La Tribune Hebdomadaire

«!Le modèle de Kosc a beaucoup de vertus pour le développem­ent de la concurrenc­e!»

FIBRE Le dirigeant de l’autorité de régulation des communicat­ions électroniq­ues se veut rassurant sur l’avenir de cette entreprise, qui joue un rôle clé dans les télécoms profession­nelles en vendant de la connectivi­té en gros aux opérateurs alternatif­s.

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE MANIÈRE

LA TRIBUNE – Kosc est en di!culté, et vient d’être placé en redresseme­nt judiciaire. Vous avez longtemps épaulé cet acteur pour favoriser la concurrenc­e sur le marché des télécoms profession­nelles. Redoutez-vous son éventuelle disparitio­n"?

SÉBASTIEN SORIANO – Nous appelons de nos voeux, à l’Arcep, à la prolongati­on de ce!e activité, que ce soit via un adossement différent avec ses investisse­urs ou à travers une reprise du groupe. Kosc a développé dans un temps très réduit un réseau d’une empreinte nationale. C’était un vrai défi. L’entreprise a rencontré des difficulté­s. Mais c’est globalemen­t une vraie réussite technique et économique. Kosc a rencontré son marché. Si beaucoup de petits opérateurs se sont inquiétés de sa cessation d’activité, c’est bien parce que cet acteur est dans la place. Il a fait son trou avec son modèle «! wholesale only! ». [Kosc!vend uniquement de la connectivi­té en gros aux opérateurs alternatif­s, qui la commercial­isent ensuite au détail via des offres Internet aux entreprise­s, ndlr] Ce modèle a beaucoup de vertus pour le développem­ent de la concurrenc­e.

Kosc a désormais six mois pour se renflouer ou trouver un repreneur. Beaucoup redoutent que des grands opérateurs comme Bouygues Telecom ou Iliad mettent la main sur le groupe. Ceux-ci sont présents sur le marché de détail. Ils n’auraient sans doute pas intérêt à proposer des prix de gros avantageux aux opérateurs alternatif­s, avec qui ils bataillent pour vendre des abonnement­s aux entreprise­s...

Il est clair que notre préférence va à la continuité d’une activité «!whole

sale only!». Ce!e configurat­ion amène le plus de garanties sur le fait que l’acteur a un intérêt vital à être actif sur le marché de gros. Mais je ne veux pas être totalement binaire. Il faudra être pragmatiqu­e. On verra bien l’identité des personnes qui s’intéressen­t à Kosc, et l’organisati­on qu’elles proposent. L’important, c’est qu’une activité de gros volontaris­te soit structurel­lement garantie. Il$ existe peut-être des montages intermédia­ires. À ce stade, nous ne voulons rien rejeter.

Avez-vous les moyens de garantir que" Kosc continuera d’animer la concurrenc­e sur le marché de gros en cas de reprise"?

Nous avons un puissant levier$: la manière dont nous régulons le marché. C’est l’Arcep qui a créé les conditions pour l’émergence d’acteurs de gros. Nous avons d’une part imposé à Orange d’ouvrir son infrastruc­ture FTTH [de fibre jusqu’à l’abonné], dans des conditions adaptées à des$opérateurs d’entreprise­s. D’autre part, l’Arcep s’est abstenue d’imposer à Orange une offre de gros activée, ce qui a pour effet d’éviter que tous les$opérateurs s’approvisio­nnent chez$l’opérateur historique. Ces mesures offrent un espace pour permettre aux opérateurs alternatif­s, notamment «!whole

sale only!», d’animer le marché.

Si Kosc devait être en liquidatio­n judiciaire, beaucoup d’entreprise­s se retrouvera­ient un temps sans connexion Internet. Les conséquenc­es pour leur activité seraient désastreus­es. Cela vous inquiète-t-il"?

C’est plutôt un sujet de vigilance que d’inquiétude. Je pense que, d’une manière ou d’un autre, l’activité de Kosc continuera. Je suis assez confiant à ce sujet. Maintenant, évidemment, nous sommes vigilants sur la question d’un éventuel arrêt de son activité. Le jugement du tribunal donne du temps$à Kosc pour trouver une solution. L’entreprise a pu bénéficier de certains refinancem­ents, qui constituen­t une vraie bouffée d’oxygène. Elle est sortie de l’urgence absolue. Elle peut ainsi travailler à son avenir plus sereinemen­t.

Certains opérateurs, à l’instar d’OpenIP, ont pourtant décidé d’interrompr­e la vente de lignes Kosc...

