La Tribune Hebdomadaire

CES RÉGIONS QUI VEULENT SE PASSER DE LA SNCF

- PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER MIRGUET, À STRASBOURG

Dans un contexte de grèves, l’organisati­on locale du transport ferroviair­e va changer d’ère : des opérateurs alternatif­s vont concurrenc­er la SNCF. Comment s’organisent les régions!?

ENTRETIEN La région Grand Est sera, avec la région Paca, la première collectivi­té qui ouvrira à la concurrenc­e son marché du transport ferroviair­e des voyageurs. Des opérateurs autres que la SNCF viendront dès 2022 exploiter certaines lignes TER autour de Strasbourg, Nancy et Épinal. Jean Rottner, président (LR) du Conseil régional du Grand Est, explique les enjeux de cette privatisat­ion.

LA TRIBUNE – La région Grand Est va lancer en mars 2020 ses appels! d’offres pour la mise en concurrenc­e de plusieurs lignes TER. Êtes!vous prêt"?

JEAN ROTTNER – Les appels d’offres vont être lancés à la date prévue. Nous a!endrons les retours des plis fin 2020 pour une mise en place de la concurrenc­e en 2022. Deux lignes régionales ont été retenues dès le printemps 2019 pour cette ouverture. Elles présentent des caractéris­tiques singulière­s. Vi!el-Nancy est fermée depuis 2016. Nous allons la rouvrir sur un modèle de concurrenc­e complèteme­nt intégrée : le matériel roulant, l’infrastruc­ture et le personnel seront concernés. L’autre ligne, entre Épinal et Saint-Dié-des-Vosges, est fermée depuis fin 2018. Emmanuel Macron s’est personnell­ement engagé pour sa réouvertur­e. Le coût prévisionn­el initial des travaux sur l’infrastruc­ture se situait entre 30 millions et 35 millions d’euros, dont 12 millions d’euros à investir par la Région. Finalement, on descend à 20 millions de travaux. Sur ce!e ligne, l’infrastruc­ture restera la propriété de la SNCF.

Quel est le problème avec cette ligne"?

On sent qu’il y a encore des freins quand nous demandons à la SNCF d’ouvrir ses livres pour connaître l’état véritable des infrastruc­tures. Épinal-Saint-Dié est intéressan­te parce qu’elle représente un lien direct à maintenir entre l’Alsace et la Lorraine, au-delà de son tunnel vosgien que nous avons déjà rénové. Il est important que l’embranchem­ent entre Épinal et Strasbourg puisse se faire correcteme­nt, avec des enjeux de transport scolaire et des déplacemen­ts dans les bassins d’emploi traversés.

Quels seront vos critères pour le choix des soumission­naires"? Quelles seront vos attentes sociales, techniques et de rentabilit­é"?

Nous allons obtenir des coûts de fonctionne­ment en baisse entre 15"% et 30"% par rapport à la situation existante avec la SNCF. Nous y avons déjà travaillé par le passé avec Guillaume Pepy, l’ancien président de la SNCF, et mis en place un système de boîtes à idées, un vrai travail collaborat­if. On peut envisager sur certaines lignes du matériel plus léger, des formes d’infrastruc­tures différente­s, renoncer éventuelle­ment au ballast au profit d’une plateforme en béton. C’est exactement ce que nous recherchon­s sur VittelNanc­y. Il existe des industriel­s capables de nous proposer de telles solutions techniques.

Les collectivi­tés et l’État ne seraientil­s plus en mesure de financer de tels travaux, seuls"?

Toutes nos lignes classées 7-9 par l’UIC [l’Union internatio­nale des chemins de fer, ndlr] sont potentiell­ement menacées. Elles présentent le trafic le plus faible, mais représente­nt entre 800 millions et 1 milliard d’euros de travaux à réaliser"! L’État n’est plus en mesure d’assumer. Sur ces lignes fragilisée­s, notre région a déjà avancé la#part de l’État pour un montant de 10 millions d’euros.

Comment entendez-vous gérer les!aspects sociaux et les craintes des cheminots par rapport à ces privatisat­ions"?

Nous écoutons les cheminots. Il faudra travailler avec eux. J’ai abordé le sujet avec Élisabeth Borne à l’époque où elle était ministre chargée des Transports. Pour l’instant, c’est compliqué. Quand on est cheminot, on peut être un jour conducteur en région et se retrouver le lendemain affecté sur un train en région parisienne. Les statuts doivent être respectés, mais les cheminots devraient pouvoir effectuer des allers-retours entre une ligne ouverte à la concurrenc­e et une ligne SNCF. Ce modèle reste à inventer.

Quel message politique pensez-vous faire passer avec cette vague d’ouverture à la concurrenc­e"?

Sans l’ouverture à la concurrenc­e, la Région n’aurait jamais réinvesti pour renouveler la ligne ÉpinalSain­t-Dié. Nous sommes l’une des seules Régions de France à rouvrir des voies qui étaient fermées. Nous avons obligation de le faire. C’est de l’aménagemen­t du territoire, un signe extrêmemen­t fort vers les territoire­s ruraux. Avec la concurrenc­e, les coûts d’investisse­ment seront mieux maîtrisés et les lignes entretenue­s régulièrem­ent, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec la SNCF.

La demande de transport est forte sur les lignes transfront­alières. Les opérateurs des pays voisins sont intéressés par la France. Pourquoi les dessertes franco-allemandes ne sont-elles pas présentes dans votre premier appel d’o#res"?

La convention TER actuelle ne nous permet pas de dépasser 10"% du réseau en ouverture à la concurrenc­e. Avec les lign estrans frontalièr­es, on dé passerait ce seuil. L’étape suivante arrivera en 2023. Nous travaillon­s déjà localement avec la Rhénanie-Palatinat, la Sarre et le Bade-Wurtemberg. Ce qui nous intéresse, c’est de faire vivre ou revivre des lignes franco-allemandes depuis Strasbourg vers Karlsruhe, depuis Metz vers Trèves ou Sarrebruck, ou entre Mulhouse et Müllheim. Pour y parvenir, la Région achète 30# trains Régiolis pour 375 millions d’euros. Nous les louerons aux Allemands à hauteur de la densité de trains qui rouleront chez eux et du nombre de kilomètres parcourus sur trente ans. C’est un bon accord, qui permet en plus de soutenir Alstom, implanté à Reichshoff­en en Alsace.#

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$LUDOVIC MARIN/AFP% L’ouverture à la concurrenc­e est, selon Jean Rottner, une opportunit­é pour rouvrir des lignes qui étaient fermées.

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