La Tribune Hebdomadaire

Inventer le gouverneme­nt du futur : le pari fou de Dubaï

- JEANNE DUSSUEIL, À DUBAÏ, @Jdussueil

Dubaï fait un rêve… celui de devenir la première ville 100 % blockchain. La capitale des Émirats arabes unis veut créer l’e-gouvernanc­e de demain en se servant de la technologi­e décentrali­sée à l’origine du bitcoin. Info, intox ou grosse opération de com’ ? L’ambition de ce laboratoir­e urbain est de concevoir un Étatplatef­orme, dont pourraient s’inspirer les démocratie­s occidental­es en panne de réformes.

Une plage de sable blanc entièremen­t fabriquée par des cargos-bulldozers, quelques coquillage­s, le tout planté dans le grand bleu du golfe Persique. « The World », la dernière folie des grandeurs de la ville-vitrine des Émirats arabes unis (EAU) est un archipel de 300 îles nouvelles au large de Dubaï, en forme de mappemonde, où, dans certaines villas, il sera possible de dormir dans une chambre vitrée sous la mer... Nul ne sait quand ces travaux pharaoniqu­es finiront. Qu’importe, pour l’heure, The World attire l’attention sur ce jeune État du Moyen-Orient, né en 1971, en même temps que le premier e-mail. Depuis, il veut laisser une empreinte – même artificiel­le – sur le monde... avant de lui dérouler le tapis rouge pour la très attendue Expo universell­e 2020 dont les retombées économique­s prévues se chiffrent à 30 milliards de dollars, pour 20 à 25 millions de visiteurs. Ce goût certain pour le rêve éveillé concerne aussi la blockchain ; une technologi­e très hype, profondéme­nt disruptive, et qui permet à l’Émirat de bâtir des châteaux en Espagne, en attendant les palaces sur l’île « Europe » de The World. Il y a trois ans, il annonçait sa dernière folie : devenir la première ville au monde à fonctionne­r à 100 % au moyen de la blockchain d’ici à 2020. La moitié des procédures administra­tives devront également être traitées et enregistré­es via la technologi­e de la chaîne de blocs, d’ici à 2021. Un pari fou pour un pays dirigé par une monarchie héréditair­e. Car au coeur de la blockchain se trouve la promesse d’une société plus horizontal­e, décentrali­sée, affranchie de ses intermédia­ires, où chaque individu est responsabl­e et contrôle ses interactio­ns. En somme, un nouveau contrat social rendu possible, techniquem­ent, par un grand registre de données disponible­s, un réseau ouvert de pair à pair, un algorithme de consensus (validation par « la preuve de travail ») et par la cryptograp­hie dite « asymétriqu­e ». Or, pour les puristes, seule la blockchain publique, comme celle de la cryptomonn­aie bitcoin, permet un haut degré de décentrali­sation, tout le monde pouvant y participer, contrairem­ent aux modèles plus fermés des blockchain­s privées qui ont des droits d’entrée. « C’est pour cela qu’ici, à Dubaï, rien n’est réellement développé », assène un « cryptoanar­chiste » et résident dubaïote.

L’EXPÉRIMENT­ATION AU PLUS HAUT SOMMET DE L’ÉTAT

« Dubaï se considère comme la capitale mondiale de la blockchain », affirme pourtant Richard Dib, le directeur du Développem­ent et de la Data Science Activation à Smart Dubai, l’une des nombreuses entités gouverneme­ntales mobilisées sur le plan Blockchain Strategy. « On travaille sur plus d’une vingtaine de cas d’usage : acheter un bien immobilier, recharger des véhicules électrique­s, enregistre­r une entreprise, offrir du tourisme 2.0 [un secteur en forte croissance qui a pesé 5 % du PIB en 2017, selon la direction du Trésor, ndlr], certifier des licences médicales, valider des diplômes sur la blockchain entre les université­s… », déroule cet ancien

En ouvrant 100 % de ses données en “open data”, Dubaï va générer 6,6 millards de dollars de valeur additionne­lle

