La Tribune Hebdomadaire

Latécoère, un nouvel actif industriel croqué par un américain

- MICHEL CABIROL

Latécoère, ou un gâchis à la française… Une vraie spécialité ces dernières années. À la fin des années 2000, le groupe toulousain devait être le pivot de la consolidat­ion de la filière aérostruct­ure en rachetant les activités d’Airbus sous l’oeil bienveilla­nt de l’État français pour créer un groupe de taille mondiale. Mais tout a déraillé en raison notamment de la fragilité financière du moment de Latéc o è r e , Ai r b u s ( E ADS à l’époque) renonçant en 2008 à lui vendre ses activités, qui, depuis, ont été regroupées au sein de Stelia Aerospace. Plus de dix ans plus tard, l’équipement­ier toulousain, également spécialisé dans les systèmes d’interconne­xion, finit dans les bras d’un fonds d’investisse­ment américain pourtant plutôt spécialisé dans la hightech, Searchligh­t, un temps lié aupuissant­fondsKKR.Cefonds américain détient désormais 65,55!% du capital de Latécoère. Très clairement un semi-échec pour Searchligh­t, qui souhaitait au départ détenir 100!% de sa proie.

Surtout, Latécoère passe sous la bannière étoilée avec tous les inconvénie­nts que cela suppose pour la souveraine­té française d’un groupe qui travaille sur des programmes aussi sensibles que le Rafale, l’A400M, les satellites militaires français (harnais) et, surtout, le missile nucléaire M51. L’ombre de la réglementa­tion américaine Itar (voir page!14) va donc planer une nouvelle fois sur tous ces programmes militaires, dont certains sont des fers de lance de l’industrie française à l’exportatio­n. Sans compter la problémati­que extrêmemen­t sensible de la confidenti­alité sur la dissuasion française et de l’avance de Latécoère sur la technologi­e photonique très prometteus­e (aéronautiq­ue, défense…) du li-fi (Light Fidelity), qui a un débit cent fois plus rapide que les wi-fi existants.

DES DÉPUTÉS MONTENT AU CRÉNEAU

E t c e l a p a s s e mal. F i n novembre, dix-sept députés ont écrit au Premier ministre pour lui demander d’avoir une « approche souveraine » sur les ventes de Photonis et de Latécoère. En vain pour l’équipement­ier aéronautiq­ue. La PDG de Latécoère, Yannick Assouad, qui a un passé très américain (PDG d’Honeywell Aerospace, diplômée de l’Institut technologi­que de l’Illinois), a expliqué dans une interview à L’Usine nouvelle que «!la lettre d’engagement signée par Searchligh­t, confidenti­elle!» , aborde les questions concernant ces programmes. Et de dire que «!l’État a bien joué son rôle pour protéger ce qui doit l’être. En tant que dirigeante de Latécoère, je mettrai un point d’honneur à respecter ces engagement­s!» .

«!L’État a bien joué son rôle pour protéger ce qui doit l’être. Je veillerai à respecter ces engagement­s!» YANNICK ASSOUAD,

PDG DE LATÉCOÈRE

Mais, selon nos informatio­ns, Searchligh­t traîne déjà les pieds pour remplir certains de ses engagement­s. Ainsi, l’État a demandé à Searchligh­t, au titre du contrôle des investisse­ments étrangers en France (procédure IEF), qu’il prenne un chevalier blanc français, qui aura son agrément. Cet investisse­ur doit détenir au moins 10!% du capital et des droits de vote de Latécoère et sera son oeil au conseil d’administra­tion. L’État lui a soufflé le nom de Tikehau Capital. Mais, selon nos sources, Searchligh­t aurait l’intention d’organiser des enchères pour trouver un partenaire et amortir son investisse­ment. Mais la mère de toutes les batailles sera la sortie de Searchligh­t, dans cinq ans environ. L’État français a-t-il déjà pris des mesures pour empêcher une vente à un industriel non désiré ?#

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$ÉRIC PIERMONT/AFP% Yannick Assouad, la dirigeante de Latécoère. L’équipement­ier aéronautiq­ue est passé sous la coupe du fonds américain Searchligh­t, qui détient désormais 65,55!% de son capital.

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