La Tribune Hebdomadaire

Deux Français aux commandes de la simplifica­tion administra­tive

- J. D.

Bienvenue à l’Area 2071, un espace de coworking flambant neuf et l’une des nombreuses vitrines tech de Dubaï qui doit « faire des Émirats arabes unis la nation leader du monde d’ici 2071 » , cent ans après sa création. Au niveau inférieur de la tour Emirates, dans le quartier du World Trade Center, sous les étages de chambres d’hôtels, de boutiques et de bureaux, on y croise les ovnis de cette Zone 51 [une aire du Nevada qui a inspiré la science-fiction, ndlr] du futur et de l’innovation. Parmi eux, deux Parisiens de 23 ans qui, eux aussi, doivent « créer un

impact positif global sur le monde » avec leur startup Blockrise. Arrivés munis d’un visa touristiqu­e à l’été 2018, Thomas Jaulin et Charles Plenet de Badts, les deux cofondateu­rs, sont aujourd’hui incorporés au sein de l’Émirat. Leur ambition est de « supprimer la

bureaucrat­ie » à l’aide d’une place de marché de services reposant sur la blockchain. De gauche à droite : Charles Plenet de Badts, Marwan Al Zarouni, le directeur du Blockchain Center, et Thomas Jaulin. Les fondateurs de Blockrise, veulent

« supprimer la bureaucrat­ie » à Dubaï. Rapidement, Blockrise a tapé dans l’oeil de Marwan Al Zarouni, le directeur jovial et aux petits soins du Blockchain Center de l’Area 2071, mais pas seulement. Après plusieurs démos, la plateforme destinée à simplifier les interactio­ns entre une entreprise et un acheteur public, ou une entreprise et un consultant, a séduit les autorités. Basée sur la block

chain Ethereum, elle permet d’automatise­r les paiements, de payer en cryptomonn­aie à l’aide d’un token d’actions programmée­s ERC 20, ou encore de valider les échanges grâce à la communauté. De quoi plaire aux officiels émiratis, en plein dans le plan Blockchain Strategy 2021 qui prévoit plusieurs milliards d’économies de fonctionne­ment dans les services publics. « Toute dispute se gère sur la plateforme automatisé­e », expliquent les deux expatriés. Concrèteme­nt, Blockrise veut casser le silo, telle la direction achat, et mettre « plus de transparen­ce dans les transactio­ns et les appels d’offres au-

près de tiers, et ce, en temps réel ». La solution touche notamment à l’épineuse question des délais de paiement, fixés, pour rappel, à 60 jours en France, mais qui atteignent encore 11,5 jours de retard en 2018, avec une hausse de 20 % des « longs retards » dans les PME (Baromètre ARC/ Ifop, cité par Daf-Mag). Après un premier financemen­t en pré-amorçage non divulgué, Blockrise compte dix collaborat­eurs, dont quatre développeu­rs. Côté modèle économique, la place de marché doit prélever « 1 à 1,5 % de commission sur chaque transac

tion », mais réfléchit encore aux sources de revenus, « en SaaS [logiciel en tant que service, ndlr], ou freemium notamment » . Hébergés gratuiteme­nt pour une durée illimitée, ils n’ont pas à se soucier des charges patronales, sociales ou salariales, inexistant­es à Dubaï. Pour l’heure, le duo a validé une période de test avec la Dubai Future Foundation, une entité transversa­le choyée par le Premier ministre Cheikh Al Maktoum, avant un lancement prévu pour la rentrée 2019, et peut-être un déploiemen­t de la plateforme dans toutes les entités et ministères locaux, de Dubaï à Abu Dhabi.

« Le gouverneme­nt de Dubaï veut un dashboard pour tout comprendre, voir ses rapports et ses dépenses », détaille Charles Plenet bien déci-

dé à « vendre un produit qui plaise au secteur public et aux entreprise­s ». Les deux Français sont d’ailleurs encore sur

pris par l’accessibil­ité et « la proximité avec les décideurs de l’État ». « Leurs bureaux sont – physiqueme­nt – au-dessus de nous ; ils nous ouvrent très rapidement leur réseau »,

expliquent-ils. « Ici, dès que vous avez un produit, tout va plus vite. Parce qu’ils jouent le rôle d’entremette­urs, vous rencontrez immédiatem­ent les bonnes personnes, avec environ six meetings par jour avec des entités du gouverneme­nt. Cela aurait été beaucoup plus lent en France », renchérit Thomas Jaulin, passé par les grandes écoles britanniqu­es. Depuis Londres, il raconte avoir vu il y a quelques mois « une annonce du gouverneme­nt sur le site Medium » pour les startups de la blockchain. De passage en début d’année dans la capitale, ils ont pu présenter la solution à la Mairie de Paris. « Des discussion­s » qui ne les feront pas pour autant revenir tout de suite en France. « Si nous signons avec les autorités de Dubaï, le gouverneme­nt français ne sera pas le premier, mais notre but est de revenir en France », indiquent-ils sans préciser

d’échéance. « Ça sera d’abord les micro-États, ensuite les plus gros. »

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