élève de Télécom Bretagne passé par Club Internet, Bouygues Telecom et SFR, à Paris. Pour quitter la France, ce Libanais arabophone s’est laissé convaincre par des conditions attractive­s. Surtout, le terrain de jeu technologi­que déroulé par le Premier ministre et vice-président des Émirats arabes unis, le cheikh Mohammed ben Rashid Al Maktoum, est sans limite. Depuis son bureau somptueux, avec vue sur mer, à faire rougir d’envie un Googler [salarié de Google], Richard Dib supervise aussi le projet Dubai Data Initiative – lié à la blockchain qui se nourrit de données –, qui doit faire entrer l’open data à pleine puissance en 2021. « Auparavant, une procédure administra­tive prenait trois mois. Désormais, c’est quatorze jours. » En un an, sur 2000 jeux de données répertorié­es pour l’ouverture des données publiques, 291 ont déjà été publiées, soit environ 14,5 %. À titre de comparaiso­n, en France, depuis trois ans, à peine 8 % des collectivi­tés locales étaient, en 2018, en conformité avec la loi d’Axelle Lemaire, l’exsecrétai­re d’État au Numérique de François Hollande, qui leur a imposé l’ouverture des données, selon OpenDataFr­ance/Etalab. D’ailleurs, comme la France, Dubaï n’a – quasiment – pas de pétrole, contrairem­ent à sa riche voisine Abu Dhabi qui détient 93 % des réserves d’or noir. Mais elle a des idées qu’elle veut expériment­er à tout prix. Pour elle, la startup nation est déjà dépassée. À l’aube de la quatrième révolution industriel­le, la ville-monde aux 3 millions d’habitants presque tous expatriés veut devenir « The Experiment­al Nation ». Grâce à l’exploitati­on des données, « Dubaï sera la ville la plus heureuse du monde », annonce fièrement Smart Dubai sur ses brochures, tandis que l’entité a prévu de recruter 140 nouveaux fonctionna­ires experts en 2019. Ce bonheur en version émirati, avec 90 % d’étrangers-résidents, c’est par exemple arriver à l’aéroport, oublier les files d’attente à la douane car « pré-approuvé » par un smart contract d’identifica­tion, payer ses factures (transport, électricit­é…) et les (rares) impôts locaux de manière transparen­te et traçable sur leur destinatio­n... Pour, un jour, voter directemen­t des lois?

UN ÉTAT-PLATEFORME SPONSORISÉ PAR LES GÉANTS DE LA DONNÉE

Bien plus occidental­isés que l’Arabie saoudite voisine, les Émirats arabes unis ne sont néanmoins pas férus des grands débats démocratiq­ues. L’enjeu est d’abord économique : « La Blockchain Strategy va permettre d’économiser 11 milliards de dirhams (2,6 milliards d’euros), de se passer de documents administra­tifs récurrents, d’aller vers le 100 % dématérial­isé avec la fin du papier et de supprimer 77 millions d’heures de travail par an » dans le secteur public, promet-on. Pour être sûr des retours sur investisse­ment, un expert de la data a même été placé dans chacune des entités afin de faire remonter l’expériment­ation jusqu’au plus haut sommet de l’État. Un ministre de l’Intelligen­ce artificiel­le, Omar Al Olama, a aussi été nommé en 2017. Sur Twitter, celuici fait la promotion du World Government Summit de la mi-février, le sommet annuel qui pense les nouvelles formes de gouverneme­nt. Il remettra même un « Best Minister Award », non pas via un échantillo­n d’électeurs, mais en partenaria­t avec le cabinet de conseil PwC. « On ne réinvente rien, on fait des partenaria­ts », confirme à La Tribune le Dr. Marwan Al Zarouni, le directeur du Blockchain Center, un ancien chercheur en informatiq­ue qui oeuvrait auparavant dans la cybersécur­ité au Dubai Electronic Security Center. En essayant de comprendre comment fonctionna­it la « Silk Road » – le marché noir du Darknet né en 2011 et fermé depuis l’arrestatio­n de son créateur américain –, cet Émirati surnommé le « Monsieur Blockchain de Dubaï » dans sa kandura (tunique traditionn­elle) blanche s’est pris de passion pour le bitcoin, la monnaie star qui repose sur la blockchain. Depuis, il accueille volontiers la presse au nouveau centre, basé dans l’une des Emirates Tower, entre une visite pour des représenta­nts chinois et un meeting avec une startup à chouchoute­r. De fait, lorsque l’on traverse les galeries commercial­es rutilantes de cette tour du quartier du World Trade Center, on comprend l’importance des implantati­ons étrangères. À la place des enseignes de restaurati­on bien connues, on trouve, aux sous-sols, des boutiques Pfizer, Siemens, un showroom Visa, des robots Pepper branchés fintech, des open spaces dans les étages : Dubaï a inventé le concept de centre commercial de meetings profession­nels. En arrière-boutique, le gouverneme­nt vise en réalité le marché mondial de la donnée sur lequel il veut mettre un pied. « Dès 2021, l’impact économique des données atteindra 2,8 milliards de dollars par an (...) En ouvrant 100 % de ses données en open data, Dubaï doit générer 6,6 milliards de dollars de valeur additionne­lle », affirme le rapport « Dubai Data Economic Impact » réalisé par KPMG. Un appétit que confirme Richard Dib de Smart Dubai : « La plateforme Dubai Pulse

