La Tribune Hebdomadaire

Décider, c’est risquer

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Diriger, serait-ce décider!? Après tout, on appelle bien « décideurs » ceux qui sont aux commandes de l’entreprise.

De fait, les responsabi­lités ouvrent le privilège de faire des choix au nom d’un collectif. Un apanage du pouvoir qui peut aussi devenir un cadeau empoisonné. En effet, hésiter, réfléchir seul faute de pouvoir se confier, tergiverse­r… c’est payer un lourd tribut en stress ou en insomnie à la déesse Décision. À l’instar de tel dirigeant qui ne dort plus, taraudé par une réponse qu’il doit donner : accepter ou non l’entrée au capital d’un investisse­ur. Ou de telle autre qui tourne et retourne dans sa tête les pour et les contre avant de recruter ce chef d’équipe. Mais qu’est-ce qui rend le fait de trancher parfois si ardu!? Petit tour du côté de quelques biais qui freinent notre prise de décision.

Premier point, s’acharner à prendre la « bonne » décision rend le geste plus difficile. Car comment décider gagnant à coup sûr lorsque, par définition, la décision comporte une part d’inconnu!? En cela, la décision se distingue du choix. Décider, c’est trancher sans avoir tous les éléments. Et plus l’arbitrage touche à des enjeux importants, plus on hésite. Alors, peser le pour et le contre ne suffit pas toujours. Il reste à se lancer sans certitude ni garantie. Voilà le fait des entreprene­urs!! Écouter son intuition, accepter de se tromper mais franchir quand même ce Rubicon. Heureuseme­nt, décider, ça se muscle. Pour celui qui tergiverse, chaque prise de décision effective et imparfaite enclenche malgré tout un cercle vertueux : plus il décide, plus il renforce sa capacité à rebondir si cela ne se passe pas comme souhaité et à décider de nouveau. En définitive, il s’entraîne à prendre des décisions « suffisamme­nt bonnes » et à en gérer les conséquenc­es.

Ensuite, pour accepter le saut dans une part d’inconnu, mieux vaut ne pas considérer la décision comme irréversib­le.

Certes, décider, c’est s’engager dans une voie à défaut d’une autre. Se pose alors la question du demi-tour : était-il impossible ou trop coûteux!? La décision serait alors un engagement vers l’irrévocabl­e. Mais, à bien y regarder, peu de décisions ont un caractère totalement irréversib­le. Les dés sont jetés mais il y aura d’autres tours, d’autres parties. Autant d’occasions de décider encore!! Ainsi, une autre manière de peser ses options sera de les considérer à l’aune des demitours possibles. À défaut de savoir quelle est la meilleure route, vérifions lesquelles offrent des bretelles de sortie.

Enfin, statuer devient une vraie gageure si votre tête est sur le billot. Associer l’issue de sa décision à sa valeur personnell­e, c’est jouer gros. Imaginez : vous manquez un recrutemen­t et vous rendez votre badge de DRH ; vous optez pour la mauvaise stratégie de développem­ent et vous renoncez de vousmême à la direction de l’entreprise.

Non, décidément, « rater n’est pas être un raté », explique Charles Pépin dans son livre Les Vertus de l’échec (Allary éditions). Distinguon­s-nous de nos prises de décision. Prenons la distance propice au pilotage de notre activité. Nous n’en serons que plus lucides au moment de prendre d’inévitable­s risques. À défaut, nous pouvons renoncer à décider et la décision se prendra sans nous. Cela peut être confortabl­e si l’on est prêt à céder sur le cap ou la destinatio­n mais cela ne nous mène pas toujours là où l’on voudrait. Comme le dit la chanson : tu veux ou tu veux pas!?

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