La Tribune Hebdomadaire

Les entreprise­s zombies ne font pas peur

-

Le monde inédit des taux négatifs dans lequel nous vivons remet en cause – pour le moment – nos certitudes économique­s les plus avérées.

À l’exemple des entreprise­s zombies pour qui l’argent gratuit devrait être une aubaine. Ces entreprise­s qui vivotent tant bien que mal sont caractéris­ées par l’OCDE par un âge supérieur à dix ans, et un résultat opérationn­el insuffisan­t pour couvrir leurs charges d’intérêt durant trois années consécutiv­es. En 2018, la Banque des règlements internatio­naux (BRI) avertissai­t sur le risque croissant qu’elles représenta­ient : « La prévalence des entreprise­s zombies s’est accrue depuis la fin des années 1980. » Les zombies ont l’inconvénie­nt, selon la théorie économique, de capter des ressources financière­s et humaines au détriment d’entreprise­s plus dynamiques, qui les utiliserai­ent de manière plus efficiente. Bref, elles entravent la « destructio­n créatrice », ralentisse­nt l’économie d’un pays, sans compter qu’elles sont souvent liées à des banques qui continuent à les refinancer pour éviter un défaut de leurs clients qui les menacerait.

Or les études empiriques montrent que ce risque n’est pas aussi important. Une note de France Stratégie soulignait en octobre que, dans le cas de la France, la part des entreprise­s zombies sur l’ensemble des entreprise­s oscillait entre 3,9!% et 4,6!% entre 2013 et 2016!; ce%e faible part, qui tend à stagner, reflétait le fait que « les procédures de défaillanc­e jouent bien leur rôle », même si seulement 7!% d’entre elles disparaiss­ent l’année où elles deviennent zombies, et 22!% au bout de trois ans.

Cette stabilité a été récemment constatée au Danemark. Selon une étude publiée par la Banque centrale du Danemark,

la part de ces entreprise­s, qui s’élevait à 1,9!% en 2011, a depuis reflué à 1,5!% en 2018. Le point intéressan­t est que les taux au Danemark sont passés en territoire négatif depuis la mi-2012, en raison de l’arrimage de la couronne danoise à l’euro, qui oblige le pays à pratiquer une politique de taux bas. Pourtant, constate l’étude, les banques n’ont pas accordé un traitement de faveur aux entreprise­s zombies par rapport aux autres. Autrement dit, même si leurs taux ont baissé suivant la tendance générale, les entreprise­s zombies paient toujours un intérêt plus élevé que les autres, en fonction du risque de défaillanc­e plus important qu’elles représente­nt.

Il apparaît donc que, dans un contexte théoriquem­ent favorable aux entreprise­s zombies, leur part – même s’il faut tenir compte des spécificit­és nationales, en Europe, leur niveau est plus élevé en Grèce, Espagne et Italie – reste, sinon marginale, du moins contenue. La raison en est un cadre juridique sur l’insolvabil­ité qui fonctionne bien et la mise en place de dispositif­s qui décèlent le risque de zombificat­ion plus tôt. Cela prouve aussi que les acteurs économique­s tendent dans la réalité à s’ajuster à un nouveau contexte économique, et ainsi à réduire nos peurs à l’égard des morts-vivants.$

 ??  ?? ROBERT JULES
DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION
ROBERT JULES DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION

Newspapers in French

Newspapers from France