La Tribune Hebdomadaire

Macron achève bien les cadres

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Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir!? La question de la jeune épouse de Barbe-Bleue à sa soeur, dans l’attente du secours de ses frères, s’applique fort bien à l’interminab­le attente qu’Emmanuel Macron impose à la société et l’économie française depuis quatre mois qu’a commencé la crise des « gilets jaunes ». Sa réplique, « Je ne vois rien que le soleil qui

poudroie, et l’herbe qui verdoie » , est passée dans le langage populaire pour désigner toute situation où un événement est attendu, sans plus trop d’espoir. Quatre mois que, chaque samedi, des manifestat­ions violentes paralysent les centres de plusieurs villes, deux mois que le Grand débat tente de rétablir un consensus impossible. Et pourtant, le saccage des Champs-Élysées lors de l’Acte XVIII a fait faire un bond en arrière à Emmanuel Macron, qui se montre impuissant à mettre fin à une crise sociale inédite. Le chef de l’État refuse d’accélérer son calendrier et ne devrait intervenir que mi-avril. Des fuites donnent de premières indication­s sur ce à quoi il faut s’attendre. Marche arrière sur la désindexat­ion des retraites pour les plus modestes, possible marche arrière sur l’ISF avec le retour à une « conditionn­alité » (par une obligation de réinvestis­sement dans des PME#?), marche arrière sur la critique des élus locaux, avec un Acte III de la décentrali­sation. Le tout assaisonné d’un zeste de démocratie participat­ive… Pas sûr que cela calme le « gilet jaune » en furie.

D’autant qu’en coulisses se préparent quelques mau

vais coups. Emmanuel Macron n’a en effet renoncé en rien à son projet d’étatisatio­n de l’assurance-chômage et des régimes de retraites. Dans les deux cas, les cadres seront les dindons de la farce. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, s’apprête ainsi à réduire drastiquem­ent, de 6000 à 3500 euros, le plafond d’indemnisat­ion du chômage des « hauts revenus ». Avec pour argument qu’Emmanuel Macron ayant fiscalisé les cotisation­s, il n’y a plus de raison de maintenir un système assurantie­l. C’est oublier que les cadres, dont le taux de chômage est de 4 %, la moitié de la moyenne nationale, restent les principaux contribute­urs, avec les cotisation­s patronales versées sur leur salaire. Si on va au bout du raisonneme­nt, soit on supprime aussi ces cotisation­s, mais alors l’Unedic ne fera pas les économies escomptées, soit on risque de casser le principe de solidarité au profit de mécanismes individual­isés. Les cadres risquent de prendre d’autant plus mal ce coup de Jarnac qu’ils sont en train de s’apercevoir que leurs cotisation­s sur les retraites complément­aires ont flambé depuis janvier, conséquenc­e d’un accord imposé en 2015 par le Medef. Si l’on ajoute à tout cela la tentation de la majorité de durcir la fiscalité des « hauts revenus », les électeurs d’Emmanuel Macron vont finir par répondre à soeur Anne#: « Je ne vois que les impôts qui flamboient et les allocation­s qui perdoient… »

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PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

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