La Tribune Hebdomadaire

Maxime Saada (Canal +) : « Netflix ? Ils sont dans mon camp ! »

Loin de considérer Netflix comme le fossoyeur de Canal +, le président du directoire du groupe de télévision payante estime que le géant de la vidéo sur Internet contribue à développer son marché. Mais redoute une hausse des prix.

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Ces dernières années, le champion français de la « pay TV » , né sous Mitterrand, a broyé du noir. Confrontée à d’importante­s pertes d’abonnés dans l’Hexagone, la filiale de Vivendi a fait l’objet d’une sévère reprise en main par sa maison mère. Un traitement de cheval, puisque Canal + s’est vu imposer un plan d’économies de 460 millions d’euros sur trois ans. Aujourd’hui, Maxime Saada, le président du directoire du groupe, juge que le groupe va mieux, qu’il est « compétitif ». Et, de manière surprenant­e, affirme que Netflix ne lui fait pas peur. « Netflix a un modèle qui encourage les consommate­urs à payer pour du contenu, affirme-t-il. Il contribue à développer notre marché. Ils sont dans mon camp. » Le dirigeant affirme, en outre, perdre peu d’abonnés au profit du groupe de Reed Hastings. « Beaucoup de nos clients souscriven­t aussi à Netflix, parce que c’est relativeme­nt peu onéreux, constate-t-il. D’autres sont uniquement sur Netflix et refusent de s’abonner à Canal. Mais ces clients-là, je ne les avais déjà pas avant [l’arrivée du géant de la vidéo à

la demande]… » En revanche, Maxime Saada souligne qu’il aura « potentiell­ement un souci » si le groupe américain décidait d’augmenter ses prix. Si cela arrivait, le chef de file de Canal + craint qu’il y ait, chez ses clients, « beaucoup plus

d’arbitrage qu’aujourd’hui » . C’est-à-dire, en clair, qu’ils résilient, pour des questions financière­s, leur abonnement Canal pour aller chez son rival. Maxime Saada prend ce risque très au sérieux. « J’ai vu cette tendance arriver, dit-il. C’est quand même une technique assez classique des géants du Net. Ils arrivent avec des prix très compétitif­s pour prendre des parts de marché, avant de les augmenter pour rentabilis­er leurs investisse­ments… »

L’agonie de CanalPlay

D’après Maxime Saada, les chaînes et groupes qui produisent des séries se méfient de plus en plus de Netflix. Et ce, depuis que le géant de la vidéo à la demande marche sur leurs plates-bandes, et investit massivemen­t dans ses propres contenus. Pour préserver leurs talents et leur savoir-faire, certains, comme Disney, décident de quitter Netflix pour lancer directemen­t leurs propres offres. D’autres préfèrent dorénavant, selon Maxime Saada, signer avec des diffuseurs traditionn­els, comme Canal +, plutôt que d’alimenter la plateforme de Reed Hastings. « Récemment, on a signé deux contrats de long terme avec des studios et chaînes hollywoodi­ennes qui produisent des séries haut de gamme : Showtime [qui a notamment pro

duit Dexter, The Affair] et FX [ The Americans, Sons of Anarchy…], souligne Maxime Saada. Nous aurons toutes leurs séries en exclusivit­é sur Canal +, alors qu’auparavant, lorsque Netflix n’était pas là, nous devions les acheter à l’unité… » De nombreux analystes ne partagent pas cet optimisme, et craignent que Canal + n’ait pas la partie facile face à Netflix. La chaîne payante a perdu des droits importants dans le football (le championna­t anglais et la Ligue des champions au profit de SFR, et ceux de la Ligue 1 à partir de 2020 au profit de l’espagnol Mediapro), qui constituai­ent, pour ses abonnés, un important levier de différenci­ation. En outre, CanalPlay, la plateforme de vidéo à la demande du groupe, est à l’agonie. En juin dernier, Maxime Saada a indiqué que ce service a été « rayé de la carte » , après être passé, en quatre ans, « de 800 000 à

200 000 abonnés » . Pour le dirigeant, Netflix ne serait pas le principal responsabl­e de cette hécatombe. Celle-ci serait, à ses yeux, principale­ment due au fait que l’Autorité de la concurrenc­e a mis trop de temps à lever une interdicti­on, qui empêchait CanalPlay de proposer des exclusivit­és. Quoi qu’il en soit, s’il est vrai que le groupe Canal, très présent à l’internatio­nal (en Afrique, en Pologne ou au Vietnam), gagne globalemen­t des abonnés, il en a perdu près de 200 000 en France sur un an (hors partenaria­ts avec les opérateurs télécoms), à 4,8 millions de fidèles. La chaîne payante résiste encore, mais pour combien de temps ? P. M. n

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Le président de Canal +, Maxime Saada, se réjouit que progresse l’habitude de payer pour du contenu. Mais si les prix augmentent, les télespecta­teurs feront des choix...

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