La Tribune Hebdomadaire

Des monopoles régaliens emportés par l’ouragan numérique

- MICHEL CABIROL

Avec l’irruption des nouvelles technologi­es, un ouragan dévastateu­r est en train de reme!re en question certains monopoles d’État, pourtant très anciens, comme le privilège de ba!re la monnaie, avec l’arrivée des crypto-monnaies(bitcoin,Libra de Facebook…). C’est aussi le cas de l’authentifi­cation des personnes et de la sécurité intérieure, qui dépendent de plus en plus des géants du numérique. Qui cherche par ailleurs encore aujourd’hui du travail seulement à Pôle emploi"? Les chômeursse­précipiten­tdeplus en plus sur les applicatio­ns américaine­s comme Viadeo, LinkedIn, Monster… L’heure est grave. L’État a enfin sonné le tocsin pour sauvegarde­r ses monopoles. « Les nouvelles technologi­es ont progressiv­ement permis à des acteurs privés de rivaliser avec les États, en assumant des fonctions faisant historique­ment et sans conteste jusqu’alors l’objet de monopoles régaliens », a ainsi asséné en mai 2019 au Sénat la dirigeante du Secrétaria­t général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), Claire Landais.

Le sujet est pris très au sérieux au plus haut niveau de l’État français. Des réflexions sont engagées pour trouver les solutions les plus adéquates mais aussi les plus efficaces afin de préserver l’autonomie en matière de monopoles régaliens, dont certains se confondent même avec l’idée d’État. Des prérogativ­es grignotées, bousculées, attaquées et momifiées par des acteurs privés maîtrisant les technologi­es numériques. Au point qu’il ne semble plus y avoir de retour en arrière possible, estime-t-on au plus haut sommet de l’État. « Ce!e tendance est en partie irréversib­le, ce qui ne signifie pas qu’il faille renoncer à en organiser les modalités », a confirmé Claire Landais lors de son audition au Sénat. C’est désormais aux États d’arbitrer entre ce qu’ils peuvent (et non plus souhaitent) préserver et ce qu’ils devront déléguer à des acteurs privés de façon encadrée.

BATTRE MONNAIE, UN NOUVEL ENJEU DE SOUVERAINE­TÉ

Les Gafam, dont la capitalisa­tion boursière correspond à plus de deux fois celle du CAC $ 4 0 e t d é p a s s e les 4"000$ milliards de dollars, veulent aujourd’hui faire main basse sur la monnaie. « Le risque de voir ces entreprise­s ba!re monnaie n’est pas nul », a assuré en mai devant le Sénat le secrétaire général de l’Institut de la souveraine­té économique, Bernard Benhamou. Aujourd’hui, les crypto-monnaies ou les monnaies virtuelles ne dépendent pas d’un État, elles échappent même de plus en plus au contrôle régalien. Les nouvelles e-monnaies comme Tether, TrustToken, Paxos, Libra vont-elles remplacer le dollar, l’euro, le yuan, le yen et déferler sur la planète"? Avec quels risques"? Car d’autres géants, américains ou asiatiques, pourraient développer à leur tour leur propre monnaie et fragiliser le système financier mondial. La réponse des grands pays a été claire. « Le rôle des ministres des Finances du G7 est de prendre des décisions en la matière pour éviter qu’une monnaie di gi t al e v i e nne concurrenc­er les monnaies souveraine­s », a assuré en sep

« Je ne puis accepter qu’une entreprise privée se dote de cet instrument de souveraine­té d’un État qu’est la monnaie »

BRUNO LE MAIRE,

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES

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!ERIN SCOTT/REUTERS" Mark Zuckerberg auditionné en octobre 2019 par les députés américains. Derrière lui, une caricature du Libra.

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