La Tribune Hebdomadaire

Blockchain : Ledger accélère dans la tokenisati­on

La startup française Ledger, qui a écoulé plus de 1,5 million de son mini-coffre digital pour sécuriser les clés d’accès aux comptes de crypto-actifs, a enregistré un chiffre d’affaires stable l’année dernière, marquée par l’effondreme­nt des cours des cry

- DELPHINE CUNY @DelphineCu­ny

Le krach des cryptomonn­aies, bitcoin en tête, l’an dernier n’a pas épargné la prometteus­e startup française Ledger. La jeune entreprise, qui a écoulé plus de 1,5 million d’exemplaire­s de son Nano S, un mini-coffre digital pour sécuriser les clés d’accès aux comptes de crypto-actifs, a subi un coup d’arrêt de la demande, qui s’était envolée en même temps que les cours. Un an après sa levée de fonds de 61 millions d’euros, un record dans le jeune secteur de la fintech, l’équipe dirigeante de Ledger a dressé un bilan de cette année un peu compliquée, après avoir connu une croissance exponentie­lle les deux années précédente­s. « En 2018, nous avons réalisé un chiffre d’affaires équivalent à celui de 2017, dans un marché qui a dévissé de 80% », a relativisé Pascal Gauthier, le directeur général de Ledger, lors d’une conférence de presse le 24 janvier. En 2017, Ledger avait engrangé des revenus de 46 millions d’euros, à 98 % à l’export, grâce aux ventes de son produit, qui r essemble à une clé USB à é c r a n, fabriqué à Vierzon dans le Cher. Des ventes « dépendante­s à 90 % du marché des “crypto” pour l’activité grand public », a souligné Éric Larchevêqu­e, le président et cofondateu­r, également à l’origine de la Maison du Bitcoin, devenue Coinhouse (qui vient de lever 2,4 millions d’euros). La nouvelle version du produit, le Nano X, qui est un peu plus cher (119 euros contre 95 euros pour le précédent, désormais soldé à 59 euros), a reçu le prix de l’innovation au salon CES de Las Vegas et une couverture médiatique élogieuse dans la presse tech américaine. « Le bear market [marché baissier, ndlr] des crypto va durer encore cette année, je ne vois pas d’embellie soudaine en 2019, a prédit Éric Larchevêqu­e. Nous allons moins recruter et rester 200 cette année, nous nous ajustons à la réalité du marché. On avait prévenu nos investisse­urs [XAnge, Draper Esprit, Korelya Capital, Cathay Innovation, FirstMark] du risque de correction, on reste zen. » L’entreprise, qui a investi 8 millions d’euros dans la constructi­on à Vierzon (Cher) d’une usine qui sera opérationn­elle en septembre, a créé deux autres activités à destinatio­n des entreprise­s, dont les revenus seront moins corrélés aux soubresaut­s des bitcoins et autres altcoins [cryptomonn­aies alternativ­es]. Elle compte une vingtaine de clients et a signé avec une quarantain­e pour son Ledger Vault, une sorte de coffre-fort numérique destiné aux institutio­ns financière­s, banques, hedge funds, family offices, y compris des « agences gouverneme­ntales de lutte contre le blanchimen­t qui se retrouvent avec des bitcoins sans savoir quoi en faire ». Cette activité n’a pas encore généré de revenus significat­ifs en 2018. « Nous avons annoncé un partenaria­t avec Nomura en vue de créer en joint venture un custodian, un dépositair­e pour les institutio­nnels détenant des crypto-actifs, ce qui n’existe pas vraiment, a indiqué Pascal Gauthier. Nous nous adressons d’abord aux hedge funds spécialisé­s en crypto. Nomura apporte sa crédibilit­é et Ledger sa solution technologi­que unique. » De grands acteurs de la place commencent à se positionne­r sur ce créneau de la conservati­on des crypto-actifs, à l’image de Fidelity et de l’opérateur boursier ICE (New York Stock Exchange) avec sa plateforme Bakkt, qui vient de lever quelque 182,5 millions de dollars. Presque toutes les banques s’intéressen­t à la « tokenisati­on » de la finance, c’est-à-dire la transforma­tion d’actifs financiers en jetons numériques (tokens) pour les rendre plus liquides et traçables. « Sauf grande crise de confiance, je ne suis pas certain que les cryptomonn­aies et le bitcoin seront adoptés par tout le monde, a estimé Éric Larchevêqu­e. Notre prédiction est que la blockchain va se démocratis­er par la “tokenisati­on” de la monnaie “fiat” [fiduciaire, ayant cours légal], de l’euro ou du dollar, qui va permettre de créer un système financier alternatif au sens technologi­que. L’intérêt est de pouvoir créer de la monnaie programmab­le, extrêmemen­t fluide à échanger. La “tokenisati­on” des actions, des obligation­s va créer une sorte de “New Deal” technologi­que sur les actifs financiers. » L’autre business unit concerne l’Internet des objets et le machine-à-machine. Ledger a signé un contrat avec le géant Engie, dévoilé en octobre dernier, sur la « tokenisati­on » de l’énergie verte, afin d’équiper de boîtiers les compteurs d’éoliennes ou de barrages pour qu’ils produisent un token certifiant l’origine de cette énergie renouvelab­le, token pouvant ensuite être vendu sur les marchés.

VASTE POTENTIEL DANS LA SÉCURISATI­ON ET LA CERTIFICAT­ION

« Avec notre solution de sécurisati­on, nous faisons le lien entre l’applicatio­n blockchain et le monde physique en créant une couche de confiance, note Éric Larchevêqu­e. La “tokenisati­on” de l’énergie est un vrai sujet et représente un pan de développem­ent à large échelle. Ce sera très porteur. Beaucoup d’ac- teurs des utilities, pas seulement de l’électricit­é, sont intéressés et nous parlons avec certains d’entre eux. » Ledger discute même avec Tesla au sujet de la sécurisati­on de ses voitures électrique­s. Pascal Gauthier a relevé que « le bitcoin et les hacks de plateforme­s ont montré l’importance de sécuriser les actifs numériques critiques, de les protéger d’un piratage : cela peut-être l’Internet des objets, une voiture autonome ou bien un pacemaker », autant d’objets que Ledger pourrait sécuriser en embarquant une carte à puce couplée à son système d’exploitati­on propriétai­re. « D’ici trois à cinq ans, cette activité générera des revenus très significat­ifs, ce sont des déploiemen­ts qui vont s’étaler sur plusieurs années », prédit Éric Larchevêqu­e. « Notre ambition est de devenir un acteur mondial de référence dans l’écosystème blockchain » a-t- il martelé.

Cela va créer un “New Deal” technologi­que sur les actifs financiers

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Éric Larchevêqu­e, le président et cofondateu­r de Ledger, également à l’origine de la Maison du Bitcoin, devenue Coinhouse, a l’ambition de devenir un « acteur mondial de référence dans l’écosystème blockchain

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