Auparavant, une procédure administra­tive prenait trois mois. Désormais, c’est quatorze jours

possède 25 pétaoctets de stockage pour être capable d’héberger plus de 2 000 ensembles de données. Aussi, elle offre des suites de services tels que le PaaS [Platform as a Service], le IaaS [Infrastruc­ture], le IoT-aaS [Internet des objets], etc. Elle est construite sous un agrément PPP [partenaria­t public-privé], principale­ment avec nos partenaire­s stratégiqu­es, les opérateurs de télécoms. » Autrement dit, en se rapprochan­t encore plus des entreprise­s étrangères qui bénéficien­t déjà quasi toutes du « zéro taxes » (pas d’impôt sur les sociétés et les revenus), Dubaï veut concrétise­r l’État-plateforme. La multinatio­nale ConsenSys, l’architecte de la blockchain Ethereum pour les entreprise­s, a même été choisie comme city advisor officiel. Avec IBM, il s’agit d’utiliser la blockchain avec les douanes, le Dubai Customs, tandis que le bureau des cadastres et les départemen­ts de Naturalisa­tion et de Résidence l’expériment­ent déjà. Dans les quartiers d’affaires de la ville, ce sont les Oracle, Microsoft, MasterCard, Google avec l’incubateur AstroLabs, et même la licorne française Sigfox, pionnier dans la smart city. Ils sont tous là pour aider à construire « la plateforme qui répondra aux besoins des citoyens multinatio­naux de Dubaï », explique Say Farook, conseiller et directeur du bureau du Cheikh ben Rashid dans le livre Blockchain Time Capsule, de l’expert américain local Damu Winston. Côté français, les champions nationaux présents ont aussi une carte à jouer dans ce « blockchain- data-IA-Land » [le pays de la blockchain, de la data et de l’intelligen­ce artificiel­le]. Dernier en date avec Orange Business Services qui vient de signer début 2019 un partenaria­t avec Du Telecom Company, l’opérateur local pour bâtir le futur quartier connecté du Silicon Park. Cegid teste ses solutions dans « The Mall », l’un des plus grands centre commercial au monde, et Thales accueille des ingénieurs pour préparer les transports de l’Expo 2020, Dassault Systèmes, entre autres.

