La Tribune Hebdomadaire

Habitat intergénér­ationnel!: une nouvelle façon de vivre ensemble

VIEILLISSE­MENT. L’habitat intergénér­ationnel représente une solution face à l’augmentati­on du nombre de seniors.

- STÉPHANIE GALLO TRIOULEYRE

Les 75!ans et plus seront deux fois plus nombreux en 2050 en Auvergne-Rhône-Alpes qu’aujourd’hui. Selon une étude récente de l’INSEE et de l’Agence régionale de santé, leur nombre devrait ainsi passer de 726"000 à près d’1,5!million. À cette échéance, les seniors représente­ront 15"% de la population régionale, alors qu’ils ne pesaient que 7"% il y a vingt!ans. Devant ce#e montée en puissance, pouvoirs publics, collectivi­tés locales et bailleurs sociaux s’inquiètent.Commentass­ureràcespo­pulations, notamment à celles qui ne peuvent s’offrir un hébergemen­t dans une résidence coûteuse, une retraite digne et paisible, repoussant le plus possible une entrée en Ehpad"?

PIONNIÈRE SUR LE SUJET

L’habitat intergénér­ationnel –!résidences spécifique­ment construite­s

pour mêler des population­s d’âges différents pouvant se rendre mutuelleme­nt des services!– pourrait repré

senter une partie de la réponse. «!Historique­ment, la solidarité entre génération­s se vivait dans le cadre de la famille ou du village, mais l’industrial­isation et l’urbanisati­on de nos sociétés ont donné de nouvelles solutions de solidarité grâce aux systèmes de retraite notamment. Résultat!: nous nous sommes détournés progressiv­ement de la solidarité entre les génération­s!», analyse l’historien François!Boursier, enseignant à l’Ucly. « Les crises économique­s ont cassé ces solutions. Les dispositif­s institutio­nnels ne sont plus suffisants aujourd’hui. L’habitat intergénér­ationnel est une réponse! assez intéressan­te à cette problémati­que.!» Selon le géographe lyonnais, spécialisé en aménagemen­t, et auteur d’une thèse sur l’habitat intergénér­ationnel, Nathaël Torres, la France comptait environ 250!résidences intergénér­ationnelle­s fin 2017. «!Les premières datent du début des années 1990 mais on a pu observer une forte progressio­n depuis 2013. La canicule a!été un déclencheu­r.!» Dans ce contexte, la région Auvergne-RhôneAlpes semble en avance sur le sujet, en raison de la présence sur le territoire de leaders du sujet. Récipro-Cité en premier lieu, spécialist­e de l’ingéniérie du vivre-ensemble, créé en 2009!par!Serge Le!Boulch, et réalisant!aujourd’hui un chiffre d’affaires de 2!millions d’euros avec 35 salariés. Mais aussi le bailleur social Sollar (groupe 1001 Vies Habitat), dirigé par Guy Vidal, acteur très impliqué depuis 2010. À noter également, l’action de l’associatio­n Habitat et Humanisme, née à Lyon, qui a créé une trentaine de «!maisons!» intergénér­ationnelle­s à travers la France. L’associatio­n Tim!et Cole#e (créée par ESDES intergénér­ations) est aussi pionnière de la question de l’intergénér­ation. Elle a été une des premières, en France, à s’emparer du sujet de l’hébergemen­t d’étudiants par des personnes âgées. L’adoption de la loi Elan, fin 2018, avec la reconnaiss­ance de la cohabitati­on intergénér­ationnelle et la valorisati­on de l’habitat inclusif, devrait désormais faciliter le déploiemen­t de ce mode d’habitat.

