La Tribune Hebdomadaire

Ouverture à la concurrenc­e : à chaque Région, sa propre approche

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LE DIT OUI POUR L'ÉCONOMIE ET LE CLIMAT

La Région présidée par Renaud Muselier a été la première à voter en plénière fin 2019 l'ouverture à la concurrenc­e. Un choix motivé par des raisons de meilleur service public rendu – on se souvient du bras de fer avec la SNCF –, mais aussi dans un souci de réduire les émissions de Co2 du tout voiture. Le futur contrat prévoit un renforceme­nt de l'offre de service notamment sur le lot!1, appelé Inter-métropoles, qui relie Nice à Marseille, en passant par Toulon. Le lot! 2 concerne trois lignes, dont celle reliant Grasse à Menton et Nice à Breil-surRoya, dans l'arrière-pays niçois. La valeur estimée pour chaque lot se monte respective­ment à 580 millions d’euros et 1,2!milliard d’euros. La Région a opté pour un contrat de concession de dix ans. Chaque jour, 100"000!voyageurs empruntent l'une des 500!circulatio­ns qui maillent la Région, laquelle consacre 285 millions d’euros par an au fonctionne­ment des TER. L’ouverture à la concurrenc­e des lignes les plus stratégiqu­es doit avoir un effet de levier sur l'a#ractivité. Renaud Muselier est soucieux d'un aménagemen­t équilibré qui n'ignore pas les territoire­s ruraux et qui capte une clientèle qui s'érode. Cela permet aussi d'avoir «! une COP d'avance! », le train aidant à réduire l'empreinte carbone. Les appels d'offres seront lancés d'ici à mars prochain. Quant aux salariés, un plan d'accompagne­ment spécifique a été décidé, liant SNCF Mobilités et les nouveaux opérateurs. Huit opérateurs, dont deux français, sont déjà sur les rails…

PÉCRESSE VEUT ENCORE RÉFLÉCHIR

Dès 2023, les lignes du Transilien seront ouvertes à la concurrenc­e, avant les bus (2025), les trams (2029) et les métros (2039). Sans a#endre trois ans, la présidente de l’autorité organisatr­ice des transports Île-deFrance Mobilités (IDFM, ex-Stif), Valérie Pécresse, dit vouloir y «!réfléchir beaucoup plus!». Le 20 décembre dernier, en pleine grève de la RATP et de la SNCF, elle a défendu l’emploi du mot «!clients!». «!Le mot “usagers” est bien commode quand le service n’est ni fait ni remboursé!», s’est-elle agacée. Les opérateurs ont déjà adopté ce discours. «!La concurrenc­e va apporter de l’innovation et logiquemen­t de nouveaux services, ce qui peut a"irer davantage de clients!», déclarait en novembre le délégué général de l’Union des transports publics et ferroviair­es, Claude Faucher. «!Dès lors, nous pouvons entrer dans un cercle vertueux, avec de nouvelles rece"es et davantage de services qui amènent plus de clients.!»

PRAGMATISM­E EN

Sous convention avec SNCF Mobilités jusqu’à 2022, la région Auvergne-Rhône-Alpes ne se précipite pas pour casser cet accord, négocié dans la douleur en 2017. «!En matière d’ouverture à la concurrenc­e, nous ne voulons pas faire de l’idéologie, mais être pragmatiqu­es pour la gestion de notre réseau!», commente Martine Guibert, la vice-présidente de la Région, déléguée aux transports. Néanmoins, dès 2017, le conseil régional a identifié quatre lignes qui pourraient faire l’objet d’une ouverture à la concurrenc­e : Saint-Gervais-les-Bains/ Chamonix-Mont-Blanc/ Vallorcine, en Haute-Savoie, et LyonSaint-Paul/ Tassin, Sain-Bel et Lozanne, trois lignes qui desservent l’ouest lyonnais, stratégiqu­e pour ce territoire. Depuis cet été, une étude a été lancée sur la ligne haute savoyarde en vue d’une éventuelle mise en concurrenc­e.

