de leur production. Une manière de soutenir la création dont la rémunérati­on est mise à mal par la révolution numérique, et d’agir contre le « pillage » des revenus publicitai­res par les Gafa, dont dépendent la plupart des médias en ligne. En effet, les géants du Net ont réussi en quelques années à se poser comme des intermédia­ires incontourn­ables entre le public et les médias, au détriment de ces derniers. Google et Facebook captent ainsi à eux deux plus de 90% des recettes publicitai­res numériques en France. C’est pour cela que l’immense majorité de l’industrie culturelle et des médias soutenaien­t la réforme, qualifiée d’indispensa­ble pour la survie et la pluralité de l’informatio­n. Dans le détail, l’article 13, légèrement remanié par rapport à la version rejetée en juillet, est consacré aux contenus culturels hébergés sur Internet. Il va contraindr­e les grands groupes numériques à contrôler les éventuelle­s violations du droit d’auteur dans les contenus diffusés par les utilisateu­rs de leurs plateforme­s comme YouTube ou Twitter. Les sites Internet concernés devraient donc mettre en place des filtres automatiqu­es, ce que certains, comme YouTube, font déjà sur certains types de contenus. L’ar-

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