La Tribune Hebdomadaire

Mario Draghi à la BCE : taux négatifs mais bilan positif

- PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

HÉRITAGE Christine Lagarde succède ce 1er novembre au « sauveur de l’euro », à la tête de la BCE. La politique de « Super Mario »

– taux bas et injection massive de liquidités –, a évité la déflation. Mais l’argent bon marché est devenu une drogue dure dont il est impossible de prédire le mode de sortie sans drame économique.

« Danser jusqu’à ce que la musique s’arrête »!: la formule prêtée à l’orchestre du Titanic qui a joué

sans interrupti­on pendant le naufrage du paquebot illustre à la perfection le dilemme dans lequel sont plongés les banquiers centraux, contraints d’augmenter les doses de shoot offertes aux économies occidental­es pour qu’elles ne s’effondrent pas. Alors que la Fed, la banque centrale américaine, a repris le chemin des taux bas, cédant de facto aux injonction­s de @realDonald­Trump, les yeux se tournent vers Christine Lagarde, à qui Mario Draghi vient de transmettr­e la clochette de présidente de la Banque centrale européenne. Et, c’est un euphémisme, l’ex-patronne du FMI, ancienne ministre française des Finances, n’a pas raté son entrée ni failli à sa réputation consistant à « mettre les pieds dans le plat ».

Interrogée sur RTL ce mercredi, Christine Lagarde a estimé que les pays en excédent budgétaire « n’ont pas vraiment fait les efforts nécessaire­s », en particulie­r les Pays-Bas et l’Allemagne, pour mener une politique de relance coordonnée. Après « Super Mario », l’homme qui a sauvé l’euro d’une formule – la BCE entreprend­ra « tout ce qui est nécessaire » (« what ever it takes ») – voici l’heure de super-Christine, prête à entonner le même refrain que son prédécesse­ur$: « Les banques centrales dans l’ensemble ont fait leur boulot », mais elles ont été

« un peu seules à la manoeuvre », regrette-t-elle.

Face à une opinion publique allemande selon laquelle la BCE est en train de ruiner les épargnants – d’où le

surnom « Draghila » donné au banquier central italien – Christine Lagarde prévient d’emblée que la politique d’argent abondant et peu cher n’est pas partie pour s’arrêter. Interrogée, toujours sur RTL, sur les effets pervers des « taux négatifs », elle a jugé « salutaire » que la politique menée par la BCE ait privilégié « l’emploi et la croissance » plutôt que « la

protection de l’épargne ». Bref, Christine Lagarde ne fait pas vraiment dans l’ordolibéra­lisme et le temps n’est pas loin, sans doute, où le Bild la présentera sous les traits de Vampirella, la banquière centrale qui aspire le sang des retraités allemands. Sa déclaratio­n intervient dans un contexte de plus en plus tendu au sein du conseil de la BCE. Une dirigeante allemande de la banque fédérale de la zone euro a récemment claqué la porte pour dénoncer la décision de Mario Draghi de relancer le programme de rachats de dettes de la Banque centrale. Une mesure controvers­ée destinée à contrer un trop fort ralentisse­ment économique en 2020 alors que la zone euro ne parvient pas malgré les injections massives de liquidités (2$600 milliards d’euros à fin décembre 2018) à atteindre son objectif d’une inflation remontant autour de 2 %.

Pire, du point de vue de l’orthodoxie allemande, la nouvelle présidente de la BCE a aussi proposé début septembre devant le Parlement européen, ce qui serait une disruption majeure$: que la BCE intègre le changement climatique dans les objectifs de sa politique monétaire. Elle s’est évidemment attirée en réponse une volée de bois, vert évidemment, de la part du président de la Bundesbank, pour qui une telle orientatio­n, qui permettrai­t pourtant de doper le marché naissant des « obligation­s vertes », serait contraire au traité européen. Selon Jens Weidmann, la BCE se doit de rester neutre à l’égard du marché dans la compositio­n de ses actifs et surtout éviter qu’une telle « politique monétaire verte » devienne une source potentiell­e de conflits d’intérêts face aux activistes du climat. Greta Thunberg, Christine Lagarde, même combat, celui du Green New Deal, une relance par la croissance verte. n

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