La Tribune Hebdomadaire

La « suffragett­e » de la Soc Gen

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Son père l’appelait « la suffragett­e », raconte Françoise MercadalDe­lasalles, née à Alger dans une famille piednoire où aucune femme ne travaillai­t. Elle reconnaît s’être engagée dès son plus jeune âge dans le combat pour l’égalité et avoir eu pour modèle… son père, ingénieur, X-Ponts et haut fonctionna­ire. Elle commence d’ailleurs sa carrière dans le public, à sa sortie de l’ENA (promotion Montaigne, 1986-1988). À son arrivée à Bercy, elle est la seule femme. Elle se souvient encore de l’accueil. « Quand on entre à la direction du Budget, on ne peut plus faire ses courses », lui assène-t-on droit dans les yeux. « Pour une femme, faire carrière dans un monde d’hommes, un monde où vos codes d’expression et de réflexion ne sont pas ceux de la majorité, est toujours un challenge. Il faut lutter en permanence pour que l’on vous entende et que l’on vous respecte », témoigne-t-elle.

Après un passage à la BNP et un retour au Budget, elle rejoint en 2002 la Caisse des dépôts, comme directrice déléguée informatiq­ue, fonction à laquelle sa formation généralist­e (droit, lettres et Sciences Po avant l’ENA) ne la destinait pas. Ajointe du secrétaire général de la Caisse, elle prend goût à la technologi­e et c’est pour rationalis­er l’informatiq­ue du groupe que Frédéric Oudéa la recrute à la Société Générale, en 2008, comme directrice de l’efficacité opérationn­elle. Elle intègre le comité exécutif l’année suivante comme directrice des ressources et de l’innovation. « Dans un comex où il n’y a que des hommes, on peut mettre du temps avant de trouver la bonne façon de leur parler », confie la fringante quinqua en perfecto. Cocréation, innovation ouverte, collaborat­ion avec les startups, il faut réinventer les modes de travail, quitte à s’inspirer des géants du Web. « C’était passionnan­t de se trouver au coeur de la machine pour accompagne­r la transforma­tion du groupe avec l’arrivée du digital, faire cheminer le groupe dans ce profond changement de cultures », confie celle qui est à l’origine du campus Les Dunes, à Fontenay-sousBois, vitrine de l’innovation de la Soc Gen. En 2017, celle qui se définit plus comme une « transforma­trice » que comme une banquière, rejoint le Crédit du Nord et devient l’année suivante la patronne de cet ensemble de huit banques régionales à la clientèle d’entreprene­urs#: une des plus grosses filiales de la Soc Gen avec un produit net bancaire de 1,9 milliard d’euros et près de 8#600 salariés.

UN RÉÉQUILIBR­AGE FONDAMENTA­L

Elle y insuffle son esprit startup, métamorpho­se l’agence centrale de Lille en espace ouvert et flex-office, sans bureau fermé. Dans un contexte de mutation rapide du secteur, elle croit « profondéme­nt à ce métier. La banque de détail, c’est un service d’intérêt général"! Le financemen­t de l’économie au coeur des territoire­s, cette mission qui est notre raison d’être est formidable. » Maman de quatre enfants (deux filles, deux garçons), elle s’est engagée dans le soutien à l’entreprene­uriat féminin dans le collectif Sista et siège au conseil de surveillan­ce d’Eurazeo, aux côtés de six autres femmes, où « il y a une liberté de ton incroyable. La présence féminine au board change la façon dont on se parle, avec un rééquilibr­age entre les codes masculins et les codes féminins. C’est fondamenta­l. C’est le cas chez Société Générale qui a beaucoup progressé. »

nDELPHINE CUNY

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