POUR LES

CE SERA EN 2024

La région des Pays de la Loire entend être parmi les premières à ouvrir son réseau de TER à la concurrenc­e. « Avec une nuance de taille, nous ne proposeron­s pas deux lignes mais cinq à dix, soit 20#% à 50#% du réseau régional », précise Roch Brancour, vice-président de la Région, chargé des transports. « Pour nous, c’est une véritable opportunit­é pour faire baisser les coûts et développer l’offre ferroviair­e régionale », dit-il. Afin de mener à bien ce projet prévu en 2024, la Région a lancé en 2019 un appel à manifestat­ion d’intérêt (AMI). « Pour tester l’appétence des opérateurs à l’exploitati­on des trains », indique Roch Brancour. Quatre opérateurs (SNCF Mobilités, Arriva, filiale de la Deutsche Bahn, Transdev et RATP Dev) et trois sociétés (Alstom, Alpha Trains et Centrus) y ont répondu. « Ce qui nous a permis de recueillir de nombreuses données pour définir un premier lot et bâtir notre appel d’offres. » La Région a recruté un groupe d’experts capables de l’instruire et d’analyser les offres remises fin 2021. Le premier lot est une première étape. Un autre sera lancé dès la deuxième année. « C’est une démarche complexe. Il est essentiel de bien se préparer pour éviter l’échec britanniqu­e et plutôt s’inspirer de la réussite allemande. » Objectif : que tout le réseau régional soit ouvert à la concurrenc­e en 2030.

LES

VISENT LE ! TRIPLE A "

En annonçant début 2018 l’ouverture partielle à la concurrenc­e du TER régional, Xavier Bertrand veut obtenir le « triple A » déjà réclamé par les associatio­ns de voyageurs : Assis, À l’heure et Avertis. Une façon pour le président de la Région d’obtenir un meilleur service, à hauteur de la dépense publique consentie, car le mariage entre la Région et la SNCF n’est pas un long fleuve tranquille. Dernière polémique en date, la suppressio­n « sans concertati­on » de la plupart des TER-GV (services régionaux à grande vitesse) en heure de pointe annoncée fin novembre. « Les TGV InOui ont circulé aux mêmes heures », a dénoncé Xavier Bertrand dans sa le#re à Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF. Un mois plus tôt, l’entrée en vigueur mi-décembre de la nouvelle grille horaire (%amais revue encore depuis 2012) avait provoqué notamment la démission du maire de Templeuve-en-Pévèle, qui a vu 17 trains supprimés par jour dans sa commune… alors même que 12 millions d’euros ont été investis pour moderniser le pôle gare.

Pour autant, la privatisat­ion changera-t-elle la donne"? Lors des débats fin 2018 qui avaient précédé la signature de la convention TER 2019-2024 (budget de 500 millions d’euros! sur les cinq ans pour 200"000!voyageurs par jour), Franck Dhersin, vice-président chargé des transports et des infrastruc­tures de transports à la Région, a admis « n’être pas complèteme­nt convaincu ». Mais l’enjeu est bien de tester la privatisat­ion à hauteur de 10!à 15"%, pendant six!ans « ce qui représente une très courte période ».

LA ENTEND ! POUSSER LA SNCF DANS SES RETRANCHEM­ENTS "

Hervé Morin envisageai­t d’ouvrir des lignes à la concurrenc­e au début de son mandat, il y a renoncé. « J’ai confiance dans la capacité des cheminots à relever le défi », justifie le président de Région. En contrepart­ie, l’exécutif a élevé son niveau d’exigence vis-à-vis de la compagnie. La convention de délégation de dix ans lui fixe des objectifs très ambitieux en matière de qualité et de niveau de recettes. Sur le premier volet, elle est assortie d’un système de pénalités sophistiqu­é qui varie en fonction des événements : retards, guichets fermés, panne, distribute­urs HS… Sur le second, la barre est placée haut. La vente des billets de TER et d’Intercités reprise par la Région devra couvrir plus de la moitié des dépenses c o n t r e u n c i n q u i è me aujourd’hui. À défaut, le délégatair­e assumera une partie du manque à gagner. « Ces mécanismes ont pour but de pousser la SNCF dans ces retranchem­ents », résume Vincent Breteau, directeur général adjoint chargé des transports. La Région se réserve toutefois le droit d’ouvrir 15"% de son réseau à la concurrenc­e à mi-parcours, si les promesses ne sont pas tenues. « C’est ce"e possibilit­é qui conduit à un dialogue plus équilibré », concède Hervé Morin.

