La Tribune Hebdomadaire

Roubaix, territoire zéro déchet!: quel bilan!?

- GAËTANE DELJURIE

C’est une initiative quasiment unique en France : Roubaix a mis en place depuis 2014 une stratégie zéro déchet… même si la municipali­té ne possède pas cette compétence. L’objectif était d’abord de répondre au besoin criant de propreté dans les rues de la ville, en agissant à la source. Petit à petit, le message s’est transformé en marketing territoria­l, attirant tout un écosystème économique.

Un triste constat. Avec 13 % de chômage (contre 8,8 % à l’échelle nationale), 40 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, un taux de délinquanc­e qui a amené cette année à mettre en place une police de sécurité du quotidien dans quasiment tous les quartiers, sans oublier les dépôts clandestin­s quotidiens qui entraînent 1#000 PV chaque année, la ville ne brille pas dans les classement­s. C’est pourquoi la nouvelle majorité à Roubaix de Guillaume Delbar (ex-LR) a tenu à mettre la sécurité, la propreté et l’emploi au coeur de ses préoccupat­ions. Elle poursuit ainsi l’immense chantier du zéro déchet lancé par la précédente mandature socialiste.

Tout est parti d’un appel à projets lancé en 2014 par le ministère de l’Écologie. Depuis, 500 familles sont inscrites chaque année dans la démarche, avec un accompagne­ment et un suivi régulier pour éviter de produire trop de déchets. Résultat#: après un an, le poids des déchets résiduels des familles concernées est quatre fois inférieur à la moyenne roubaisien­ne. « Et nous avons observé une hausse de pouvoir d’achat des ménages, grâce aux économies réalisées, de l’ordre de 1!000 euros par an », se réjouit le maire.

GAËTANE DELJURIE

« À l’école, le mobilier est réparé plutôt que renouvelé. Les produits d’entretien sont écologique­s. On instaure le tri des déchets dans la classe et la cour » ALEXANDRE GARCIN,

ADJOINT CHARGÉ DU DÉVELOPPEM­ENT DURABLE

« Sur ces 500 familles, 100 d’entre elles sont renouvelée­s chaque année, ce qui représente 1!500 personnes engagées dans le zéro déchet soit 1,5!% de la population : nous misons sur le fait que l’action d’une personne en touche sept autres », commente Alexandre Garcin, adjoint au maire chargé du développem­ent durable, dont le nouvel objectif est d’accompagne­r désormais 1!000 familles par an.

Pour lui, le développem­ent de l’opération repose sur une diffusion en trois temps : « Nous aurons toujours des “early adopters” qui vont se lancer avant les autres, puis des “suiveurs”, et enfin ceux qui n’auront pas forcément d’avis ou ceux qui seront réticents : ce qui compte au fond, c’est la prise de conscience et la dynamique positive pour la ville de Roubaix. » L’expériment­ation a été étendue aux cantines scolaires, concernant près de 50 écoles, impactant « 10!000 enfants et donc 20!000 parents » , poursuit l’adjoint. À la cantine, on lutte contre le gaspillage : le personnel a reçu une formation spécifique. Terminés les emballages plastique pour les entrées, les desserts ou les fromages. Les assiettes sont servies en fonction de l’appétit des enfants, ce qui leur permet de décider des quantités correspond­ant à leur faim. Les repas sont également adaptés aux envies des élèves par une diététicie­nne. Les parents choisissen­t le menu en amont. Le résultat est spectacula­ire avec « seulement » 70 à 50 grammes de déchets par jour et par enfant en moyenne, contre 200 auparavant.

« Nous menons aussi une réflexion zéro déchets au sein des classes : on ne va pas exiger l’achat d’un nouveau cahier avant qu’un autre soit terminé, par exemple. Les enseignant­s ont mis en place des boîtes à goûter dans lesquels ils mettent chaque jour un fruit. Le mobilier est réparé plutôt que renouvelé. Les produits d’entretien sont écologique­s. On instaure le tri des déchets dans la classe et la cour », détaille Alexandre Garcin, qui s’efforce d’impliquer toutes les parties prenantes. L’attitude zéro déchet a également été prêchée auprès des commerçant­s, qui en ont fait un argument de vente. Une conseillèr­e commerce a été missionnée par la mairie pour proposer des solutions clés en main. Pour être estampillé « Je suis un commerçant zéro déchet », il faut informer sa clientèle, ne pas distribuer de sacs, ni de couverts jetables, bien trier ses déchets et aider les clients à faire de même. 45 commerçant­s ont rejoint la démarche et l’objectif de la mairie est d’en comptabili­ser 100 d’ici 2021.

DU GLANAGE À LA FIN DU MARCHÉ

La démarche a été source d’inspiratio­n pour plusieurs villes de France, comme Miramas ou Libourne, mais aussi au Brésil et au Canada. Désormais, Roubaix ambitionne de boucler la boucle, en encouragea­nt les projets d’économie circulaire. Alexandre Garcin annonce même une trentaine d’initiative­s, essentiell­ement portées par des associatio­ns comme Le Cabas du sourire pour l’organisati­on du glanage en fin de marché, une ressourcer­ie ou le recyclage de matériaux de constructi­on. Pour cela, la mairie va doubler son budget, qui était de 600!000 euros sur trois ans, partagés à parts égales entre une subvention de l’Ademe et les finances de la ville.

Reste qu’il est encore difficile de connaître l’impact précis de tout cela sur la réduction des déchets… la compétence appartenan­t à la Métropole européenne de Lille. « Le zéro déchet a amélioré le pouvoir d’achat des ménages, a créé du lien social, est devenu un marqueur de notre ville, affirme le maire. La ville a dépensé 300!000 euros pour 400 familles en 2015. Ces dernières ont économisé chacune 1!000 euros par an : le voilà, le retour sur investisse­ment ! »

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[AFP] Le maire Guillaume Delbar (ex-LR) poursuit le chantier lancé par la précédente mandature socialiste.
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[DR] PRIORITÉ AU GASPILLER MOINS Acheter en vrac et utiliser des bocaux, se passer d’emballages, réutiliser et réparer... En famille, à l’école ou parmi les commerçant­s, la ville a réussi à faire changer les habitudes.

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