La Tribune Hebdomadaire

Coup d’envoi pour l’éolien en mer français

ÉNERGIE Les travaux de raccordeme­nt du premier parc éolien o!shore hexagonal viennent de débuter à Saint-Nazaire. Un mode de production d’électricit­é prometteur, sur lequel la filière compte beaucoup.

- JÉRÔME MARIN

Sur la plage de la Courance, à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), une pelleteuse est à pied d’oeuvre. L’image peut paraître banale. C’est pourtant une étape cruciale pour la filière éolienne française. Ces premiers coups de pelle, donnés mercredi 27 novembre, marquent en effet le début des travaux du raccordeme­nt du premier parc offshore français, dont le coût est estimé à 285 millions d’euros. « Enfin, le chantier démarre », se réjouit Carole Pitou-Agudo, déléguée régionale de RTE, le gestionnai­re du réseau de transport de l’électricit­é. Et pour cause : l’appel d’offres pour la constructi­on de ce champ en mer a été remporté en 2012 par Éolien Maritime France, une filiale d’EDF Renouvelab­les. Mais le projet a ensuite été retardé par de multiples recours devant la justice administra­tive.

MISE EN SERVICE EN 2022

Ceux-ci n’ont été purgés définitive­ment qu’en juin 2019. Les travaux de raccordeme­nt, supervisés par RTE, devraient se terminer mi-2021. L’installati­on des éoliennes devrait débuter l’été prochain. La mise en service effective du parc, elle, n’est pas a"endue avant 2022, soit dix#ans après l’appel d’offres. Si la France affiche du retard sur ses voisins européens, les profession­nels du secteur se veulent optimistes. En plus de Saint-Nazaire, trois autres parcs devraient bientôt être purgés de recours (Saint-Brieuc, Fécamp et Courseulle­s-sur-Mer). Le gouverneme­nt a promis par ailleurs de relever le rythme des appels d’offres à 1#gigawa" par an. Et il a publié, fin 2018, un décret pour réduire significat­ivement les délais liés aux recours. La filière française espère ainsi parvenir à une puissance raccordée de 3%500#mégawa"s (MW) d’ici à 2026. Le parc offshore de Saint-Nazaire comptera 80#mâts, pour une puissance totale de 480#MW. De quoi produire un cinquième de la consommati­on électrique de Loire-Atlantique. Pour raccorder les éoliennes au réseau électrique, RTE va tirer deux câbles sous-marins, d’une longueur de 33#kilomètres chacun, qui relieront à la côte bretonne une sous-station électrique située en mer. « Le trajet est le fruit d’une concertati­on, explique Carole Pitou-Agudo. Il a été pensé pour minimiser l’impact sur l’environnem­ent et sur l’activité maritime. » Chaque câble, fabriqué en Finlande, comporte trois conducteur­s qui perme"ent d’acheminer l’énergie, ainsi que deux fibres optiques pour transférer des données. D’un diamètre de 27# centimètre­s, ils ne pèsent pas moins de 120#kilos par mètre. Leur installati­on nécessite l’interventi­on d’un câblier, équipé d’une charrue qui creuse une tranchée d’une profondeur de 1,5#mètre. Ce"e opération, dite d’ensouillag­e, constitue un défi « complexe », reconnaît Hervé Macé, directeur du projet chez RTE. D’autant plus que les conditions météorolog­iques de la région sont parfois difficiles.

Sur la plage de la Courance, une station enterrée sous 2,5#mètres de sable assurera la jonction entre les câbles sous-marins et le réseau électrique souterrain. Commence alors un autre travail pour RTE : tirer six#câbles sur une distance de 27#kilomètres jusqu’à un poste électrique, également en constructi­on, dernière étape avant les lignes à très haute tension. Cela implique notamment de creuser des tranchées en ville. Une tâche plus classique, mais fastidieus­e. « On avance de 50!mètres toutes les semaines », souligne Hervé Macé.

