Le bitcoin a 10 ans : après la correction, le rebond ?
La cryptomonnaie née le 3 janvier 2009 a perdu plus de 72 % de sa valeur l’an dernier, après avoir atteint un sommet historique en décembre 2017. Depuis sa création, le bitcoin a déjà connu plusieurs phases de forte correction. Des acteurs institutionnels
Faut-il lui souhaiter un joyeux anniversaire, un prompt rétablissement ou une renaissance telle celle d’un phénix ? Le bitcoin fête ses 10 ans sur un tas de cendres. Il serait déjà moribond, au vu de la chute vertigineuse des cours (– 72 % en 2018), bientôt mort et enterré, selon ses détracteurs, à l’image de l’économiste Nouriel Roubini, cryptosceptique en chef. Mais la monnaie cryptographique n’en est pas à ses premières montagnes russes depuis sa création. C’est le 3 janvier 2009 que furent émises les toutes premières unités du bitcoin, un « système de paiement électronique pair à pair » comme le décrivit son créateur, un certain Satoshi Nakamoto (sans doute un pseudonyme, peut-être celui d’un collectif ). Ce premier bloc appelé « Bloc Genesis » contenait 50 bitcoins, ainsi que le titre d’un article du Times, révélateur de la défiance du fondateur à l’égard des institutions, en pleine crise financière : « Le ministre britannique des Finances sur le point de lancer un deuxième plan de sauvetage des banques ». La première transaction n’eut lieu que neuf jours plus tard et la monnaie électronique resta longtemps confidentielle. « Nul n’a acheté de bitcoin en 2009 et rarissimes sont ceux qui le firent en 2010 », relèvent Jacques Favier, Benoît Huguet et Adli Takkal Bataille dans leur ouvrage Bitcoin – Métamorphoses (Dunod), paru en octobre dernier. La première plateforme d’échange, feu bitcoinmarket.com, commença à opérer en 2010. L’intérêt pour le bitcoin décolla à partir du printemps 2011, lorsque ce dernier atteignit la parité avec le dollar. La suite de l’histoire n’est qu’une succession d’emballements, jusqu’au record historique de 19 783 dollars inscrit le 17 décembre 2017, et de glissades brutales. À 10 ans, le bitcoin reste incontestablement la première cryptomonnaie, avec une capitalisation de 67 milliards de dollars, soit 51 % du total de tous les cryptoactifs (il en existe plus de 1 700), très loin devant l’ether et le ripple (XRP) à 15,6 et 14,7 milliards respectivement. Mais le bitcoin a perdu près des trois quarts de sa valeur en 2018, retombant à 3 788 dollars, ses niveaux de septembre 2017, et sa capitalisation a fondu de 160 milliards de dollars. Une chute libre rappelant les gadins de certaines valeurs Internet en 2000 (la régie DoubleClick avait reculé de 91 %, l’entreprise de réseau de diffusion de contenu Akamai de 93 %).
UNE HISTOIRE DE BULLES ET D’EXPLOSIONS
C’est la plus forte baisse annuelle de la jeune histoire du bitcoin, depuis le plongeon de 58 % effectué en 2014, après, il est vrai, une flambée de 5507 % en 2013! Cette dégringolade est survenue là aussi après un essor fulgurant en 2017: pour mémoire, le bitcoin a multiplié sa valeur par 14 cette année-là, allant même flirter avec les 20000 dollars en décembre. L’euphorie a semblé vouloir se poursuivre en janvier 2018, comme à Wall Street, mais le bitcoin a commencé à dévisser mi-janvier, anticipant le mini-krach boursier de février, avant de s’offrir plusieurs rebonds, en mai, en juillet, puis de s’abîmer sous les 4000 dollars fin novembre. Si les marchés financiers ont réalisé une piètre année 2018, leur pire performance depuis dix ans (– 5,6 % pour le Dow Jones et – 10,95 % pour le CAC 40), les cryptomonnaies ont connu une correction encore plus sévère : depuis le record atteint début janvier 2018 à près de 800 milliards de dollars, la capitalisation de l’ensemble des monnaies cryptographiques a été divisée par six à 132 milliards aujourd’hui. L’ether a chuté de 82 %, le ripple de 85 %. La volatilité semble être sa marque de fabrique et le bitcoin a déjà connu plusieurs bulles, suivies de leur explosion retentissante. Entre le printemps et l’été 2011, son cours s’enflamme d’un dollar à 31 dollars, puis retombe à 2 dollars en décembre. En 2013, après un premier accès de fièvre en avril, le bitcoin se propulse de 150 dollars en octobre à 1242 dollars le 29 novembre. La décrue sera à la fois brutale et longue, s’étendant sur 411 jours, jusqu’en janvier 2015. Pour le financier Aaron Brown, ancien responsable de la recherche chez AQR Capital Management et auteur de The Poker Face of Wall Street, l’année 2018 n’a donc pas été si catastrophique et « même plutôt bonne, en fait », écrit-il dans une tribune publiée sur le site de Bloomberg.
Nul n’a acheté de bitcoin en 2009 et ils furent rarissimes en 2010
En comparant les courbes des pics de 2011, 2013 et 2017, il relève que le dégonflement de la bulle l’an dernier a été moins brutal que sept ans auparavant et que le bitcoin avait alors rebondi en moins d’un an. De quoi le porter à un relatif optimisme, en mettant cette évolution en perspective avec l’explosion de la bulle Internet : le Nasdaq a mis quinze ans à retrouver ces niveaux-là. « Les cryptomonnaies pourraient rester à un bas niveau pendant très longtemps, ou tomber à zéro et y rester pour toujours, mais les rebonds après un krach sont courants », analyse-t-il. L’inventeur d’Ethereum – la blockchain la plus prisée des milieux d’affaires pour les expérimentations de smart contracts –, Vitalik Buterin, avait d’ailleurs mis en garde lui-même en février dernier : « Les cryptomonnaies sont encore une classe d’actifs nouvelle et hyper volatile, et pourraient chuter près de zéro à tout moment. » La communauté « crypto » n’est pas très à l’aise avec les motivations ouvertement