La Tribune Hebdomadaire

Après WeWork, la fin du culte de l’entreprene­ur-roi!?

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L’année devait être fastueuse pour WeWork. Le champion américain de la location d’espaces de travail collaborat­if avait prévu d’entrer en Bourse cet automne,

avec une valorisati­on estimée à 47 milliards de dollars. Une coque!e somme pour une entreprise d’immobilier fondée il y a moins de dix"ans. WeWork"semblait bien partie pour conquérir le monde sous la houle!e de son fondateur et directeur général, Adam Neumann, qui ne"cachait pas son ambition de devenir l’homme le plus riche de la planète.

Mais la machine s’est enrayée en cours de route. L’entrée en Bourse a été annulée, Neumann remercié, et la valeur de l’entreprise est désormais estimée à tout juste 7"milliards de dollars. L’existence de l’empire du coworking, largement déficitair­e, a même un instant semblé en péril, les investisse­urs échaudés rechignant à le renflouer alors qu’il manquait de tomber à court de trésorerie. Le groupe japonais So#Bank, l’un de ses investisse­urs historique­s, est finalement venu à la rescousse, déployant un plan de sauvetage de 9,5 milliards de dollars et prenant ainsi le contrôle de l’entreprise.

Que s’est-il passé$? Alors que WeWork préparait son entrée en Bourse, plusieurs informatio­ns ont commencé à circuler, qui"n’ont pas tardé à refroidir les investisse­urs. WeWork est apparue comme une machine à brûler les billets verts, dépensant près de deux dollars pour chaque dollar gagné. Les pratiques d’Adam Neumann, surtout, ont commencé à semer le doute."En plus d’avoir nommé des proches à la plupart des postes clés,"il louait ses propres biens immobilier­s à l’entreprise, réalisant ainsi de juteux bénéfices, et parcourait le monde à bord"d’un jet privé payé par WeWork, dans lequel il organisait des soirées dantesques chargées en drogue et en"alcool.

La chute de Neumann n’est pas sans rappeler celle de Travis Kalanick, fondateur d’Uber, en 2017.

Tout comme Neumann, Kalanick s’était fait connaître pour sa personnali­té hors norme et égomaniaqu­e, sa capacité à repousser les barrières, et son nom était étroitemen­t associé à celui de son entreprise, jusqu’à ce qu’il en soit mis à la porte. Citons encore Elizabeth Holmes, la fondatrice de Theranos, un moment comparée à Steve Jobs, qui a levé des millions grâce à un test d’analyse sanguine qui ne marchait tout simplement pas.

Autant d’entreprene­urs que la presse assimilait à des rock stars et dont la personnali­té hors du commun a servi, dans un premier temps, le succès de leurs sociétés respective­s. Davantage que sur un produit, les investisse­urs misaient sur les capacités de ces dirigeants à le vendre, à convaincre le public qu’ils allaient changer le monde.

En échange, ces entreprene­urs-rois faisaient ce qu’ils voulaient, les investisse­urs fermant les yeux sur leurs frasques et pratiques douteuses. Outre-Atlantique, ce!e culture, connue sous le nom de « founder friendly », semble toutefois sur le déclin. L’affaire WeWork marque peut-être un tournant, la fin du culte de l’entreprene­ur-roi au profit d’individus plus discrets, moins casse-cou… et plus efficaces$? Satya Nadella, le directeur général de Microso#, montre la voie. Depuis que cet homme calme et réservé a pris la suite du flamboyant Steve Ballmer, Microso# s’est imposée sur le marché du cloud, son action a grimpé en flèche et l’entreprise est passée du statut de dinosaure menacé d’extinction à celui de géant de l’innovation avec lequel il faut de nouveau compter. Peu de grain à moudre pour les tabloïds, mais du pain bénit pour les marchés financiers.

Neumann, Kalanick ou Holmes ont fait ce qu’ils voulaient, les investisse­urs fermant les yeux sur leurs pratiques douteuses. Mais cette culture « founder friendly » semble sur le déclin.

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