La Tribune Hebdomadaire

MÉTROPOLE DE LYON

L’évolution des modes de déplacemen­t pousse à repenser le partage de l’espace public. Ce qui fait débat.

- VINCENT LONCHAMPT

La décision est pour le moins radicale : les tro!ine!es électrique­s en libre-service sont désormais bannies de stationnem­ent à Villeurban­ne (Rhône). Un arrêté de la mairie, en vigueur depuis le 1er novembre, précise que toute tro!ine!e stationnée sur"la voie publique pourra être enlevée par les services municipaux, les contrevena­nts" devant payer une amende de 38 euros. Afin"de répondre aux difficulté­s des opérateurs privés –"Lime, Bird, Do!…"– présents sur le territoire lyonnais, incapables de contrôler l’usage de tro!ine!es trop souvent abandonnée­s au beau milieu des tro!oirs, la municipali­té a donc choisi la manière forte. « Si l’arrivée de services de location de trottinett­es sans station a suscité depuis un an l’adhésion de certains habitants, elle a en effet conduit à une gêne grandissan­te des autres usagers de l’espace public et tout particuliè­rement des piétons à mobilité réduite ou en situation de han

dicap », explique le maire PS de Villeurban­ne, Jean-Paul Bret.

En prenant cet arrêté, l’élu tente de faire face à l’un des grands défis de la « ville de demain », où l’espace public est à partager entre un nombre grandissan­t de solutions de mobilité : trottinett­es, vélos, mono roues, voitures, transports en commun… Une formidable opportunit­é d’augmenter la part des mobilités dites « douces » dans les déplacemen­ts, mais aussi un véritable casse-tête en termes de cohabitati­on. « Les tensions entre les piétons et les différents modes de transport, cela existe depuis toujours, dès l’apparition de la charre"e à boeufs. Il faut sans cesse se reposer la question du partage de l’espace public », commente Olivier Bonin, le directeur adjoint du Laboratoir­e ville-mobilité-transport.

[ Dans la métropole de Lyon, le partage de l’espace public fait débat ]

Mais, si l’équation n’est pas nouvelle, ce!e gestion multimodal­e est rendue encore plus complexe aujourd’hui, notamment par l’apparition de multiples entreprise­s privées qui installent des vélos électrique­s ou des tro!ine!es électrique­s en free floa

ting dans l’espace public, sans que ces services n’aient été demandés par les muni

cipalités. « Il est difficile d’empêcher l’arrivée de ces opérateurs, mais les municipali­tés n’oublient pas que ces entreprise­s sont là pour faire du profit et non pour rendre la ville plus agréable. Si l’on prend l’exemple de la tro!ine!e électrique, ce nouvel usage ne répond pas forcément à un besoin puisqu’il a tendance à se substituer à la marche à pied ou aux transports en commun », pointe Olivier Bonin. Vice-président de la Métropole de Lyon chargé de la mobilité, Pierre Hémon ne se déclare pas anti-tro!ine!e. « Les services de tro!ine!es électrique­s sont un véritable phénomène de société, on ne peut pas simplement se ba!re contre et dire “je n’en veux

pas”. Il faut donc lui trouver une place. Nous discutons avec les opérateurs pour que ça"ne parte pas dans tous les sens. Et les échanges que l’on a sont positifs », commente-t-il.

LUTTER CONTRE L’UTILISATIO­N DE LA VOITURE INDIVIDUEL­LE

Au centre des discussion­s, notamment, la possibilit­é, grâce à la géolocalis­ation, de brider automatiqu­ement les tro!ine!es dans les zones piétonnes pour réduire les risques d’accidents, ou encore l’impossibil­ité d’arrêter sa location à moins de 50"mètres des fleuves pour éviter que les engins ne finissent dans l’eau : plus d’une centaine de tro!ine!es ont ainsi été repêchées, fin octobre, en une journée dans la Darse du quartier Confluence et la Saône. « Il faut également sanctuaris­er les tro!oirs. Nous devons passer d’un Code de la route à un code de la rue pour faire cohabiter l’ensemble des modes de transports… à l’exception de l’autosolism­e », précise Pierre Hémon.

