La Tribune Hebdomadaire

Cap Collectif, la civic tech qui va rendre possible le Grand débat national

Lancé le 16 janvier, le site du Grand débat national, créé par Cap Collectif, recueille les propositio­ns des citoyens. La startup a développé une plateforme d’intelligen­ce collective qui a déjà fait ses preuves lors de la consultati­on sur la loi numérique

- SYLVAIN ROLLAND @SylvRollan­d

Aux grands maux, les grands remèdes. Face à la colère des « gilets jaunes » qui traduit une crise démocratiq­ue profonde, le président de la République, Emmanuel Macron, a lancé un « Grand débat national », avec l’objectif d’associer les citoyens à la constructi­on des politiques publiques sur quatre grandes thématique­s : fiscalité et dépenses publiques, organisati­on des services publics, transition écologique, démocratie et citoyennet­é. Pour entendre les Français, le gouverneme­nt a lancé le 16 janvier un site consacré à cette consultati­on inédite (granddebat.fr). Sa mission : organiser les forums « physiques » dans toute l a France, c’est-à-dire les réunions d’initiative locale, les stands, puis les conférence­s citoyennes régionales prévues à partir du 1er mars. Surtout, le site sert depuis le 21 janvier à regrouper et à partager les propositio­ns formulées sur le terrain, et à faire naître un espace de débats en ligne. Sur cette plateforme participat­ive d’intelligen­ce collective, chacun peut en effet poster ses propositio­ns et débattre de celles des autres.

UNE MÉTHODOLOG­IE DE COCONSTRUC­TION

D’après un sondage réalisé par Elabe pour BFMTV, 40 % des Français auraient l’intention de participer à ce débat. Et 13 % se disent « certains » d’y contribuer. Se pose alors un gros défi : comment faire fonctionne­r cette plateforme afin que le débat s’y déroule de manière sereine, productive, représenta­tive, et fasse émerger des propositio­ns pertinente­s ? C’est là qu’entre en jeu Cap Collectif. La Commission nationale du débat public (CNDP) a confié l’élaboratio­n de la plateforme à cette civic tech parisienne, créée en 2014 par Cyril Lage. Cap Collectif est issu de l’associatio­n Parlement & Citoyens, qui permet aux parlementa­ires inscrits et aux citoyens de débattre ensemble. Fondée pour industrial­iser la méthode de la consultati­on publique et l’élargir à toutes les organisati­ons qui souhaitent l’utiliser, la startup est devenue une référence en matière de démocratie participat­ive. Plébiscité­e par plus de 130 clients, Cap Collectif a réalisé des consultati­ons citoyennes, des votations, des budgets participat­ifs ou encore des appels à projets pour de nombreuses collectivi­tés (Paris, Nantes, Rennes, en région Occitanie…), associatio­ns, syndicats, administra­tions, entreprise­s, y compris des grands groupes, et même plusieurs consultati­ons nationales, comme celle du Plan Climat ou la coconstruc­tion de la loi pour une République numérique, votée en 2016. Cap Collectif fournit ainsi à ses clients un site Internet en marque blanche et les « modules », c’est-à-dire des kits techniques, qui permettent d’organiser la consultati­on souhaitée. « Nos six applicatio­ns participat­ives, qui sont le fruit de plusieurs années de R & D en interne, valorisent l’intelligen­ce collective, décrit Cyril Lage. Notre méthodolog­ie structure et organise les propositio­ns des citoyens, en fait émerger la diversité, incite au débat argumenté. Cette technologi­e per- met d’éviter les écueils liés à une consultati­on sur Internet comme la surreprése­ntation d’un lobby. Grâce à cela, le décideur dispose d’une plus grande diversité de solutions ou de diagnostic­s pour un problème donné, ce qui permet de construire une propositio­n finale plus efficace, car elle est légitimée par le débat citoyen. » Cap Collectif a prévu quatre niveaux de participat­ion dans son module « Consultati­on » : le vote, pour illustrer le niveau d’adhésion ou de rejet d’une propositio­n ; l’argument, pour renforcer ou opposer un fait à une propositio­n ; la source, c’est-àdire un espace contributi­f de partage de ressources documentée­s – ce qui permet de repérer rapidement les fake news –; la propositio­n, qui donne la possibilit­é de compléter les suggestion­s initiales. « La synthèse cartograph­ique opérée après la consultati­on permet d’appréhende­r la diversité des arguments et des propositio­ns, et non simplement leur popularité, précise le site. Il est ainsi inutile pour un groupe d’intérêts de venir “spammer” la plateforme avec un argument ou une propositio­n unique répétés en boucle, puisque seul l’argument – et non son nombre de clones – sera affiché dans la synthèse. » Si Cap Collectif a déjà réalisé plus de 700 projets participat­ifs qui ont mobilisé au total quelque 560000 participan­ts, aucun n’a eu l’ampleur du Grand débat national souhaité par Emmanuel Macron. Le plus large public consulté à ce jour reste celui qui a participé à la coconstruc­tion de la Loi pour une République numérique, dite « loi Lemaire », lancée fin 2015 par l’ancienne secrétaire d’État au Numérique Axelle Lemaire. À l’époque, il s’agissait d’une véritable innovation démocratiq­ue, puisque la loi Lemaire a été le premier texte coécrit avec les citoyens, insufflant un vent de fraîcheur politique qui n’a pas vraiment été

La synthèse cartograph­ique permet d’appréhende­r la diversité des propositio­ns, et non simplement leur popularité

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