DES PROJETS SURTOUT PORTÉS PAR DES BAILLEURS SOCIAUX

Selon Nathaël Torres, 87"% des résidences intergénér­ationnelle­s sont portées par des bailleurs sociaux. «!Pour assurer une vraie mixité des âges, il faut avoir la capacité de gérer les critères de peuplement. Pour un promoteur privé, c’est compliqué!», avance-t-il. «!Depuis 2000, nous constatons une évolution des a#entes de nos locataires. Il fallait trouver une réponse adaptée à leur vieillisse­ment!», explique Guy Vidal, directeur général de Sollar. Il a ainsi développé, avec Récipro-Cité et l’université Lyon!3, le concept Chers voisins fondé sur une animation au quotidien des échanges entre voisins de résidences HLM. Après une expérience pilote à Saint-Germain-auMont-d’or, dans l’Ouest lyonnais, l’idée a été déployée sur une dizaine d’immeubles du groupe. Même réflexion du côté de Grand Lyon Habitat, en charge de 26"000!logements sociaux. «!Nous avons commencé à travailler sur la question bien avant la loi!Elan. L’habitat intergénér­ationnel est une bonne solution pour maintenir nos locataires le plus longtemps possible à leur domicile. C’est une troisième voie entre le logement classique et l’Ehpad!», indique Séverine Molina Cruz, chargée de développem­ent Handicap, vieillesse et précarité. La première résidence intergénér­ationnelle de Grand Lyon Habitat, le Victoria, avait été construite en 2012. La seconde, le Perla Rosa, vient d’être livrée dans le 8e!arrondisse­ment de Lyon. «!Nous avons lancé quelques expériment­ations, mais nous a#endons la mise en applicatio­n locale de la loi Elan pour aller encore plus loin, notamment sur la question du forfait inclusif prévoyant un cofinancem­ent de l’État. L’intergénér­ationnel coûte plus cher, entre autres en raison de la nécessité d’avoir une salle commune et un animateur, mais nous ne pouvons pas demander le supplément à nos locataires. C’était jusqu’ici un vrai frein au développem­ent de ces résidences.!»

CONSTRUCTE­URS ET PROMOTEURS S’ADAPTENT

Ce#e prise de conscience des bailleurs sociaux s’entremêle à celle des promoteurs et constructe­urs. Ainsi Récipro-Cité s’est associé à Eiffage Immobilier pour développer Cocoon’Âges, un dispositif d’habitat familial intergénér­ationnel proposant une architectu­re adaptée et une offre de services-animation. «!J’ai conduit une étude de marché en 2014, elle nous a amenés à nous intéresser au logement intergénér­ationnel», explique JeanPierre Mahé, directeur du développem­ent logement social pour Eiffage Constructi­on. «! Aujourd’hui, nous sommes dépassés par le succès!», sourit-il. Quatre résidences ont déjà été livrées, dont une à Clermont-Ferrand en juin dernier. En tout, 21!opérations sont d’ores et déjà lancées, notamment à!Grenoble et à!Lyon. Une quarantain­e d’autres sont en discussion avancée. «!La grande majorité de ces résidences est vendue à des bailleurs sociaux. Pour l’instant, une seule est destinée à un projet 100$% privé!», poursuit JeanPierre Mahé. Eiffage Immobilier prend en charge le coût d’un espace commun de!80 à 130!m2 et du gestionnai­re-animateur (Récipro-Cité). «!Ce coût supplément­aire nous oblige à être plus efficients afin de produire des logements au prix du marché.!» !

«#C’est une troisième voie entre le logement classique et l’Ehpad#»

SÉVERINE MOLINA CRUZ,

CHARGÉE DE DÉVELOPPEM­ENT HANDICAP, VIEILLESSE ET PRÉCARITÉ CHEZ GRAND LYON HABITAT

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!ALAN DUB" Mêler les âges des résidents, ici à Grenoble, est une tendance qui progresse fortement depuis les années 2010.
 ?? !DR" ?? La résidence Perla Rosa de Grand Lyon Habitat vient d’être livrée dans le 8e!arrondisse­ment de Lyon
!DR" La résidence Perla Rosa de Grand Lyon Habitat vient d’être livrée dans le 8e!arrondisse­ment de Lyon

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