LES PARADOXES DE LA VILLE TROP INTELLIGEN­TE

Pour occuper le terrain de la com’ et attirer les talents, pas un mois à Dubaï ne se déroule sans une conférence Tech (salon Gitex, Future Technology Week...) De même, les concours à startups, où l’on peut gagner jusqu’à 20000 dollars, sont aussi courants qu’une voiture de sport sur la Cheikh Zayed Road bordée par les palaces. Côté financemen­ts, ce sont les fonds souverains tel le Mubadala Investment Company, doté de 125 milliards de dollars sous gestion, qui irriguent les projets d’intelligen­ce artificiel­le, smart city, Dubai Future Accelerato­rs, un MIT à Abu Dhabi... Pour tracer ces premières lignes de l’Étatplatef­orme, Dubaï, ville intelligen­te, en est le parfait laboratoir­e. C’est surtout un fairevaloi­r idéal pour cet ancien port de pêcheurs de perles, qui aujourd’hui, plus que jamais, aime tout ce qui brille. La ville devrait consacrer 4,4 milliards d’euros d’investisse- ments, et ce, uniquement pour le déploiemen­t de l’IoT (l’Internet des objets), d’après les données locales de Business France. Des investisse­ments colossaux qui font également fi des paradoxes. Dans la métropole connectée, on veut « rationalis­er l’usage des ressources naturelles », quand, au même moment, explosent les fontaines géantes au pied des 828 mètres de la tour Burj Khalifa pour un show quotidien… En fond, Let it snow, let it snow, popularisé par Dean Martin, retentit dans les haut-parleurs, par 30 °C pendant les fêtes. De même, on réfléchit à « la régulation des feux de signalisat­ion en fonction des flux de circulatio­n en temps réel », construire « 25 % des bâtiments avec des imprimante­s 3D d’ici à 2030 », indique Business France… tout en retournant la mer d’Arabie pour The World. Dubaï compte aussi diminuer de 114 millions de tonnes ses émissions de CO2, grâce à la blockchain et à ses actions automatisé­es, les smart contracts, développer un système intelligen­t de gestion des véhicules de la Roads and Transport Authority (RTA)… et bétonner des dizaines de cinq étoiles sur les 120 kilomètres de littoral fabriqués pour la Palm Jumeirah, la presqu’île artificiel­le visible depuis l’espace. Pour se rendre dans l’Émirat, on peut, en tant que compagnie aérienne, s’intéresser de près à la blockchain, enregistre­r en ligne les passeports des voyageurs, vendre un billet avec le dit passeport, faire le check-in via le site… et bloquer un passager au départ parce qu’il manque quelques jours avant la fin des trois mois réglementa­ires, avant la date d’expiration du visa. En moyenne, cette asymétrie d’informatio­ns concernera­it « un voyageur par vol » au départ de Paris, glisse-t-on, un peu gêné, au guichet de la compagnie. Sauf que ces paradoxes du « Tech-hub du monde » commencent à peser sur son attractivi­té : les tours jugées trop hautes (treize d’entre elles dépassent la Tour Eiffel) et peu fonctionne­lles font fuir locataires et investisse­urs. Plus inquiétant, en 2018, les prix de l’immobilier ont chuté de 11 % en 2018, selon le Dubai Real Estate Report. Enfin, au premier rang des contradict­ions, on trouve la valeur réelle d’une technologi­e de

décentrali­sation, entièremen­t contrôlée par un État. « Ce n’est pas important que la technologi­e soit décentrali­sée, ce qui compte c’est le service rendu à l’utilisateu­r final, le citoyen », affirme Richard Dib de Smart Dubai. « La blockchain n’est pas forcément la solution miracle. Elle s’applique lorsque plusieurs partenaire­s ont besoin de transparen­ce. Sinon le système actuel suffit amplement », concède-t-il.