Encore très peu développé, l’éolien en mer représente seulement 0,3%% de l’électricit­é produite dans le monde. Mais il offre un « potentiel quasi illimité », avance Fatih Birol, directeur de l’Agence internatio­nale de l’énergie (AIE). Dans un rapport publié fin octobre, ce"e organisati­on basée à Paris prédit ainsi une forte accélérati­on des investisse­ments dans le secteur, en particulie­r en Europe et en Chine. D’ici à 2040, l’éolien offshore pourrait même devenir la première source d’électricit­é sur le Vieux Continent.

Cet essor va être porté par la forte baisse des coûts. « Aux Pays-Bas, ils ont chuté de 70"% en huit!ans », souligne Lydia Schot, directrice de l’éolien en mer chez Eneco, groupe énergétiqu­e néerlandai­s. Cette évolution s’explique notamment par l’augmentati­on de la puissance des mâts, qui permet de réaliser des économies d’échelle, et par la baisse du prix des turbines. Mais aussi par l’arrivée de « navires spécialeme­nt conçus pour l’installati­on d’éoliennes », souligne la responsabl­e d’Eneco.

PLUS COMPÉTITIF QUE L’ÉOLIEN TERRESTRE

Aux Pays-Bas, le dernier appel d’offres a été accordé au prix de 44 euros le mégawa"heure (MWh). En France, celui de Dunkerque a été remporté par EDF, en mai dernier, au tarif de 50 euros. « C’est inférieur au coût du nucléaire déjà amorti », souligne Pauline Le#Bertre, déléguée générale de l’organisati­on profes

UNE TECHNOLOGI­E QUI A DU SOUFFLE

Si l’éolien o#shore ne représente encore que 0,3$% de l’électricit­é produite dans le%monde, il pourrait devenir, d’ici à 2040, la première source d’électricit­é en Europe. sionnelle France Énergie Éolienne. Le offshore est également plus compétitif que l’éolien terrestre, dont les derniers appels d’offres français se sont joués au-delà des 60 euros. L’éolien en mer présente en effet plusieurs avantages. D’abord, les vents sont plus réguliers et plus forts. Ensuite, les éoliennes peuvent être plus grandes, capables d’aller chercher des vents plus intenses. Ces deux éléments se traduisent par un facteur de charge plus important. Au large de la Belgique, les éoliennes peuvent tourner à pleine puissance près de la moitié du temps. De quoi compenser des coûts d’installati­on plus élevés que sur terre.

COURSE AU GIGANTISME

Pour réduire les coûts encore davantage, la filière s’est lancée dans une course au gigantisme. Dans le port de Rotterdam, General Electric teste ainsi une éolienne de 12 MW, qui culmine à 260# mètres et dont la longueur des pales dépasse les 100# mètres. Dans le même temps, la taille des parcs suit une évolution exponentie­lle. Au Royaume-Uni, le projet Dogger Bank prévoit l’installati­on de 630#éoliennes, un record. À#lui seul, il pourra produire 5%% de l’électricit­é consommée outre-Manche.

Ces champs plus vastes perme"ent de réaliser des économies d’échelle supplément­aires, en particulie­r sur la maintenanc­e et sur le raccordeme­nt au réseau électrique. L’augmentati­on de la capacité va d’ailleurs devenir cruciale, alors que « les nouveaux projets vont s’implanter plus loin des côtes », augmentant ainsi les coûts du raccordeme­nt, souligne l’AIE. Selon ses estimation­s, ils représente­ront bientôt 50%% de la facture totale. L’essor de l’éolien en mer doit également être tiré par le développem­ent des éoliennes flo"antes, fixées sur un socle ra"aché au fond de la mer par des câbles. Elles devraient perme"re d’installer des mâts plus loin des côtes, où les eaux sont plus profondes et « où les éoliennes traditionn­elles ne sont pas économique­ment viables », note le rapport de l’AIE. La technologi­e, qui est encore en phase de tests, « pourrait perme#re de capter des ressources de vents encore inexploité­es », s’enthousias­me l’AIE.#

«"Le trajet des câbles sous-marins a été pensé pour minimiser l’impact sur l’environnem­ent et sur l’activité maritime"» CAROLE PITOU"AGUDO, DÉLÉGUÉE RÉGIONALE DE RTE !RÉSEAU DE TRANSPORT D’ÉLECTRICIT­É"

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