La Tribune Hebdomadaire

Faut-il réguler l’espace ?

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En avril dernier, le Premier ministre indien, Narendra Modi, surprenait le monde entier en annonçant que son pays venait de détruire l’un de ses propres satellites à l’aide d’un missile de précision,

rejoignant ainsi le cercle très fermé, jusqu’alors réduit aux ÉtatsUnis, à la Russie et à la Chine, des pays capables d’éliminer des objets spatiaux. Mais cette démonstrat­ion de puissance n’a pas été du goût de tous. Jim Bridenstin­e, directeur de la Nasa, a parlé d’un acte « inacceptab­le », ayant généré plus de 400 débris spatiaux qui ont mis en péril la sécurité des astronaute­s à bord de la Station spatiale internatio­nale. Si l’incident n’a finalement pas eu de fâcheuses conséquenc­es, Bridenstin­e n’est pas au bout de ses frayeurs. Car dans le contexte de la nouvelle course à l’espace, lancée par une foule d’entreprene­urs chevronnés aux rêves de géants, l’orbite terrestre va devenir de plus en plus encombrée.

Depuis 1957, date de lancement de la sonde Spoutnik par l’Union soviétique, l’humanité a mis en orbite 9"000 satellites.

Environ 5#000 d’entre eux s’y trouvent toujours, un chiffre qui pourrait bien connaître une inflation galopante. L’essor des satellites de petite taille, ou « CubeSats », a permis à plusieurs jeunes pousses de déployer de larges flottes sur orbite, autour de diverses applicatio­ns. Planet, startup basée à San Francisco et spécialisé­e dans l’imagerie spatiale, gère aujourd’hui la plus large flotte au monde, composée d’environ 140 satellites. D’autres misent sur les CubeSats pour apporter un Internet par satellite aux zones victimes de la fracture numérique, projet qui implique la mise sur orbite d’une pléthore d’appareils. C’est le cas de OneWeb, qui compte déployer 900 satellites. Ou encore de Blue Origin, l’entreprise de Jeff Bezos, qui, à travers son projet Kuiper, vise la mise en orbite de 3#000 d’entre eux ! Une bagatelle par rapport au million qu’Elon Musk, qui n’est pas à une extravagan­ce près, entend lancer pour son gargantues­que projet Starlink.

Le ciel devenant de plus en plus congestion­né, tout ce petit monde risque de se rentrer dedans. Glenn Peterson, chercheur à l’Aerospace Corporatio­n, a ainsi calculé que si ces différents projets de constellat­ions fonctionna­ient comme prévu, ils généreraie­nt pas moins de 67#000 risques de collision chaque année. Et si ces petits satellites d’un genre nouveau sont moins chers que leurs homologues traditionn­els, leur coût revient tout de même à 300#000 dollars pièce. Quand on sait qu’une collision pourrait provoquer un effet boule de neige, les débris venant détruire d’autres satellites, qui à leur tour généreraie­nt d’autres débris… il y a de quoi s’inquiéter.

Il existe bien un cadre législatif en place pour réguler l’usage de l’espace, mais il date des années 1960, époque où l’industrie spatiale était loin d’être aussi développée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent pour la mise en place d’un carcan de règles adaptées. L’Union européenne et les ÉtatsUnis envisagent de contraindr­e les entreprise­s à s’assurer que leurs satellites peuvent être écartés de leur orbite pour tomber dans l’atmosphère terrestre et se désintégre­r sur le coup en cas de pépin. Une première étape pour éviter le chaos spatial.

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