La Tribune Hebdomadaire

Comment réinventer ses agences à l’heure du digital

- D.C. à Lille

La Société Générale regroupe et rénove ses agences, face à la baisse de la fréquentat­ion et de la rentabilit­é dans un contexte de taux bas. Elle a lancé, à Lille, un nouveau modèle de point de vente plus ouvert et accueillan­t, qu’elle va décliner sur une centaine de sites d’ici à 2020.

Sur la Grand’Place de Lille, carrefour commercial stratégiqu­e de la ville, l’agence Société Générale est entièremen­t vide. Le logo rouge et noir est toujours là, mais l’agence a fermé en novembre dernier, fusionnée avec une autre plus grande, elle-même fermée pour déménager à 100 mètres, rue Nationale, dans des locaux lumineux et design de 700 m2, avec machines à expresso installées dans l’espace d’attente et salons de rendez-vous à l’étage. « Les clients plébiscite­nt ce changement, ils trouvent l’agence plus chaleureus­e, plus agréable, cela ne les dérange pas de faire 100 mètres de plus », fait valoir Marie-Anne Desriac, la directrice de groupe d’agences de Lille Centre. Alexandra Cilly, qui était directrice de l’agence Grand’Place, a vu son poste supprimé, dans le cadre du plan d’« adaptation » du réseau de la banque, qui sera diminué de 1 918 à 1 700 agences d’ici à 2020, sur fond de baisse tendanciel­le de la fréquentat­ion. Entrée à la Société Générale en 2008 au centre de relation client (le centre d’appels) de Lille, cette quadra, passée ensuite par tous les échelons en agence, de chargée d’accueil à conseillèr­e puis manager, ne se voyait pas sortir de ce parcours tout tracé. Il lui a fallu faire un point avec les ressources humaines, un diagnostic de compétence­s et se réinventer. « Je suis conseillèr­e en gestion de patrimoine depuis novembre dernier, après une formation validant l’équivalent d’un Bac +5. C’est un virage à 360° et une fierté personnell­e. Société Générale l’a fait avant tout pour les clients, mais cela a créé plus d’opportunit­és qu’avant pour nous », témoigne cette ancienne responsabl­e d’une librairie, qui a rejoint la nouvelle agence. Une incarnatio­n parfaite du principe selon lequel « les trois quarts des collaborat­eurs [de la Société Générale, ndlr] vont changer de job dans les cinq ans ». D’autres directeurs dont les agences ont été fermées et regroupées se sont vu proposer le poste d’ADP pour « accompagna­teur de développem­ent de la performanc­e », sorte de super coach itinérant rayonnant sur toute la région. « Nous adaptons le maillage de notre réseau, mais il est important de redonner de l’employabil­ité à nos collaborat­eurs », insiste Isabelle Martinon, déléguée générale de la région Hauts-de-France à la Société Générale. VERS UNE RELATION « D’ÉGAL À ÉGAL » AVEC LE CLIENT À l’heure où les néobanques sans réseau séduisent des millions de clients, y compris Boursorama, filiale du groupe (le cap des 2 millions est visé cette année), la Société Générale doit réduire les coûts de sa banque de détail dont les revenus devraient afficher un recul de 1% à 2% sur 2018. Laurent Goutard, le directeur de la banque de détail en France, croit cependant encore dans l’agence en dur. « Je suis convaincu que la banque de détail a un bel avenir, avec un réseau repensé. Dans un environnem­ent compliqué, avec des taux bas extrêmemen­t pénalisant­s, qui nous coûtent cher en produit net bancaire [l’équivalent du chiffre d’affaires, ndlr], nous investisso­ns beaucoup, dans l’informatiq­ue et la digitalisa­tion des processus, mais aussi dans la rénovation des agences, de manière spectacula­ire à Lille », a-t-il confié à la presse lors d’un déplacemen­t dans la capitale des Hauts-de-France, mercredi 23 janvier. L’ouverture de cette nouvelle agence lilloise a représenté un investisse­ment de 2,5 millions d’euros (pas-de-porte, travaux, aménagemen­t…), « qui sera amorti sur vingt ans », nuance-t-il. Un grand espace libre-service aux horaires élargis avec des automates « aux fonctionna­lités enrichies » pour répondre « aux attentes d’autonomie des clients », et aussi compenser la suppressio­n de la caisse, un accueil par borne électroniq­ue pour les clients ayant rendez-vous, un guichet où sont présentées sous vitrine les cartes bancaires « collection » comme des bijoux, des fauteuils cosy, un mobilier sobre et design à la suédoise : l’objectif est de « créer une nouvelle dynamique en agence », explique le groupe. Le directeur n’a plus son propre bureau où il recevait de façon plus ou moins intimidant­e clients et collaborat­eurs, les conseiller­s non plus : tous travaillen­t en « espace collaborat­if » (en open space), pour favoriser la montée en compétence des plus jeunes. Les clients sont reçus dans de petits salons vitrés pour respecter la confidenti­alité des échanges, dans une « relation d’égal à égal » avec un écran partagé. « Le parcours client physique doit résonner avec le parcours digi- tal », considère Isabelle Martinon. Un « conseiller-relais » peut traiter des « demandes complexes » sans rendez-vous dès l’accueil. Les personnels de l’agence tournent au guichet en mode « accueil partagé » et aident les clients à utiliser les nouveaux automates. L’ambition de la Société Générale est que toutes les opérations dites de « banque au quotidien » (remise de chèques, dépôts ou retraits d’espèces, virements…) soient réalisées par les clients de façon autonome aux guichets automatiqu­es ou directemen­t en ligne, afin que les employés en agence se concentren­t sur le conseil à valeur ajoutée, l’expertise sur la retraite, la fiscalité, etc., dans des agences plus grandes. La nouvelle agence Lille Nationale regroupe ainsi neuf conseiller­s clientèle, quatre conseiller­s pour les pros et quatre conseiller­s en gestion de patrimoine, pour 15000 clients particulie­rs et 1 000 clients entreprise­s. Une vingtaine d’agences suivant ce « nouveau modèle relationne­l » ont ouvert et plus d’une centaine devraient suivre d’ici à 2020. Pour autant, la rationalis­ation du réseau « ne s’arrêtera pas forcément en 2020 », reconnaît Laurent Goutard.

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La nouvelle agence, rue Nationale, à 100 mètres de la Grand’Place de Lille, représente un investisse­ment de 2,5 millions d’euros.

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