LA S’ENGAGE DIX ANS AVEC LA SNCF

La région Bretagne, qui définit et finance à hauteur d’environ 100 millions d’euros par an le service ferroviair­e régional

TER BreizhGo exploité par SNCF Mobilités, reste réservée sur l’ouverture à la concurrenc­e. À l’exception de la CFTA, filiale de Transdev qui gère depuis 1967 la première ligne privée française, entre Carhaix et Paimpol, il faudra a#endre au mieux 2030 pour voir des entreprise­s autres que la SNCF opérer sur le territoire. Soucieux de maintenir une desserte sur l’ensemble de la région, y compris dans les territoire­s éloignés, et une offre combinée TGV-TER efficace, le conseil régional a signé en juin dernier un protocole d’accord avec la filiale de la SNCF sur l’organisati­on et le financemen­t du TER régional. D’une durée de dix!ans, la nouvelle convention doit être signée fin janvier. Elle requiert de la SNCF un « service maximum », des tarifs encore mieux adaptés, ainsi qu’un engagement sur les rece#es d’exploitati­on (+ 23"% sur dix ans) plus que sur des économies. Fort d’un maillage relativeme­nt dense, le réseau TER breton affiche 35"000! voyages quotidiens, 13!lignes de train et 1"200 kilomètres de rails. En quinze ans, la fréquentat­ion des TER a été multipliée par deux et « la subvention par voyage diminuée de moitié » selon la Région.

C. A.

L. B.

S.B.

F. T.

G. D.

N. J. «#Il est essentiel de#bien se préparer pour éviter l’échec britanniqu­e et plutôt s’inspirer de la réussite allemande#» ROCH BRANCOUR,

VICE!PRÉSIDENT DES PAYS DE LA LOIRE "

G. F.

P. M.

P. P.!L.

PAS DE PRIVATISAT­ION, SAUF SI…

Dirigée par le socialiste François Bonneau, la région Centre manie le pragmatism­e face à l’ouverture à la concurrenc­e du rail régional. Pas question de concéder les TER au secteur marchand par simple idéologie libérale. Pour autant, c’est l’occasion de me#re la pression sur la SNCF, en lui fixant des objectifs d’améliorati­on du service : lu#e contre la fraude, régularité des horaires, maintenanc­e des trains… La Région, qui a#end des coûts plus réduits, jugera désormais l’opérateur public sur pièce. Elle est en position de force pour changer la donne à partir de 2023, date de fin de la convention TER la liant à la SNCF, qui a été à dessein prolongée de deux ans. Les services d’Orléans me#ent ce laps de temps à profit pour réaliser un découpage de la zone en quatre sous-territoire­s, représenté­s par les étoiles ferroviair­es de Tours, d’Orléans, de Chartres et du Berry. Objectif de cette politique de lots": faciliter un éventuel transfert d’opérateur. Deux consortium­s français, Transdev et RATP Dev, un espagnol, Renfe, et un allemand, Deutsche Bahn, lorgnent déjà le marché hexagonal du rail.

N’Y EST PAS#FAVORABLE

Il y a deux ans, la région Occitanie a signé une nouvelle convention avec la SNCF pour la gestion de ses TER sur la période 2018-2025. « D’ici fin 2020, nous aurons augmenté l’offre de plus de 37#000!places quotidienn­es dans les trains régionaux. Et ce, en réduisant le coût au kilomètre de 5,5#%. Pour mémoire, le nombre de voyageurs annuel est passé de 13!à 22 millions en quinze ans », explique la présidente Carole Delga pour justifier son choix, qui voit dans l’ouverture « un faux débat ». « Ce n’est pas le Graal#! Il suffit de constater la perte de vitesse du fret ferroviair­e depuis sa libéralisa­tion il y a quatorze ans. Sans parler de la situation du train des primeurs Perpignan-Rungis pour lequel nous avons, à force de pugnacité, échappé à une catastroph­e écologique et économique. […] Le vrai sujet, c’est l’état des infrastruc­tures. Aucun opérateur, qu’il soit privé ou public, ne pourra faire rouler plus et mieux de trains sur des lignes en mauvais état. » En juillet 2019, la Région a voté un plan de 66 millions d’euros pour restaurer une douzaine de lignes. Mais Carole Delga appelle l’État à « donner aux Régions les moyens d’intervenir plus fortement ».

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