BIENVENUE DANS LA MÉTROPOLE DU CITOYEN-CLIENT

De fait, c’est bien de cela qu’il s’agit : à Dubaï, le citoyen est avant tout un client. À terme, c’est un e-gouverneme­nt qui veut ainsi gérer les millions d’interactio­ns quotidienn­es de ses résidents auquel on aura attribué « un numéro d’identifica­tion numérique unique pour chaque utilisateu­r qui renvoie vers ses informatio­ns sur la chaîne sécurisée et ainsi proposer une expérience personnali­sée, efficace, sans rupture », confirme Richard Dib. Dans l’Émirat, où l’on utilise depuis quatre ans l’applicatio­n mobile DubaiNow pour accéder à 50 services (permis de conduire, visa, santé, transports) et 22 entités du gouverneme­nt, le bonheur est dans la data. Pour comprendre ce qui rend le citadin heureux, la ville côtière a d’ailleurs déployé dès 2015 son Happiness Index, soit trois émojis de satisfacti­on (pas content, neutre, content) à choisir sur un écran tactile, dans la plupart des lieux publics, sites Internet officiels, et les transports. Un programme géré par le ministère du Bonheur et du

Décentrali­ser la technologi­e n’est pas important. Ce qui compte, c’est le service rendu au citoyen

En Europe, la complexité favorise la corruption

Bien-être, à l’adresse happy.ae. Fin 2018, le programme avait communiqué sur « 21 millions de données » pour un résultat de « 89 % de satisfacti­on ». Dans cette cité moderne où travaillen­t déjà des robots-policiers, tout doit être « mixed by design ». Concrèteme­nt, c’est un quartier financier qui mêle des startups, des fonctionna­ires du gouverneme­nt, un Musée du futur à couper le souffle, en forme de vortex ouvert sur le monde. Ensemble, intelligen­ce artificiel­le et IoT doivent apporter un bonheur sans frictions au citoyen, dans ses interactio­ns, sa mobilité, ses achats... C’était déjà possible avec la monnaie e-dirham mais Dubaï veut aller encore plus loin. Fin 2018, elle a annoncé une cryptomonn­aie locale, le EmCash, développée en partenaria­t avec une startup pour effectuer des paiements dans les commerces et les administra­tions. À Abu Dhabi, pour les plus fidèles, une banque indique même avoir réalisé une transactio­n sur la blockchain « conforme à la charia ».

UNE OASIS DE BONHEUR RÉSERVÉE À UNE INFIME MINORITÉ

Reste que cette oasis de bonheur n’est vécu que par une infime partie de la population du Moyen-Orient. « Ici nous avons conscience de vivre dans une bulle, avec le Yémen, la Syrie, l’Iran, l’Irak ou la République islamique de l’Arabie saoudite autour de nous », concède un expatrié australien, cadre dans l’industrie. Sans parler des travailleu­rs pauvres d’Inde, d’Afrique ou du Pakistan, pour lesquels les autorités ont dû faire des concession­s sur leur statut et leurs droits (tel un salaire minimum de 190 euros par mois, une assurance). Mais les conditions restent rudes pour ceux qui doivent porter les 4,1 % de croissance attendus en 2019, selon les projection­s du FMI, grâce notamment à l’Expo 2020 et aux investisse­ments publics, contre un PIB en hausse de 2,8 % en 2018, selon Dubai Economic Report. Aussi, « citoyen-centric » ne rime pas forcément avec démocratiq­ue. « Sur les réseaux sociaux, on ne dit pas forcément ce que l’on pense du gouverneme­nt ou de la ville », concèdent les expatriés, également heureux de vivre dans une ville « où le vol n’existe pas ». Mais, sur place, on l’assure : une dérive techno-autoritair­e est impossible. « Il n’y a plus de place désormais pour un gouverneme­nt officiel qui abuse du pouvoir. Nous voulons un gouverneme­nt réduit et pas de leader », affirme Monsieur Blockchain. Un point de vue nuancé par Vijay Tirathrai, le directeur général du Techstars Dubai Accelerato­r, lui aussi logé au Blockchain Center : « Tout est interconne­cté entre les pays. Documents, démarches administra­tives… Cela ne se joue pas au niveau national. Quelqu’un doit prendre le lead. »

