La Tribune Hebdomadaire

«!Il y aura de moins en moins d’argent public pour les vieilles pierres!»

FINANCEMEN­T Chargé de piloter la mission «!Réinventer le patrimoine!» lancée par les ministères de la Culture et de la Cohésion des territoire­s, le maire de Deauville mise sur les investisse­urs privés.

- PROPOS RECUEILLIS PAR NATHALIE JOURDAN

LA TRIBUNE – Quelle est la philosophi­e de la mission que vous ont confiée les ministres Franck Riester et Jacqueline Gourault"?

PHILIPPE AUGIER – Elle part d’un constat!: le patrimoine culturel constitue l’un des principaux atouts touristiqu­es de notre pays. Si la France reste la deuxième destinatio­n touristiqu­e du monde, c’est à cet héritage bâti exceptionn­el que nous le devons. On aurait tort de mésestimer le poids de cette filière. Avec plus de 40"000 monuments historique­s classés ou inscrits, près de 100"000 emplois et des retombées estimées à 15 milliards d’euros, elle a un impact considérab­le sur le développem­ent et l’a#rait de nos territoire­s. Le problème est qu’une partie de ce patrimoine reste dormante. Pensez aux sommes qu’il faudrait dépenser pour le préserver ou le reme#re en état. Ne nous leurrons pas!: il y a et il y aura de moins en moins d’argent public pour rénover les vieilles pierres, s’il ne s’agit que de les rénover. En revanche, je suis convaincu, et les ministres avec moi, qu’il est possible de redonner vie à ces lieux en mobilisant des investisse­ments privés pour peu que l’on sache les a#irer avec des projets économique­ment viables. C’était l’une des propositio­ns d’un rapport que j’ai rendu au Premier ministre et c’est précisémen­t le but de ce#e mission à caractère expériment­al.

Comment entendez-vous décliner cette ambition"?

Nous avons lancé un appel à candidatur­es (1) aux propriétai­res de monuments historique­s, collectivi­tés, établissem­ents publics, Drac, fondations… dans l’idée de faire émerger, sur une dizaine de sites patrimonia­ux, des projets autour de nouvelles activités à dominante touristiqu­e. Je pense à de l’hôtellerie ou à de la restaurati­on, mais aussi à des activités culturelle­s ou événementi­elles, ou à des concepts de tiers lieux dans l’esprit de ce que nous avons construit à Deauville dans l’ancien couvent des Franciscai­nes. L’endroit sera un lieu de vie culturel ouvert à tous, mais il abritera également des espaces réceptifs pour équilibrer l’exploitati­on. Le patrimoine industriel, par exemple, se prête très bien à ce genre de transforma­tion fondée sur la mixité d’usages parce qu’il est souvent vaste et facilement aménageabl­e.

Sur quels critères les projets seront-ils sélectionn­és!?

A#ention, il ne s’agit pas de se faire plaisir. Le jury, que j’ai voulu composer uniquement de profession­nels de la culture, d’investisse­urs et d’exploitant­s, sélectionn­era les projets en fonction, d’une part, de la robustesse du modèle économique et, d’autre part, de sa capacité à offrir une expérience touristiqu­e remarquabl­e. Autrement dit, à accroître l’a#ractivité et le rayonnemen­t de son territoire, qu’il s’agisse de villes ou de villages. Bien entendu, les propriétai­res devront aussi accepter de se défaire de tout ou partie de la gestion de leur bien sous une forme qui reste à déterminer. Mais, ils ne seront pas livrés à eux-mêmes. L’originalit­é de ce#e expériment­ation réside dans le fait que nous avons conçu, avec Atout France et la Banque des territoire­s, un dispositif d’ingénierie et d’assistance doté tout de même d’un million d’euros ce qui, au passage, marque bien notre ambition. Sa vocation n’est pas de financer directemen­t les projets mais d’aider les porteurs à les rendre faisables sur le plan technique, architectu­ral, juridique et financier.

Vous semblez persuadé que les investisse­urs privés seront au rendez-vous. Qu’est ce qui vous le fait penser"?

Je peux vous assurer qu’il existe des fonds financiers énormes qui cherchent des projets touristiqu­es dans lesquels investir. J’organise d’ailleurs dans quelques jours [le 25 novembre, ndlr] une réunion pour exposer nos objectifs à des investisse­urs et à des exploitant­s. Le nombre d’inscrits à ce rendez-vous est déjà le signe d’un intérêt manifeste pour le sujet. En outre, n’oublions pas que la Banque des territoire­s est, elle-même, en capacité de débloquer des fonds pour de bons projets. Quand la Caisse des dépôts montre le chemin, il est rare que les acteurs privés ne suivent pas. Je compte aussi sur l’expérience d’Atout France. Ses experts connaissen­t, mieux que personne, la nature de la demande touristiqu­e. En clair, ce qui fonctionne et ne fonctionne pas auprès des visiteurs étrangers. Ils sont non seulement en capacité de solliciter des investisse­urs, mais aussi d’évaluer le potentiel d’un projet et de corriger la trajectoir­e si besoin est. C’est pourquoi je dis aux élus, n’hésitez pas à faire preuve d’ambition et d’inventivit­é. Pour ma part, je jouerai un rôle de « go between », d’intermédia­ire.! (1) Le jury ne se réunissant que le 13 décembre, la remise des dossiers de candidatur­es a été repoussée au 30 novembre.

 ?? !SIPA" ?? Le ministre de la Culture, Franck Riester, sa collègue de la Cohésion des territoire­s, Jacqueline Gourault, et Philippe Augier (à dr.) à Fontainebl­eau, en septembre.
!SIPA" Le ministre de la Culture, Franck Riester, sa collègue de la Cohésion des territoire­s, Jacqueline Gourault, et Philippe Augier (à dr.) à Fontainebl­eau, en septembre.

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