La France en apesanteur
14 heures de présence, contre 12 l’an dernier!: Emmanuel Macron a réussi sa visiste du Salon de l’agriculture.
Le chef de l’État poursuit inlassablement le tour de France qui lui permettra de rencontrer des maires dans chacune des 13 régions avant la fin officielle du Grand débat, le 15 mars. Après avoir reçu mardi des élus du Grand Est, Emmanuel Macron sera ce vendredi à Bordeaux. Il reste encore cinq régions au programme#: Pays de la Loire, Bretagne, ProvenceAlpes-Côte d’Azur, Corse et Hauts-de-France, où le président avait achevé son « itinérance mémorielle » en novembre, juste avant le déclenchement de la crise des « gilets jaunes ». Quoi qu’on en pense, le président a donc mouillé la chemise pour renouer le dialogue avec le pays. Mais, même si elle s’est émoussée, la mobilisation des « gilets jaunes » demeure. Comme dans le vide intersidéral, le pays flotte, telle la bulle de whisky du capitaine Haddock dans Objectif Lune. L’économie n’est pas à l’arrêt, fort heureusement, mais l’environnement des affaires est suspendu aux décisions que prendra Emmanuel Macron après le 15 mars.
Le président laisse venir tous les ballons d’essais, y compris les plus farfelus,
voire les suscite, comme cette idée de Jacqueline Gourault de faire payer l’impôt sur le revenu à tous les Français, aussitôt démentie par Matignon, ou celle de taxer les plus-values sur la résidence principale. Comme si, entre Trump et ses menaces sur le commerce, le Brexit, avec des Britanniques incapables de dire ce qu’ils veulent vraiment, et les aléas de la croissance, le brouillard n’était pas déjà assez épais. Cette attente interminable soumet les entreprises et les entrepreneurs à un climat très défavorable aux affaires. Les inconnues sont nombreuses. La baisse de l’impôt sur les sociétés sera-telle confirmée#? Le CICE et les allègements de charges seront-ils impactés#? Déjà, on devine qui seront les principales victimes#: les cadres supérieurs, dont les allocations chômage seront rognées, et les impôts probablement augmentés, comme si un scalp était lâché à la lutte contre les privilèges par un gouvernement qui n’échappe pas à la démagogie ambiante. Or rien n’avance, c’est même plutôt la marche arrière. Preuve que la France n’a pas progressé sur le chemin de la compétitivité, les deux repreneurs potentiels d’Ascoval et de Ford Blanquefort ont jeté l’éponge, deux nouvelles usines vont fermer, comme un cinglant démenti aux discours volontaristes. Le Grand débat a eu lieu, mais il est difficile d’être optimiste sur sa capacité à réconcilier des Français plus divisés que jamais. Aucun des vrais sujets – le temps de travail, l’âge de départ à la retraite, la réforme de l’État... – n’a été abordé de front. Au risque d’une belle gueule de bois post-« gilets jaunes », la France pourrait rester longtemps bloquée dans cette pesante apesanteur où rien de décisif ne se décide.