Latécoère, un nouvel actif industriel croqué par un américain
Latécoère, ou un gâchis à la française… Une vraie spécialité ces dernières années. À la fin des années 2000, le groupe toulousain devait être le pivot de la consolidation de la filière aérostructure en rachetant les activités d’Airbus sous l’oeil bienveillant de l’État français pour créer un groupe de taille mondiale. Mais tout a déraillé en raison notamment de la fragilité financière du moment de Latéc o è r e , Ai r b u s ( E ADS à l’époque) renonçant en 2008 à lui vendre ses activités, qui, depuis, ont été regroupées au sein de Stelia Aerospace. Plus de dix ans plus tard, l’équipementier toulousain, également spécialisé dans les systèmes d’interconnexion, finit dans les bras d’un fonds d’investissement américain pourtant plutôt spécialisé dans la hightech, Searchlight, un temps lié aupuissantfondsKKR.Cefonds américain détient désormais 65,55!% du capital de Latécoère. Très clairement un semi-échec pour Searchlight, qui souhaitait au départ détenir 100!% de sa proie.
Surtout, Latécoère passe sous la bannière étoilée avec tous les inconvénients que cela suppose pour la souveraineté française d’un groupe qui travaille sur des programmes aussi sensibles que le Rafale, l’A400M, les satellites militaires français (harnais) et, surtout, le missile nucléaire M51. L’ombre de la réglementation américaine Itar (voir page!14) va donc planer une nouvelle fois sur tous ces programmes militaires, dont certains sont des fers de lance de l’industrie française à l’exportation. Sans compter la problématique extrêmement sensible de la confidentialité sur la dissuasion française et de l’avance de Latécoère sur la technologie photonique très prometteuse (aéronautique, défense…) du li-fi (Light Fidelity), qui a un débit cent fois plus rapide que les wi-fi existants.
DES DÉPUTÉS MONTENT AU CRÉNEAU
E t c e l a p a s s e mal. F i n novembre, dix-sept députés ont écrit au Premier ministre pour lui demander d’avoir une « approche souveraine » sur les ventes de Photonis et de Latécoère. En vain pour l’équipementier aéronautique. La PDG de Latécoère, Yannick Assouad, qui a un passé très américain (PDG d’Honeywell Aerospace, diplômée de l’Institut technologique de l’Illinois), a expliqué dans une interview à L’Usine nouvelle que «!la lettre d’engagement signée par Searchlight, confidentielle!» , aborde les questions concernant ces programmes. Et de dire que «!l’État a bien joué son rôle pour protéger ce qui doit l’être. En tant que dirigeante de Latécoère, je mettrai un point d’honneur à respecter ces engagements!» .
«!L’État a bien joué son rôle pour protéger ce qui doit l’être. Je veillerai à respecter ces engagements!» YANNICK ASSOUAD,
PDG DE LATÉCOÈRE
Mais, selon nos informations, Searchlight traîne déjà les pieds pour remplir certains de ses engagements. Ainsi, l’État a demandé à Searchlight, au titre du contrôle des investissements étrangers en France (procédure IEF), qu’il prenne un chevalier blanc français, qui aura son agrément. Cet investisseur doit détenir au moins 10!% du capital et des droits de vote de Latécoère et sera son oeil au conseil d’administration. L’État lui a soufflé le nom de Tikehau Capital. Mais, selon nos sources, Searchlight aurait l’intention d’organiser des enchères pour trouver un partenaire et amortir son investissement. Mais la mère de toutes les batailles sera la sortie de Searchlight, dans cinq ans environ. L’État français a-t-il déjà pris des mesures pour empêcher une vente à un industriel non désiré ?#