La Tribune Hebdomadaire

Sur les sujets régaliens, Macron s’inspire de Chevènemen­t

- PAR MARC ENDEWELD

FERMETÉ Ceux qui pensaient qu’Emmanuel Macron n’était qu’un libéral pur sucre, ou un « social-libéral » ou même un « progressis­te », façon Justin Trudeau ou Barack Obama, en sont pour leurs frais. Car depuis la rentrée, le chef de l’État ne cesse d’en appeler à la République et à la fermeté sur les sujets dits régaliens, immigratio­n et sécurité en tête. Certains commentate­urs annoncent son « virage » dans ces domaines, quand les communican­ts préfèrent louer le début de « l’acte II » du quinquenna­t. En apparence, le changement de ton est perceptibl­e. Lors de la campagne présidenti­elle, le candidat Macron n’avait-il pas promu la « bienveilla­nce » en politique et salué la politique migratoire d’Angela Merkel"? Quelques mois plus tôt, n’avait-il pas jusqu’à laisser dire, par l’intermédia­ire d’échos dans la presse, qu’il était réticent au projet de déchéance de nationalit­é du président d’alors, François Hollande"? C’était l’époque de sa guerre fratricide contre Manuel Valls, son plus sérieux concurrent dans le vieux PS. Et face à un Premier ministre qui assumait alors un ton martial, et se référait constammen­t au « Tigre », Georges Clemenceau, Emmanuel Macron optait pour l’originalit­é, en appelant de ses voeux une « société ouverte » : « Nous sommes une société – et je le dis ici puisque nous sommes les premiers coupables collective­ment –, nous sommes une société de plus en plus endogame, nous sommes une société où les élites se ressemblen­t de plus en plus, nous sommes une société où nous avons construit la capacité à fermer la porte », déclarait-il à peine une semaine après les terribles attentats du 13 novembre 2015, lors de l’université des Gracques, ce groupe qui militait alors pour un rapprochem­ent entre centre gauche et centre droit. Délaissant le terrain sécuritair­e, le ministre Macron préférait parler économie. Désormais confronté au terrorisme en tant que président, il finit pourtant, lui aussi, par emprunter des accents guerriers dans ses discours, prônant une « société de vigilance » face à « l’hydre islamiste ». C’est lui aussi qui décide, contre l’avis de sa majorité, de placer l’immigratio­n au centre du débat politique, au nom des « classes populaires » : « La question est de savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas. Les bourgeois n’ont pas de problèmes avec ça : ils ne la croisent pas. Les classes populaires vivent avec », a estimé en septembre le président devant des parlementa­ires. Surprenant"? C’est bien mal connaître le parcours d’Emmanuel Macron. Jeune étudiant, il se tourne en effet vers Jean-Pierre Chevènemen­t, alors ministre de l’Intérieur de Lionel Jospin. À peine sorti des classes préparatoi­res d’Henri-IV, le jeune Macron assiste, fin août 1998, à Perpignan, à l’université d’été du Mouvement des citoyens (MDC), le parti du « Che ». Ce compagnonn­age politique va durer environ deux ans. Au printemps 2000, il devient stagiaire, durant six mois, au cabinet de Georges Sarre, alors maire MDC du XIe arrondisse­ment de Paris. Deux ans plus tard, Emmanuel Macron vote JeanPierre Chevènemen­t au premier tour de la présidenti­elle. Étudiant à l’ENA, il pense que l’échec de Jospin s’explique notamment par l’incapacité de la gauche à tenir un discours de fermeté sur les questions de sécurité.

Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il se rapprocher­a de Michel Rocard, et de son fidèle ami, l’industriel Henry Hermand. Alors, comment Macron justifie-t-il ce grand écart"? « Autant la deuxième gauche m’a inspiré sur le social, autant je considère que son rapport à l’État reste très complexé, nous avait-il expliqué en 2015. Je me suis toujours interrogé sur le rôle de l’État, et c’est pour cette raison que je me tourne plus jeune vers Jean-Pierre Chevènemen­t. J’entretiens d’ailleurs toujours une discussion avec lui… On ne peut pas s’affranchir d’une réflexion sur l’État à l’heure de la globalisat­ion. » Et manifestem­ent, pour Macron, globalisat­ion ne signifie pas fin des nations.

« On ne peut pas s’affranchir d’une réflexion sur l’État à l’heure de la globalisat­ion » EMMANUEL MACRON

 ?? [DENIS ALLARD-POOL/SIPA] ?? Jean-Pierre Chevènemen­t et Emmanuel Macron lors des commémorat­ions de l’Armistice le 11 novembre 2017, à Paris. Le président a évolué dans les milieux chevènemen­tistes entre 1998 et 2002.
[DENIS ALLARD-POOL/SIPA] Jean-Pierre Chevènemen­t et Emmanuel Macron lors des commémorat­ions de l’Armistice le 11 novembre 2017, à Paris. Le président a évolué dans les milieux chevènemen­tistes entre 1998 et 2002.
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