Philippe Veran, l’industriel 4.0
SALON-DE-PROVENCE Pour certains, il a tout du serial entrepreneur. D’expert-comptable à patron d’ETI, celui qui a importé les sabots Crocs en France a surtout fait de Biotech Dental le leader européen des soins dentaires sur-mesure.
Il est, ce que l’on peut appeler, multi-récidiviste. Les entreprises, Philippe Veran les aime. Même quand elles connaissent des coups du sort, il y voit l’avantage tapi, le petit « truc » qui va permettre de faire la différence. L’entreprenariat, il le reconnaît, il aurait pu tomber dedans beaucoup plus tôt, mais avant d’être chef d’entreprise, Philippe Veran est expert-comptable. Par atavisme familial, explique-t-il. Avec un père notaire, les métiers sérieux, ce sont plutôt les professions libérales.
CRÉER DE LA VALEUR
Le destin prend cependant des chemins détournés. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Bruno Thevenet, un chef d’entreprise qui devient son client et avec lequel il lie une relation d’abord professionnelle, puis d’amitié, pendant dix ans. Avant de sauter à pieds joints dans le monde de l’entreprise, en s’associant. « Une belle histoire d’hommes » , comme il dit, qui dure toujours, vingt ans après. En 1990, les deux amis réunissent donc leurs compétences – « l’un financier, l’autre commercial » – et créent Upperside. La holding abrite alors deux pépites, l’une tournée vers le dentaire, appelée Biotech International et l’autre vers le loisir et la distribution, Racer. C’est avec Biotech International que Philippe Veran va déployer
sa vision entreprenariale, structurant l’activité en divisions dentaire, orthopédique et diagnostic – la dernière via le rachat d’une petite entreprise mal en point. « Nous avons mis les moyens en fonction des opportunités ». De fait Elitech, devenu numéro 3 français des réactifs pour laboratoires d’analyses, est revendue en 2010 à un fonds d’investissement appartenant au belge Albert Frère, avec un chiffre d’affaires dépassant 100 millions d’euros. Trois ans plus tard, c’est au tour de l’activité orthopédique de sortir d’Upperside. « Ces deux cessions sont la preuve que l’on peut créer
de la valeur », insiste Philippe Veran, qui décide alors de tout concentrer sur l’activité dentaire, devenue Biotech Dental. Son quotidien, c’est elle, cette entreprise pleine de promesses qui a ouvert son capital à un fonds d’investissement. Un choix – qu’on ne s’y trompe pas$! – stratégique, de partenariat. Vendre, alors que l’aventure peut encore être belle n’est même pas envisageable. « Cela nous permet de ne pas
être des financeurs mais d’être
de vrais entrepreneurs. » Depuis novembre 2018, il accueille au sein de son conseil rien de moins que l’ancien ministre de l’Économie, Arnaud Montebourg. Une « belle » rencontre, sur fond d’amour partagé pour le made in France. Si PolyShape – activité revendue sans sa partie industrielle à Michelin en 2018 – l’a emmené vers la fabrication additive, et Taj vers l’univers des cosmétiques, Philippe Veran voit dans Biotech Dental un modèle qui répond à l’évolution du métier de dentiste, en train de devenir omnipraticien. Et les technologies y contribuent, notamment en permettant des solutions moins onéreuses.
DES PERSPECTIVES OUTRE-ATLANTIQUE
C’est à tout cela que va contribuer la nouvelle usine, véritable modèle du 4.0 sur 32$000 mètres carrés, avec robots, fabrication additive et tout ce qui permet de produire uniquement du sur-mesure. Prévue pour être opérationnelle en 2021, Ce bijou ayant nécessité 15 millions d’euros d’investissement fait changer d’échelle l’entreprise de 619 salariés, générant 73 millions d’euros de chiffre d’affaires. L’ouverture dans quelques semaines d’une filiale aux États-Unis y contribue tout autant.
Mais déjà Philippe Veran envisage la phase d’après. Une introduction en Bourse, probablement d’ici deux ans. « Si nous voulons rester indépendants et transatlantiques, c’est la meilleure solution », explique celui à qui l’on doit l’importation des chaussures Crocs en France. Et qui assure : « On peut créer de belles ETI, il faut juste prendre le temps. »
LAURENCE BOTTERO « Si nous voulons rester indépendants et transatlantiques, la meilleure solution est d’introduire BioTech Dental en Bourse »