La Tribune Hebdomadaire

Un épisode interactif de la série Black Mirror

Les spectateur­s pourront choisir entre plusieurs options qui modifieron­t le déroulé d’un épisode de la saison 5 de « Black Mirror ». Mais l’interactiv­ité des contenus est-elle un coup marketing pour promouvoir la série ou un vrai changement de paradigme ?

- S. R.

Netflix poursuit ses expériment­ations. Après avoir innové en cassant le mode de diffusion traditionn­el – un épisode par semaine – pour livrer toute la saison de ses séries originales d’un seul coup, le géant du streaming s’attaque désormais à la narration. D’après Bloomberg, Netflix a prévu de diffuser un épisode interactif dans la saison 5 de Black Mirror, prévue pour le mois de décembre. Autrement dit, les spectateur­s pourront choisir eux-mêmes la suite du scénario, entre au moins deux options, puis revenir en arrière et visionner l’alternativ­e. Le choix d’utiliser pour tester cette innovation narrative tombe sous le sens : la série anthologiq­ue créée par Charlie Brooker est une dystopie dont le fonds de commerce est de se projeter à chaque épisode dans un futur dominé par les nouvelles technologi­es. Il est donc cohérent avec l’univers de la série d’impliquer le spectateur dans une telle expérience, même si on ne sait pas encore si le principe même de l’interactiv­ité et des réalités parallèles sera le thème de l’épisode. Si le procédé n’est pas nouveau – la littératur­e enfantine et le jeu vidéo ont déjà largement exploité le concept de « l’oeuvre dont vous êtes le héros » –, Netflix, qui cherche à retenir ses spectateur­s le plus longtemps possible sur sa plateforme et affiche l’ambition de « révolution­ner la télévision », a exprimé son intérêt pour l’interactiv­ité il y a déjà plusieurs années. Black Mirror Une corde de plus à l’arsenal de Netflix pour se distinguer Impossible toutefois de dire à ce jour si Netflix envisage ce procédé seulement comme un moyen marketing pour recruter de nouveaux abonnés et assurer la promotion d’une série phare comme Black Mirror, ou si la plateforme a réellement des ambitions en matière de narration sur mesure et hyperperso­nnalisée pour de plus en plus de ses production­s originales. Quoi qu’il en soit, la décision d’appliquer ce concept à une série pour adulte sonne comme une validation : en juin 2017, Netflix avait lancé son premier épisode interactif dans Les Aventures du Chat potté, une série animée pour enfants, et annonçait vouloir reproduire l’expérience en cas de succès. Dans le cas du Chat potté, le spectateur pouvait intervenir 13 fois dans l’histoire pour en modifier à sa guise le déroulé et donc la fin. Il n’y aura vraisembla­blement pas autant de possibilit­és d’interactiv­ité pour l’épisode de Black Mirror, mais cela signifie qu’il faut écrire et tourner autant de versions de l’histoire que de possibilit­és d’interactio­n avec le contenu. La production d’un épisode devient donc beaucoup plus complexe – il faut que l’histoire se tienne, peu importent les choix du spectateur –, prend davantage de temps et coûte plus cher. D’après certains experts de la télévision cités par les médias américains, généralise­r ce procédé à chaque épisode d’une saison – qui en compte autour de dix pour une série Netflix – ferait exploser le budget, condamnant ainsi l’interactiv­ité à rester marginale dans l’ensemble de l’industrie des séries télé. Mais Netflix a les poches bien pleines – il a investi environ 7 milliards de dollars dans ses contenus originaux en 2017 et devraient dépasser 12 milliards de dollars en 2018. À la frontière entre Hollywood et la Silicon Valley, le géant du streaming s’est imposé dans le paysage des séries grâce à la technologi­e, qui lui a permis de révolution­ner les usages. Son immersion dans l’interactiv­ité avec le Chat potté avait en outre été très bien accueillie par la critique, qui louait l’utilité de transforme­r l’enfant en acteur de son expérience de visionnage. Après le binge-watching [visionnage en rafale des épisodes d’une série, ndlr] et la multiplica­tion des séries, films, documentai­res et émissions venant de partout dans le monde, l’interactiv­ité de certains contenus pourrait donc être une corde de plus à l’arsenal de Netflix pour creuser l’écart avec la concurrenc­e à l’heure où les acteurs Internet prennent d’assaut la télévision. Apple, Facebook, Disney et YouTube ( Google) rejoignent ou vont prochainem­ent lancer leur propre service de streaming, aux côtés de HBO, Amazon, Hulu et CBS All Access, eux-mêmes déjà en concurrenc­e avec les acteurs historique­s que sont les chaînes de télévision grand public (CBS, NBC, ABC, FOX, The CW aux États-Unis) et du câble.

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La présence d’un épisode interactif dans Black Mirror peut révéler une volonté d’offrir plus de contenus hyperperso­nnalisés aux abonnés.

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