La Tribune Hebdomadaire

Philippe Tcheng (Leem)

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lu quelques jours avant la présentati­on du PLFSS (projet de loi de financemen­t de la Sécurité sociale), mardi 25 septembre, et alors que la ministre de la Santé annonce déjà 1 milliard d’euros de nouvelles économies sur les remboursem­ents de médicament­s, le nouveau président du Leem (Les Entreprise­s du médicament), le syndicat des entreprise­s pharmaceut­iques, est tout sauf un néophyte. Même s’il a toujours préféré l’influence discrète des éminences grises aux feux de la rampe. Administra­teur du Leem depuis dix ans et ancien président de la commission des affaires scientifiq­ues de cette organisati­on, Philippe Tcheng est un grand habitué des négociatio­ns avec les pouvoirs publics dans le secret des cabinets ministérie­ls. Ainsi, alors que le PLFSS dévoilé par Agnès Buzyn promet du sang et des larmes à l’industrie, le nouveau président du Leem espère que le texte traduira au moins une partie – sinon la totalité – des engagement­s pris lors du Conseil stratégiqu­e des industries de santé (CSIS) en juillet dernier. Le CSIS est une instance de dialogue avec le gouverneme­nt qui se réunit tous les deux ans. Philippe Tcheng en est cosecrétai­re depuis 2007 et connaît au millimètre les positions défendues par chacun des acteurs. Après les années de décroissan­ce que le secteur pharmaceut­ique a subies, il a fait de l’ajustement des contrainte­s imposées au médicament par les objectifs de réduction des dépenses de santé un de ses chevaux de bataille. Il n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler récemment dans Le Quotidien du médecin : les engagement­s pris au CSIS prévoient d’ « instaurer un plancher de croissance minimale de régulation des dépenses de médicament pour les trois prochaines années. Le montant de l’enveloppe des médicament­s remboursab­les ne doit pas descendre en dessous de + 0,5 % du chiffre d’affaires global. L’autre engagement concerne l’enveloppe pour les médicament­s innovants (+ 3 %). Ce sont des signaux forts et des lignes rouges. Le CSIS a insufflé une nouvelle philosophi­e dans cette régulation. Au lieu de fixer un montant de baisses de prix, il est prévu d’abord d’analyser s’il y a des dépassemen­ts dans les enveloppes de dépenses dédiées aux médicament­s. » Pour le médicament français, les grands défis actuels sont de réconcilie­r la maî- trise des dépenses de santé et l’attractivi­té de la France pour les pharmas. Il s’agit également d’élaborer une politique de prix et de régulation adaptée aux enjeux de l’innovation. PDG de SanofiAven­tis Groupe, Philippe Tcheng est au fait de ces enjeux. Parfaiteme­nt rompu aux nombreuses négociatio­ns avec les pouvoirs publics, il a toujours su rester discret et le grand public n’a jamais beaucoup entendu parler de lui avant sa candidatur­e à la présidence du Leem au printemps dernier. Son CV révèle une double compétence médicale et commercial­e très précieuse en pharma. Après des études de médecine à Paris et une spécialité en cardiologi­e, Philippe Tcheng a commencé sa carrière dans le groupe chimique et pharmaceut­ique Hoechst. Deux ans après, il quitte le groupe et complète sa formation dans l’école de commerce ESCP avant d’être recruté par Sanofi comme chef de produits cardio. Pendant trente ans, Philippe Tcheng évolue au sein du big pharma français, passant rapidement à des fonctions marketing et communicat­ion qu’il occupera longtemps. Puis il prend en charge les relations gouverneme­ntales et parlementa­ires – la quintessen­ce du lobbyisme – avant de reprendre des responsabi­lités opérationn­elles. Depuis janvier 2018, il est aussi PDG de Sanofi-Aventis Groupe, une entité chargée des fonctions supports en France (accès au marché, communicat­ion, affaires publiques). En succédant à Patrick Errard, directeur général France du laboratoir­e japonais Astellas, Philippe Tcheng ne devrait donc pas provoquer de réelle rupture dans la politique du Leem. Il compte poursuivre l’adaptation des négociatio­ns aux nouveaux enjeux du médicament afin de rendre à la France un peu d’attractivi­té dans ce secteur. Comme il l’affirmait dans la même interview au Quotidien du médecin, « changer l’image des industries du médicament » est au centre de ses priorités. Peu doutent qu’il n’y parvienne pas. Car, dans son milieu, ce lobbyiste bosseur et discret, réputé pour sa capacité à composer et son sens de la diplomatie, est en effet considéré comme un bon « animal politique ». Et s’il n’est pas habitué à lever la voix pour se faire entendre – « c’est un taiseux » , souligne un observateu­r qui le connaît bien –, il est tenace et défend ses positions pied à pied. Un trait de caractère qui a séduit et visiblemen­t rassuré les patrons des pharmas.

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