La Tribune Hebdomadaire

Il faut agir dès maintenant pour que les femmes puissent accéder aux métiers d’avenir

- CHIARA CORAZZA DIRECTRICE GÉNÉRALE DU WOMEN’S FORUM

Depuis plus de deux ans, les travaux du Women’s Forum, qui s’est tenu ce!e semaine à Paris du 20 au 22 novembre, ont porté leurs fruits": ce!e plateforme d’influence globale est désormais reconnue pour sa capacité à mener des initiative­s à impact positif, en France et dans le reste du monde. Preuve en est qu’à l’issue du G7, qui a eu lieu à Biarritz fin août, j’ai été chargée, en tant que directrice générale du Women’s Forum, de contribuer à enrichir la loi sur l’émancipati­on économique féminine qui sera présentée par Marlène Schiappa et par Bruno Le"Maire début 2020. Il s’agit d’une loi essentiell­e car elle perme!ra de donner les mêmes atouts aux femmes et aux hommes dans les métiers d’avenir comme les data, les sciences ou l’ingénierie. Je suis honorée et consciente de la responsabi­lité de ce!e mission qui consiste notamment à formuler des préconisat­ions pour améliorer la place des femmes dans les formations et dans les carrières scientifiq­ues. Car il y a urgence. Ce défi a été mis en lumière lors des travaux de nos «"Daring Circles"», ou groupes de travail, qui cherchent des solutions innovantes non seulement en matière de Stem (science, technology, engineerin­g, mathematic­s), mais aussi de climat, d’intelligen­ce artificiel­le, de femmes et de business, d’accès à la santé. Pour y répondre, nous avons mobilisé notre réseau internatio­nal afin de repérer toutes les bonnes pratiques qui ont été mises en place en France et dans le monde pour féminiser les sciences. La sous-représenta­tion des femmes dans les profession­s du futur est en effet un problème alarmant": aujourd’hui, dans notre pays, un peu moins de 33$% de femmes travaillen­t dans le secteur du numérique contre 53$% dans le reste de l’économie. En Europe, la situation est également dramatique": dans 35"pays, parmi les diplômés d’études scientifiq­ues moins de 1 sur 5 est une femme.

La perte de compétence­s s’avère encore plus inquiétant­e si l’on considère que l’Union européenne fera face à une pénurie de 1 million d’employés dans le numérique d’ici à 2020. Au niveau mondial, les femmes représente­nt 24$% des employés dans les secteurs technologi­ques et ce!e valeur tombe à 11$% si l’on analyse la présence des femmes dans les postes seniors. De plus, d’après une étude réalisée en 2018 par le FMI, la probabilit­é que les emplois des femmes, traditionn­ellement cantonnées à des tâches moins nobles, soient automatisé­s est de 70$%, ce qui représente 180 millions d’emplois à l’échelle mondiale. Ces données sont claires": il faut agir maintenant pour que les femmes et les hommes aient les mêmes opportunit­és dans les métiers d’avenir et il faut que les femmes aient les compétence­s nécessaire­s pour en profiter complèteme­nt et ne pas être laissées à l’écart.

En France, les statistiqu­es nous indiquent qu’en classe de seconde 53,6$% des filles préfèrent les filières scientifiq­ues, contre 73,6$% des garçons, mais seulement 2,5$% des filles choisissen­t les enseigneme­nts des «"sciences de l’ingénieur"», contre 14,1$% des garçons. Ce pourcentag­e se réduit à 47$% en terminale scientifiq­ue. Ensuite, les filles représente­nt seulement 27$% des effectifs des écoles d’ingénieurs et 29$% des classes préparatoi­res scientifiq­ues. À l’université, les jeunes filles représente­nt presque 60$% des étudiants, mais seulement 25$% choisissen­t un parcours en sciences fondamenta­les, contre 39$% des garçons.

Il est évident que les filles perdent leur intérêt pour les matières des Stem très tôt. Aussi, au Women’s Forum, nous avons décidé de nous focaliser sur trois étapes déterminan­tes pour la carrière des jeunes filles. Dès l’âge de 5-6"ans, il convient de sensibilis­er les parents et les professeur­s aux bénéfices que représente le choix pour les filles d’une filière scientifiq­ue. Il s’agit de gommer les préjugés, les stéréotype­s, les biais, en me!ant en valeur le rôle qu’elles peuvent jouer dans la société, puisque l’on sait que les filles souhaitent avoir un impact positif sur la société. Les parents doivent être conscients des opportunit­és que leurs filles pourraient avoir dans les métiers Stem et ainsi les encourager à découvrir leurs possibles aptitudes scientifiq­ues. En parallèle, il est fondamenta­l de leur garantir un soutien scolaire adéquat et capable de les a!irer vers les compétence­s Stem, avec des méthodes innovantes, des ateliers ludiques, des marathons mathématiq­ues, des échanges concrets avec des profession­nels. Tout cela leur donnera une meilleure confiance en elles-mêmes. À 12-14 ans, les filles décident elles-mêmes du cursus qu’elles entendent choisir": nous souhaitons donc au Women’s Forum les motiver avec les outils et le langage qui leur correspond­ent afin de me!re toutes les chances de leur côté.

À l’issue de l’école, il s’agit ensuite de susciter leur intérêt pour s’inscrire dans le cursus des université­s et des grandes écoles afin qu’elles puissent réussir la carrière de leur choix. Faut-il pour cela des quotas$? La question est à l’étude. Nous savons tous que les algorithme­s et le digital régissent désormais tous les domaines, non seulement les sciences, mais aussi les métiers juridiques, l’éducation, l’énergie, le climat et sont même nécessaire­s pour devenir un grand artiste. Réussir ce pari est essentiel pour faire en sorte que les femmes aient toute la place qu’elles méritent et pour qu’elles soient associées pleinement à la création d’un monde plus inclusif et plus juste pour tous."

«!La sous-représenta­tion actuelle des femmes dans les profession­s du futur constitue un problème alarmant!»

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"ISTOCK# En France, les jeunes filles ne représente­nt que 27!% des e"ectifs des écoles d’ingénieurs et 29!% des classes préparatoi­res scientifiq­ues.
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