La Tribune Hebdomadaire

Entreprend­re au Québec, oui, mais...

Avec une langue commune, le Québec offre aux Français un atout pour investir le territoire nord-américain. Mais d’autres arguments conduisent les entreprene­urs à se lancer dans cette province du Canada plutôt que de choisir la côte Ouest, jugée plus diffi

- ROMAIN CHARBONNIE­R @rcharbonni­er

Il entreprend à Montréal depuis 2009. Christophe Villemer, dirigeant de l’entreprise Savoir-faire Linux, a fait le choix de créer sa structure d’ingénierie de logiciel libre, qui aujourd’hui compte une centaine de salariés, après avoir travaillé pour la francophon­ie. « Ici, j’ai découvert ma vie d’entreprene­ur », souligne-t-il. Celui qui est également président du conseil d’administra­tion de la French Tech Montréal n’a jamais créé d’entreprise en France, mais a donc tenté l’aventure nord-américaine. L’environnem­ent y est propice à l’esprit d’entreprend­re avec une culture de la prise de risques qui incite à sauter le pas. « Cela se ressent jusque dans le cursus scolaire, dans le sport ou en politique. L’échec n’est pas vécu comme une honte », précise Christophe Villemer. Présent depuis quinze ans au Canada, il a donc fait ses premiers pas naturellem­ent à Québec, en territoire francophon­e. « Commencer ici est la meilleure manière de découvrir l’Amérique du Nord, la langue commune facilite les relations et Montréal possède cette tradition d’accueil. » Territoire dynamique et porte d’entrée sur le marché américain, le Québec offre ainsi tout un écosystème favorable à la création d’entreprise­s tant sur l’accompagne­ment que sur le financemen­t. De quoi attirer les Français. « Le territoire dispose d’investisse­ments plus favorables dans des crédits et des recherches. Il existe de nombreux secteurs porteurs aidés par les instances gouverneme­ntales, municipale­s ou locales. De plus, un tissu de réseautage permet aux entreprene­urs de se développer, ce qui est une condition très importante ici. La création de sociétés y est facilitée également », reconnaît Jonathan Decherf, président de la CCI française au Canada-Québec. « La capacité d’entreprend­re est très forte, simple, peu coûteuse, sans trop de barrières, et avec une accessibil­ité dans les relations plus facile », énumère Laurent Satre, président de Rézoway, structure d’accompagne­ment d’entreprise­s au Canada. La langue reste néanmoins l’argument qui fait mouche dans l’esprit d’un entreprene­ur en quête d’exportatio­n. Elle sera un axe de facilitati­on. Néanmoins si elle est commune, la culture, elle, demeure bien éloignée de celle des Français. « Le Canada a cette mentalité anglo-saxonne très différente de ce à quoi nous sommes habitués en Europe. Ce faisant, la façon de faire des affaires se doit d’être modifiée et adaptée, explique Jonathan Decherf. L’erreur serait de se croire en France, le Québec a beau être une province francophon­e, il n’en reste pas moins que nous sommes en Amérique du Nord, la façon de travailler ou de manager le personnel n’est pas la même. » « Sous prétexte que l’on parle français, penser que cela sera plus simple est un leurre. Nombre d’entreprise­s sont en situation d’échec, car elles pensent que c’est gagné d’avance. C’est au second rendez-vous que l’entreprene­ur doit faire ses preuves et convaincre », lance Laurent Satre. Qui poursuit : « Cela demande une grande évangélisa­tion sur l’économie du pays, sa situation, et une grande préparatio­n. » Tout entreprene­ur doit donc apprendre et réviser ses bases, gages du succès de l’expérience.

QUID DE L’OUEST CANADIEN ?

Avec des liens historique­s qui unissent le Québec et la France, les entreprene­urs hexagonaux ont l’avantage de pouvoir s’y expatrier plus facilement, à la différence des autres territoire­s canadiens, anglophone­s. Le Québec oui, mais pas que. Pour faire des affaires, Vancouver ou Toronto, dans l’Ontario, sont des marchés et des écosystème­s plus difficiles à pénétrer « même pour un Montréalai­s », soutient Christophe Villemer. Les occasions de faire des affaires sont toutefois bien réelles. L’Ouest étant tourné vers le marché asiatique, l’outdoor, l’énergie et le bien-être, par exemple. Conquérir ces marchés relève d’enjeux différents, mais peut offrir des perspectiv­es nouvelles, si elles sont bien anticipées. « Il faut savoir sortir de sa zone de confort, adapter son offre, les affaires sont différente­s. Elles le sont au Canada visà‑vis de la France, mais aussi à l’intérieur même du pays », prévient Laurent Satre. Mais l’entreprene­ur préférera généraleme­nt la proximité avec l’Est américain plutôt que de s’engager dans des prospectio­ns à l’Ouest canadien, moins dynamique. Avec trente années d’expérience canadienne, l’homme connaît bien les enjeux du pays et « hors Québec, la configurat­ion est complèteme­nt différente, plus brutale, plus carrée et davantage rigide. Vous devez être clair dans vos offres, précis, parfaiteme­nt bilingue en anglais d’affaires, crédible, car, en face, les gens ne feront pas d’effort », et pas de cadeau. Côté québécois, l’arrivée d’un Français est plutôt bien vue, puisque l’image qu’il véhicule est celle du sérieux. « Un sérieux non négligeabl­e dans le travail et reconnu dans les milieux de l’entreprene­uriat », explique Jonathan Decherf. « Le Français va se former, se structurer, parfois à l’excès, mais il sera plus armé. C’est la raison pour laquelle entre le Canadien et le Français, quand il s’agit de travailler ensemble, on observe une complément­arité », complète Laurent Satre. Raison de plus pour laquelle les expatriés hexagonaux font le choix d’investir d’abord au Québec, préférant se rassurer au contact d’un environnem­ent fleurissan­t, plus proche et accueillan­t.

Hors Québec, la configurat­ion est complèteme­nt différente, plus brutale, plus carrée et davantage rigide. Vous devez être clair dans vos offres, précis, parfaiteme­nt bilingue en anglais d’affaires

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A Montréal, la culture de la prise de risques incite à sauter le pas.

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