La Tribune Hebdomadaire

« Gilets jaunes » : vers un plan de sauvetage pour les commerces

- GRÉGOIRE NORMAND ET CÉSAR ARMAND

PERTES

L’activité commercial­e en centre-ville a subi une chute en fin de semaine dans l’ensemble des villes théâtres des manifestat­ions des « gilets jaunes » chaque samedi depuis le 17 novembre.

SAUVETAGE

Régions, mairies et services de l’État ont mis en place des mesures d’urgence pour les commerces les plus fragilisés par les dégradatio­ns et la baisse d’activité.

ADDITION

Plus de 30 millions d’euros de dégâts, 72!000 salariés en chômage partiel, issus de 5!000 entreprise­s, dont 93 % sont des PME. La facture grimpe et les élus demandent l’aide de l’État à la veille de l’acte XV.

Les métropoles, qui depuis quatorze semaines accueillen­t les manifestat­ions des « gilets jaunes » et subissent des dégradatio­ns importante­s de voiries, de bâtiments publics et de commerces, ont fait leurs comptes. La facture s’élève à ce jour à près de 30 millions d’euros, selon l’associatio­n France urbaine. Pour y faire face, son président (LR), Jean-Luc Moudenc, également maire de Toulouse a demandé à Bercy le 13 février une prise en charge « totale ou partielle » de ces surcoûts ainsi que le retrait de ces « charges supplément­aires » du périmètre de la contractua­lisation financière qui lie les grandes villes et l’État. Mi-2018, le gouverneme­nt avait en effet proposé à 322 communes, départemen­ts et régions de limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionne­ment à 1,2 % par an. « Solidaire » de ses

confrères, François Baroin a justifié ces exigences du fait de la compétence « maintien de l’ordre » de l’État. « C’est difficile, c’est exigeant, mais nous les maires, nous sommes responsabl­es de la

tranquilli­té du voisinage » , a ainsi déclaré le patron (LR) de l’Associatio­n des maires de France (AMF). Le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a promis « un plan d’action global qui tiendra compte de l’impact sur le budget des villes » . Une nouvelle réunion se tiendra d’ici à la fin février avant que le plan d’action ne soit transmis au Premier ministre dans la foulée « pour une mise en oeuvre le plus rapidement possible » .

La majorité des maires saluent « un tournant » (André Rossinot, président MRSL du Grand Nancy) ou se disent prêts à attendre de « vraies réformes » (François Rebsamen, maire PS de Dijon). D’autres regrettent, en revanche, « une opération de communi

cation » et auraient préféré un rendez-vous directemen­t à Matignon pour gagner du temps. Car dans l’attente d’un arbitrage gouverneme­ntal, les métropoles vont continuer à rendre gratuits les parkings lorsque les transports publics sont fermés, payer des heures supplément­aires pour les prestatair­es et les fonctionna­ires notamment spécialisé­s dans la propreté, ou à avancer de la trésorerie aux artisans. LE COMMERCE DE PROXIMITÉ DANS L’IMPASSE Après plus de trois mois de mobilisati­on, le secteur du petit commerce traverse une mauvaise passe. Selon Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distributi­on (FCD), « il y a un traumatism­e assez fort de l’ensemble des commerçant­s depuis quelque temps ». Les actions de ce mouvement social ont clairement changé, selon lui#: « Les désordres sont plus localisés. Ce sont d’abord les centres de quelques grandes villes qui sont touchés. Il n’y a plus les gros blocages de grandes surfaces, de centres commerciau­x et de logistique­s ou d’entrepôts comme au début du mouvement,

même si ça continue. » Le président de la commission économique du Medef évoque des pertes supérieure­s à 1 milliard d’euros pour l’ensemble du secteur. Même constat pour la Confédérat­ion des petites et moyennes

entreprise­s (CPME)#: « La situation devient de plus en plus catastroph­ique pour des milliers de commerçant­s à travers tout le territoire. Pour éviter les dégradatio­ns et les pillages, nombre d’entre eux préfèrent baisser le rideau, se privant ainsi de ce chiffre d’af

faires dont ils ont tant besoin. » Outre le commerce, le tourisme et notamment l’hôtellerie et la restaurati­on ont vu leur activité ralentir également. Selon les derniers chiffres de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), le taux d’occupation à l’échelle nationale des établissem­ents n’a pas connu une baisse significat­ive au mois de décembre (- 0,5 %). En revanche, les hôtels parisiens haut de gamme ont connu une chute bien plus marquée (- 6,6 %). Face à ces multiples difficulté­s, le gouverneme­nt a mis en place plusieurs dispositif­s à destinatio­n des commerçant­s et des artisans. L’étalement des cotisation­s patronales et fiscales a été prolongé jusqu’à la fin du mois de mars. « Ces reports ne donneront lieu à aucune majoration ni pénalité de retard d’aucune sorte » , précise l’exécutif. Sur l’ensemble des 5#000 établissem­ents concernés par le chômage partiel, 93 % seraient des PME. Au total, 72#000 salariés seraient touchés par des demandes d’activité partielle tous secteurs confondus. Ce qui représente environ 38 millions d’euros d’indemnités à verser. L’administra­tion a également reçu 3#200 dossiers relatifs à des demandes de reports de cotisation­s. Il y a plusieurs semaines, Édouard Philippe a promis une aide de 3 millions d’euros à une dizaine de villes les plus touchées. Mais cette enveloppe pourrait s’avérer insuffisan­te si le mouvement des « gilets jaunes » se prolonge.

« Il y a un traumatism­e assez fort de l’ensemble des commerçant­s depuis quelque temps » JACQUES CREYSSEL, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE LA FÉDÉRATION DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTI­ON (FCD)

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