La Tribune Hebdomadaire

Le canadien D-Wave et ses calculateu­rs pas comme les autres

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HORS-NORMES

Longtemps décrié par les experts, D-Wave est un cas à part dans la course au quantique. Pourtant, l’entreprise canadienne pourrait tirer son épingle du jeu.

C’est le « mouton noir » de l’informatiq­ue quantique, dixit le consultant spécialisé Olivier Ezratty. C’est aussi le premier ordinateur quantique à avoir proposé, dès 2011, une offre commercial­e. Depuis sa création en 1999, D-Wave et sa technologi­e baptisée « quantum annealing » divise les spécialist­es. En cause : le choix de la startup pour créer son ordinateur quantique serait trop différent de ceux des autres constructe­urs. Pendant plusieurs années, certains allaient jusqu’à remettre en cause l’utilisatio­n du terme « quantique ». Un doute depuis levé. « D-Wave fabrique une machine qui s’appuie sur des phénomènes quantiques, mais qui n’est pas universell­e. Elle permet, en théorie, de faire certains calculs quantiques, mais elle ne peut pas exécuter tout ce que peut faire l’informatiq­ue quantique », détaille Simon Perdrix, chercheur au Loria (CNRS).

UN RECORD DE BREVETS DÉPOSÉS

Vern Bronwell, le CEO de l’entreprise, préfère se voir comme un pionnier. « Nous avons pris un chemin différent, comme Apple avec ses ordinateur­s, et il s’en suit une controvers­e. Nous sommes l’Apple de l’informatiq­ue quantique. » Si le dirigeant exagère le trait, D-Wave rencontre tout de même un certain succès. L’entreprise canadienne a levé plus de 200 millions de dollars (dont la moitié ces cinq dernières années), et compte le gouverneme­nt et un puissant fonds de pension canadien parmi ses actionnair­es. A cela s’ajoute un nombre record de brevets déposés (138 entre 2005 et 2017 d’après le Boston Consulting Group (BCG), et de prestigieu­x partenaire­s comme Lockheed Martin ou le Quantum Artificial Lab (avec Google et la Nasa). « Notre activité double chaque année », complète le dirigeant.

DES QUBITS TRÈS ÉPHÉMÈRES

La cinquième génération de l’ordinateur D-Wave compte 5$000 qubits supracondu­cteurs. Mais ces milliers de qubits ne peuvent être comparés aux 72 qubits de Google ou d’IBM : ils sont très éphémères et connectés entre eux différemme­nt. En conséquenc­e, la puissance de calcul de D-Wave n’atteint pas celles des ordinateur­s quantiques universels… sauf sur certaines applicatio­ns. « D-Wave utilise une fonction très particuliè­re du quantique qui permet de résoudre des problèmes d’optimisati­on », résume Jean-François Bobier, directeur associé chez BCG. Volkswagen utilise par exemple les ordinateur­s canadiens pour développer un système de gestion du trafic. « Aujourd’hui, ce sont les ordinateur­s les plus opérationn­els », ajoute le consultant.

Les entreprise­s intéressée­s peuvent acheter leur propre modèle, mais il faut débourser autour de 15 millions de dollars. Depuis 2018, les clients potentiels peuvent également faire tourner leurs algorithme­s sur D-Wave via le cloud (à distance), pour plusieurs milliers de dollars par heure.

Dans les toutes prochaines années, D-Wave va concurrenc­er les ordinateur­s quantiques sur leurs premières applicatio­ns, tant qu’ils n’auront que peu de qubits. Au-delà, il devra prouver l’intérêt de sa spéciali

sation.

F. M.

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