Je veux lancer un appel à la sérénité. Il ne faut pas qu’il y ait de mouvement$ de panique sur le marché. Encore une fois, il y a un acteur qui a déployé une infrastruc­ture solide et a fait son trou. Toutes les raisons sont réunies pour penser que son activité continuera. Je le dis d’autant plus qu’il$peut y avoir un$effet autoréalis­ateur en cas de panique sectoriell­e. Aujourd’hui, cela me paraît complèteme­nt hors de propos d’envisager un$scénario, très peu probable, de cessation d’activité.

Kosc s’est retrouvé dos au mur lorsque la Banque des territoire­s (qui dépend de la Caisse des dépôts) a décidé de ne pas remettre d’argent dans l’entreprise. L’État aurait-il pu davantage soutenir cette société, et à travers elle,"la concurrenc­e dans les télécoms profession­nelles"?

Le gouverneme­nt est particuliè­rement a!entif au bon développem­ent de ce marché. France Num, l’initiative de l a Directi o n g é nérale des entreprise­s, qui vise à accélérer la digitalisa­tion des TPE et des PME, en témoigne. L’exécutif a bien conscience du retard de la France dans ce domaine. Il n’y a pas l’ombre d’un doute sur la déterminat­ion du gouverneme­nt à essayer de développer les télécoms d’entreprise­s. En tant que régulateur, je dois rester à bonne distance des acteurs et je ne peux en revanche pas me prononcer sur les choix des actionnair­es des groupes que l’Arcep régule.

Dans le contexte actuel, quelle est la stratégie de l’Arcep pour favoriser la concurrenc­e dans les télécoms profession­nelles"? Les mesures prises jusqu’à aujourd’hui suffisent-elles"? Faut-il aller"plus loin"?

La question est sur la table. Indépendam­ment du calendrier de Kosc, nous sommes rentrés dans l’exercice de révision de notre analyse de marché, qui est le cadre de régulation de la fibre et d’Orange. Dans ce!e réflexion, il y aura un gros volet entreprise­s. Elle portera sur la partie FTTH de l’infrastruc­ture –$qui concerne aussi bien celle d’Orange, celle de SFR, et les réseaux de fibre ruraux des collectivi­tés. Nous nous interrogeo­ns sur la manière d’enrichir ce!e infrastruc­ture pour apporter les offres de qualité qui sont a!endues par les entreprise­s, sur une gamme très large. Il y a ensuite un deuxième volet, plus complexe, qui concerne les réseaux historique­s de fibre dédiée (1). Ceux-ci ont été déployés par Orange, SFR et les collectivi­tés locales. Il y a un équilibre subtil à trouver puisque ces réseaux seront de plus en plus concurrenc­és par les réseaux FTTH, en plein déploiemen­t, qui accueillen­t progressiv­ement des offres entreprise­s. C’est pourquoi le marché de la fibre dédiée connaît aujourd’hui d’importante­s baisses de prix. C’est positif, mais nous devons être vigilants. Nous devons prévenir de possibles comporteme­nts anticoncur­rentiels de la part d’Orange et de SFR, les plus forts acteurs du secteur. À ce sujet, l’Arcep sera particuliè­rement vigilante à ce que le rachat de Covage, qui est un acteur important de la fibre dédiée, par SFR, ne conduise pas au duopole.$

«!L’activité de Kosc continuera. Je suis assez confiant à ce sujet. Mais nous sommes vigilants sur la question d’un éventuel arrêt de son activité. » 1. Les o!res permettent de relier directemen­t une entreprise au réseau de l’opérateur. Elles sont plus chères que les o!res du réseau FTTH, qui est mutualisé, mais aussi plus performant­es et qualitativ­es en l’état actuel du marché."

 ?? #STÉPHANE LAGOUTTE/CHALLENGES$REA% ?? OBJECTIF DE L’ARCEP": DÉVELOPPER LES TÉLÉCOMS D’ENTREPRISE­S À la tête de l’Arcep depuis 2015, Sébastien Soriano estime que le gouverneme­nt est déterminé à rattraper le retard de la France dans ce domaine.
#STÉPHANE LAGOUTTE/CHALLENGES$REA% OBJECTIF DE L’ARCEP": DÉVELOPPER LES TÉLÉCOMS D’ENTREPRISE­S À la tête de l’Arcep depuis 2015, Sébastien Soriano estime que le gouverneme­nt est déterminé à rattraper le retard de la France dans ce domaine.

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