L’objectif affiché : lu!er contre l’utilisatio­n de la voiture individuel­le avec juste un conducteur à bord pour des trajets intra-métropole. Un changement de paradigme illustré par un décompte à une heure d’affluence sur le cours Lafaye!e – récemment rénové avec la création de voies de bus et de feux dédiés aux vélos – qui relie la Presqu’île au quartier de la Part-Dieu. Au compteur à l’instant T : 450"vélos et 210" trottinett­es contre « seulement » 300"voitures. « Nous sommes actuelleme­nt dans une période charnière, avec une prise de conscience que l’on va vers un nouveau modèle où les modes doux reprennent de l’espace sur la voirie. Les habitants ont une aspiration à plus d’apaisement dans leurs déplacemen­ts. Il s’agit, définitive­ment, d’une autre façon de concevoir la ville », analyse de son côté Christophe Ferrari, le président de la communauté d’a%glomératio­n Grenoble-Alpes Métropole.

S’INFORMER EN TEMPS RÉEL DE L’ÉTAT DU RÉSEAU

En 2016, la collectivi­té iséroise a été la première métropole de France à limiter la vitesse des voitures à 30 km/h sur 80&% des voies de circulatio­n. « Les premiers retours sont positifs de la part des piétons et des cyclistes, notamment parce que ces limitation­s sont bien respectées par les automo

bilistes. Développer une mobilité agréable pour tous ne nécessite pas d’opposer les différents modes de transport. Il faut travailler les notions de fluidité et d’apaisement, en prenant en compte que les citoyens restent également des utilisateu­rs de la voi

ture personnell­e », rappelle Christophe Ferrari. C’est dans cette optique que viennent d’être lancés les travaux – a!endus depuis trente ans – de réaménagem­ent de l’A480 et de l’échangeur du Rondeau. Un projet estimé à près de 400 millions d’euros dont le but est de désengorge­r la traversée de Grenoble, asphyxiée par les bouchons et la pollution.

Un mouvement vers davantage de modes doux en centre-ville accompagné à SaintÉtien­ne par la mise au point d’une applicatio­n mobile unique en France, nommée Moovizy 2, qui réunit l’ensemble des solutions possibles pour se déplacer à l’exception de la voiture individuel­le : bus, tramway, trolleybus, vélo en libre-service, autopartag­e, taxis, train ou covoiturag­e. Développée dans le cadre d’un projet qui regroupe Saint-Étienne Métropole, Transdev et le réseau de transports stéphanois STAS, l’applicatio­n, actuelleme­nt en phase de test, est présentée comme un « concen

tré de services ». Elle permet de s’informer en temps réel sur l’état du réseau, de réserver un autopartag­e ou un covoiturag­e, de commander un taxi ou encore d’utiliser un vélo en libre-service VéliVert… Avec, en prime, la possibilit­é de recevoir une facture unique en fin de mois où tous les modes de transports sont intégrés. « Ce!e applicatio­n est une véritable aide à la décision du mode de transport. Nous sommes bien au-delà du gadget. Réunir l’ensemble des modes de transport a demandé beaucoup de travail, et maintenant le concept de Moovizy va s’étendre à l’ensemble de la France », se félicite Luc François, conseiller communauta­ire en charge des transports à Saint-Étienne Métropole. Le lancement officiel de Moovizy 2, dont la version initiale avec moins de fonctionna­lités est en service depuis 2016, est a!endue d’ici à la fin de l’année.

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!ISTOCK" Les nouvelles mobilités «!douces!» sont devenues un casse-tête en termes de cohabitati­on en ville.
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!PAUL BOURDREL / VELOV" PRIVILÉGIE­R LES MODES DE CIRCULATIO­N DOUX Le service de location de vélos Velov’, mis en place par la métropole de Lyon, participe à un véritable changement de conception de la ville.
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!SIPA" Un arrêté municipal interdit désormais le stationnem­ent des trottinett­es en libre-service dans l’espace public de Villeurban­ne.

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