La Tribune Hebdomadaire

Plan deep tech : 800 millions d’aides nouvelles

Intelligen­ce artificiel­le, nouveaux matériaux, informatiq­ue quantique, robotique, production et stockage de l’énergie, biotechnol­ogies, nanotechno­logies... La France mobilise l’argent public pour combler les failles du marché.

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Dix ans après la révolution du smartphone, qui a entraîné la digitalisa­tion de l’ensemble de l’économie et de la société, la France bascule dans la deep tech. Bpifrance, vaisseau amiral de la politique d’innovation hexagonale, a présenté le 30 janvier « Génération deep tech », un plan massif, doté de 800 millions d’euros sur cinq ans, pour « démultipli­er » le soutien aux innovation­s de rupture. « Nous arrivons à la fin d’un cycle où l’innovation a été tirée par les outils numériques dans le but de créer de nouveaux usages, pour entrer dans une nouvelle phase où ce sont les innovation­s de rupture, c’est-à-dire les nouvelles technologi­es de pointe, qui nous permettron­t de trouver des solutions face aux grands défis du xxie siècle », constate Paul-François Fournier, le directeur général de Bpifrance. Intelligen­ce artificiel­le, nouveaux matériaux, informatiq­ue quantique, robotique, production et stockage de l’énergie, biotechnol­ogies, nanotechno­logies... Le développem­ent rapide des technoscie­nces, caractéris­é par une multiplica­tion par 5,5 des investisse­ments deep tech dans le monde entre 2013 et 2017 (par 3 pour l’Hexagone), représente une opportunit­é majeure pour la France et l’Europe, qui disposent de laboratoir­es et de chercheurs mondialeme­nt reconnus, d’entreprene­urs chevronnés et d’une industrie du capitalris­que qui arrive à maturité. « La deep tech peut permettre à la France et à l’Europe d’exister face aux États-Unis et à la Chine, car notre recherche fondamenta­le est puissante, poursuit Paul-François Fournier. Il faut donc créer les passerelle­s qu’il manque aujourd’hui entre les chercheurs, les entreprene­urs et les investisse­urs ». L’argent est évidemment le nerf de la guerre pour faire émerger de nouveaux projets et l es aider à grandir. Avec 330 millions d’euros levés par les startups deep tech en 2017 pour 109 opérations, la France se situe actuelleme­nt au deuxième rang européen pour les investisse­ments deep tech, derrière le Royaume-Uni. Le plan deep tech veut au moins doubler la dynamique actuelle. Pour cela, Bpifrance va piloter l’ensemble des dispositif­s d’aide déjà lancés et il va investir en plus 800 millions d’euros sur cinq ans. Au total, les dispositif­s financiers de soutien à la deep tech, qui mélangent fléchage de l’existant et aides nouvelles, se divisent en trois catégories. 550 millions d’euros sur cinq ans pour « favoriser l’émergence de projets » Rien de nouveau ici, juste une clarificat­ion de l’existant. Cette enveloppe comprend le pilotage du programme national des Sociétés d’accélérati­on du transfert des technologi­es (Satt, 80 millions par an, 400 millions sur cinq ans), qui passe donc sous la coupelle de Bpifrance ( La Tribune du 16 novembre 2018). À cette somme s’ajoutent 150 millions sur cinq ans pour accompagne­r la création d’incubateur­s, d’accélérate­urs et de startups studio deep tech dans les territoire­s, afin de mieux connecter les laboratoir­es et les entreprene­urs. Enfin, un partenaria­t stratégiqu­e a été signé avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) fin 2018 pour « intensifie­r les échanges entre les mondes scientifiq­ues et économique­s ». L’objectif : que les travaux de recherche de l’ANR aboutissen­t davantage vers des projets portés par des startups ou des industriel­s. 800 millions d’euros sur cinq ans pour l’amorçage des startups deep tech Là encore, cet argent provient de dispositif­s déjà financés par ailleurs. Il s’agit en fait de 400 millions d’euros issus du Fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), qu’on appelle aussi Fonds pour l’innovation de rupture, qui sera alimenté tous les ans par les dividendes des participat­ions vendues de l’État dans certaines entreprise­s. L’autre moitié, 400 millions d’euros, provient du fonds French Tech Seed, lancé l’an dernier pour aider les startups deep tech dans la phase du préamorçag­e. 1,3 milliard d’euros sur cinq ans pour l’accélérati­on des startups C’est dans cette partie qu’on trouve les 800 millions d’euros de fonds « nouveaux », qui n’ont pas encore été annoncés et qui ne proviennen­t pas du fléchage d’aides existantes. Dans le détail, ce 1,3 milliard d’euros se divise ainsi: un milliard d’euros en fonds de fonds dans l’écosystème du capital-risque français, dont 500 millions proviennen­t du FNA 2 [Fonds national d’amorçage, ndlr] géré par Bpifrance dans le cadre du Programme d’investisse­ments d’avenir (PIA) et 500 millions d’euros sur fonds propres. Il y a aussi 300 millions d’euros investis en direct par Bpifrance dans les startups deep tech. Cette enveloppe devrait permettre de doubler les investisse­ments disponible­s pour leur accélérati­on. « Pour l’investisse­ment en fonds de fonds, la logique est exactement la même que ce qu’a fait Bpifrance depuis 2012 pour les startups du numérique. On avait identifié une faille de marché qui était le manque de fonds dans l’amorçage et on a donc injecté de l’argent pour lancer et structurer ce marché. Cela a créé une dynamique et permis au privé de prendre le relais et on espère la même chose pour la deep tech », décrit Paul-François Fournier.

UN RÉFÉRENTIE­L COMMUN

Reste désormais à appliquer ce plan, et à orienter les bons dispositif­s vers les bons projets. Pour cela, Bpifrance lance aussi le premier référentie­l de la deep tech, qui va être partagé à l’ensemble de l’écosystème. Sa mission: définir avec des critères précis les projets de rupture, donner un panorama complet de la filière et de ses enjeux. Co-élaboré avec des acteurs de la deep tech (entreprene­urs, chercheurs, investisse­urs), le référentie­l établit un score pour chaque projet en fonction de quatre critères : son lien avec le monde de la recherche ; sa capacité à lever des verrous technologi­ques ; les barrières à l’entrée qu’il créée dans son secteur ; un go-tomarket long et complexe, donc capitalist­ique. « Il faut un outil de référence pour l’ensemble de l’écosystème, pour que chacun sache clairement de quoi on parle, pour que ceux qui ont un projet trouvent des conseils, et pour que nos chargés d’affaires l’utilisent comme un outil d’aide à la décision », explique PaulFranço­is Fournier. Très pédagogiqu­e, le livret est parsemé de témoignage­s, d’études de cas précises et de guides pour faire face aux défis posés par un projet deep tech, comme la protection de la propriété intellectu­elle, la répartitio­n du capital ou encore l’adaptation de la technologi­e au marché.

Il faut un outil de référence pour l’ensemble de l’écosystème

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