Les cinq grands challenges que devront relever les banques en 2020
PRÉVISIONS Politique monétaire défavorable, nouvelles règles de solvabilité, risques financiers dus au réchaufement, rivalité des Gafa, attaques informatiques... Pour les établissements bancaires, les prochains mois ne seront pas de tout repos.
1. L’IMPACT NÉGATIF DE TAUX D’INTÉRÊT DURABLEMENT BAS
Jusqu’au printemps dernier, de nombreuses banques de la zone euro espéraient que la Banque centrale européenne( B CE) relèverait ses taux d’intérêt pour la première fois depuis une demi-décennie. Mais c’était sans compter l’ assombrissement des perspectives économiques mondiales. En septembre dernier, la BCE a ainsi balayé tout espoir en abaissant son taux d’intérêt de dépôt de –!0,4"% à –!0,5"% afin d’inciter les banques à injecter davantage de liquidités dans l’économie. Outre les effets néfastes sur les banques des taux de dépôts négatifs, bien qu’en partie compensés par un nouveau mécanisme ad hoc, ce#e politique monétaire rogne aussi la rentabilité de leur activité de prêt en réduisant la marge entre le taux d’intérêt auquel les établissements bancaires prêtent et celui auquel ils se refinancent. Les conséquences de cet environnement inédit se font d’ores et déjà sentir. Certains établissements, comme la banque privée suisse UBS, ont décidé de faire payer les taux négatifs à leurs clients les plus aisés. En France, BNP Paribas a reconnu que ces taux durablement bas allaient avoir un impact sur son exercice 2020. « En 2020, bien sûr, les taux vont avoir un impact sur les revenus. Pourra-t-on tout compenser!? Sûrement
pas », avait consenti Thierry Laborde, le directeur des marchés domestiques, lors de la présentation des résultats trimestriels le 31 juillet dernier. Enfin, dernière illustration en date : le groupe Crédit Agricole a annoncé, fin décembre, une dépréciation de 600 millions d’euros de l’écart d’acquisition de LCL dans ses comptes.
2. DES INQUIÉTUDES AUTOUR DE LA TRANSPOSITION DE BÂLE III
La Commission européenne doit présenter dans le courant de l’année 2020 un projet de transposition en droit européen de l’accord Bâle III. Conclu il y a deux ans, il vise à instaurer de nouvelles règles mondiales de solvabilité, qui prévoient notamment de laisser moins de latitude aux banques dans l’évaluation des risques de leurs portefeuilles de prêts.Mais ce#e transposition inquiète les banques européennes qui redoutent d’être lésées par rapport à leurs homologues américaines. Les banques européennes craignent que ces nouvelles exigences entraînent une augmentation du coût du crédit, une baisse des investissements et un affaiblissement de l’industrie financière. Dans ce#e perspective, la Fédération bancaire européenne est passée à l’offensive en commandant une étude d’impact à un cabinet scandinave, Copenhagen Economics. Publiée fin novembre, elle conclut à un effet négatif permanent de 0,4"% sur le PIB européen. Une estimation très discutée et même jugée « pas très
sérieuse », par François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.
3. UNE RÉSISTANCE AUX RISQUES CLIMATIQUES ENCORE MAL ÉVALUÉE
En novembre dernier, François Villeroy de Galhau a annoncé que son institution mènerait, dès 2020, une évaluation de la résistance des grandes banques et compagnies d’assurance françaises aux risques climatiques. Seuls les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont déjà adopté cette approche dans le monde.
Dans un rapport publié en avril 2019, le Réseau des banques centrales et superviseurs pour le verdissement du système financier (NGFS pour Network for Greening the Financial System) avait conclu que « très clairement, les risques climatiques font partie des risques financiers ».
De son côté, dans une note publiée le 25 octobre dernier, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, adossée à la Banque de France) avait estimé que « le changement climatique est encore intégré de façon partielle et hétérogène dans le processus de gestion des risques"des établissements financiers ». Elle avait!déploré des informations « insuffisamment détaillées pour évaluer pleinement le risque physique », tout en consta
tant « des progrès plus notables dans l’analyse du risque de transition ».
4. LA MENACE GRANDISSANTE DES GAFA SUR LA FINANCE
Depuis une dizaine d’années, tous les géants de la tech ont lancé des initiatives diverses et variées dans le domaine de la finance, sans toutefois être encore parvenus à bousculer réellement le marché. Mais cette menace devient de plus en plus pressante avec la conclusion récente de partenariats stratégiques majeurs comme entre Apple et Goldman Sachs l’été dernier autour de l’Apple Card, ou encore plus récemment entre Google et Citigroup. Contrairement aux néobanques ou autres fintech, les Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple) représentent une réelle menace du fait de leur force de frappe. Ils détiennent une base d’utilisateurs colossale et ne sont donc pas confrontés aux coûts d’acquisition de nouveaux clients. Ils sont aussi maîtres dans la collecte et l’analyse des données.
Dans un rapport publié en décembre dernier, le Conseil de stabilité financière (FSB pour Financial Stability Board), qui fédère les travaux des régulateurs des plus grandes économies mondiales, alerte ainsi sur les risques que représentent ces acteurs pour les banques et la stabilité financière. «"L’année 2020 ne marquera sans doute pas l’arrivée des Gafa dans le domaine bancaire en France, mais les établissements doivent malgré tout s’y préparer », estime Julien Maldonato, associé conseil industrie financière du cabinet Deloi#e et spécialiste des questions de transformation digitale. L’une des réponses des banques consisterait à adopter une approche « de plateformes horizontales donnant accès à un écosystème de biens et de services au coeur desquelles se trouveront les paiements », avance Julien Maldonato. Pour relever ce défi, les banques doivent aller encore plus loin dans l’open banking, qui repose sur l’ouverture des données.
« Il est urgent, en 2020, de continuer les travaux d’accessibilité de la donnée et nous devrions assister aux premiers grands projets de dé commissionnement, c’ est-à-dire au débranchement de certains logiciels de banque, vieux de plusieurs dizaines d’années », prédit le spécialiste. Selon lui, ce mouvement s’accompagnera de stratégies plus offensives de migration des systèmes d’information dans le cloud, qui permet « de gagner en agilité, d’être plus performant et moins coûteux ».
5. DES CYBERATTAQUES TOUJOURS PLUS SOPHISTIQUÉES
Selon Julien Maldonato, le cloud est aussi un moyen de répondre en temps réel aux attaques informatiques, de plus en plus nombreuses et sophistiquées. « Les piratages ont a#eint un tel niveau de professionnalisme qu’ils sont aujourd’hui pilotés par de véritables organisations et que l’on parle désormais de crimes financiers. »
Mais l’exemple de l’a#aque informatique d’ampleur visant Capital One, le troisième plus gros éme#eur de cartes de crédit aux États-Unis et client d’Amazon Web Services, démontre que le recours à l’informatique dans les nuages accroît aussi les risques cyber. Plus globalement, la Banque centrale européenne estime que « la numérisation des services financiers amplifie la vulnérabilité des banques face à la cybercriminalité et aux carences informatiques opération
nelles ». Le superviseur européen considère ainsi que la cybercriminalité et les incidents informatiques font partie des trois principaux facteurs de risques auxquels devront faire face les banques en 2020.
En mai dernier, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et le patron de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), Guillaume Poupard, avaient appelé, dans le cadre du G7 Finances, à plus de coordination entre les différentes banques pour faire face aux a#aques informatiques de plus en plus virulentes et se protéger d’un risque systémique.!