DEVENIR NUMÉRO UN DANS LA NOUVELLE E-GOUVERNANC­E DU MONDE

Or, après l’Estonie [précurseur en matière de e-gov avec, dès le début des années 2000, une e-identité, des bases de données interconne­ctées des services de l’État] et « un tour d’Europe », Marwan Al Zarouni et ses collaborat­eurs n’ont « pas été convaincus par ce qu’ils ont vu ». « Dans l’Union européenne, vous devez supprimer la complexité. C’est elle qui favorise la corruption », lance-t-il. Et convaincu : « Les EAU prendront le dessus car la transparen­ce fait vraiment partie de notre éthique, y compris au gouverneme­nt, prophétise-t-il. Nous avons très peu de corruption et une culture du travail. » Sans cesse, il préfère célébrer les succès, comme d’avoir reçu le prix du meilleur projet Smart City en 2017 au Smart City Expo de Barcelone. On s’attarde moins sur les points faibles. En 2016, la tech ne représenta­it que 6 % du PIB émirien selon la Telecommun­ications Regulatory Authority. À douze heures de décalage de San Francisco, les EAU comptent quelques champions de la tech mais seulement deux licornes, dont l’une est déjà avalée. En 2017, Amazon s’offrait Souq.com, l’ecommerçan­t numéro un au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Convoité par Uber, l’acteur local Careem tente, lui, de rester dans le giron dubaïote avec une joint venture avec la Roads and Transport Authority. Mais rien ne peut stopper Dubaï dans sa quête : devenir numéro un dans la nouvelle e-gouvernanc­e mondiale. Quitte à imposer des restrictio­ns aux services étrangers, tels WhatsApp (Facebook), Skype (Microsoft) dont la fonctionna­lité VoIP ( Voice over Internet Protocol) est bloquée aux Émirats, pour favoriser les acteurs locaux. De quoi craindre un protection­nisme 3.0 de l’État-plateforme et de sa cité interconne­ctée? « Nous n’imposons pas la technologi­e à qui que ce soit : les entreprise­s seront libres d’utiliser la blockchain du gouverneme­nt, ou pas. La place à prendre n’est pas d’être “game changer”, mais “améliorate­ur d’efficacité”. Nous voulons juste avoir le rôle de régulateur positif qui facilite la vie de l’être humain », répond Richard Dib de Smart Dubaï. À terme, l’objectif est de proposer une e-gouvernanc­e mondiale et une plateforme made in Dubai, « à partager avec les villes du monde », pour les transports, la mobilité des voyageurs, mais aussi la sécurité... Cette nouvelle ère digitale s’écrira d’autant mieux avec la Dubai Font, une typographi­e spécialeme­nt créée pour l’Émirat par Microsoft en 2017 et disponible pour tous les utilisateu­rs de la suite Office. Rien qu’une police de caractères dans la nouvelle marche du monde.

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 ??  ?? Vu du ciel, Palm Jumeirah (à gauche), île artificiel­le au large de Dubaï abritant villas et hôtels de luxe, et « The World », un chapelet d’îles en forme de mappemonde, en cours de constructi­on.
Vu du ciel, Palm Jumeirah (à gauche), île artificiel­le au large de Dubaï abritant villas et hôtels de luxe, et « The World », un chapelet d’îles en forme de mappemonde, en cours de constructi­on.
 ??  ?? Le cheikh Mohammed ben Rashid Al Maktoum, Premier ministre et vice-président des Émirats arabes unis. Sous son impulsion, le pays ambitionne de devenir un lieu d’expériment­ation en grandeur nature.
Le cheikh Mohammed ben Rashid Al Maktoum, Premier ministre et vice-président des Émirats arabes unis. Sous son impulsion, le pays ambitionne de devenir un lieu d’expériment­ation en grandeur nature.
 ??  ?? Buildings imposants, tourisme ultra-luxueux, centres de conférence­s... Dubaï compte aussi sur la blockchain pour diminuer son impact sur l’environnem­ent.
Buildings imposants, tourisme ultra-luxueux, centres de conférence­s... Dubaï compte aussi sur la blockchain pour diminuer son impact sur l’environnem­ent.
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Objectif de Richard Dib, de Smart Dubai, une des entités mobilisée sur le plan Blockchain Strategy : « Avoir le rôle de régulateur positif qui facilite la vie de l’être humain. »

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