CES RÉGIONS QUI VEULENT SE PASSER DE LA SNCF
Dans un contexte de grèves, l’organisation locale du transport ferroviaire va changer d’ère : des opérateurs alternatifs vont concurrencer la SNCF. Comment s’organisent les régions!?
ENTRETIEN La région Grand Est sera, avec la région Paca, la première collectivité qui ouvrira à la concurrence son marché du transport ferroviaire des voyageurs. Des opérateurs autres que la SNCF viendront dès 2022 exploiter certaines lignes TER autour de Strasbourg, Nancy et Épinal. Jean Rottner, président (LR) du Conseil régional du Grand Est, explique les enjeux de cette privatisation.
LA TRIBUNE – La région Grand Est va lancer en mars 2020 ses appels! d’offres pour la mise en concurrence de plusieurs lignes TER. Êtes!vous prêt"?
JEAN ROTTNER – Les appels d’offres vont être lancés à la date prévue. Nous a!endrons les retours des plis fin 2020 pour une mise en place de la concurrence en 2022. Deux lignes régionales ont été retenues dès le printemps 2019 pour cette ouverture. Elles présentent des caractéristiques singulières. Vi!el-Nancy est fermée depuis 2016. Nous allons la rouvrir sur un modèle de concurrence complètement intégrée : le matériel roulant, l’infrastructure et le personnel seront concernés. L’autre ligne, entre Épinal et Saint-Dié-des-Vosges, est fermée depuis fin 2018. Emmanuel Macron s’est personnellement engagé pour sa réouverture. Le coût prévisionnel initial des travaux sur l’infrastructure se situait entre 30 millions et 35 millions d’euros, dont 12 millions d’euros à investir par la Région. Finalement, on descend à 20 millions de travaux. Sur ce!e ligne, l’infrastructure restera la propriété de la SNCF.
Quel est le problème avec cette ligne"?
On sent qu’il y a encore des freins quand nous demandons à la SNCF d’ouvrir ses livres pour connaître l’état véritable des infrastructures. Épinal-Saint-Dié est intéressante parce qu’elle représente un lien direct à maintenir entre l’Alsace et la Lorraine, au-delà de son tunnel vosgien que nous avons déjà rénové. Il est important que l’embranchement entre Épinal et Strasbourg puisse se faire correctement, avec des enjeux de transport scolaire et des déplacements dans les bassins d’emploi traversés.
Quels seront vos critères pour le choix des soumissionnaires"? Quelles seront vos attentes sociales, techniques et de rentabilité"?
Nous allons obtenir des coûts de fonctionnement en baisse entre 15"% et 30"% par rapport à la situation existante avec la SNCF. Nous y avons déjà travaillé par le passé avec Guillaume Pepy, l’ancien président de la SNCF, et mis en place un système de boîtes à idées, un vrai travail collaboratif. On peut envisager sur certaines lignes du matériel plus léger, des formes d’infrastructures différentes, renoncer éventuellement au ballast au profit d’une plateforme en béton. C’est exactement ce que nous recherchons sur VittelNancy. Il existe des industriels capables de nous proposer de telles solutions techniques.
Les collectivités et l’État ne seraientils plus en mesure de financer de tels travaux, seuls"?
Toutes nos lignes classées 7-9 par l’UIC [l’Union internationale des chemins de fer, ndlr] sont potentiellement menacées. Elles présentent le trafic le plus faible, mais représentent entre 800 millions et 1 milliard d’euros de travaux à réaliser"! L’État n’est plus en mesure d’assumer. Sur ces lignes fragilisées, notre région a déjà avancé la#part de l’État pour un montant de 10 millions d’euros.
Comment entendez-vous gérer les!aspects sociaux et les craintes des cheminots par rapport à ces privatisations"?
Nous écoutons les cheminots. Il faudra travailler avec eux. J’ai abordé le sujet avec Élisabeth Borne à l’époque où elle était ministre chargée des Transports. Pour l’instant, c’est compliqué. Quand on est cheminot, on peut être un jour conducteur en région et se retrouver le lendemain affecté sur un train en région parisienne. Les statuts doivent être respectés, mais les cheminots devraient pouvoir effectuer des allers-retours entre une ligne ouverte à la concurrence et une ligne SNCF. Ce modèle reste à inventer.
Quel message politique pensez-vous faire passer avec cette vague d’ouverture à la concurrence"?
Sans l’ouverture à la concurrence, la Région n’aurait jamais réinvesti pour renouveler la ligne ÉpinalSaint-Dié. Nous sommes l’une des seules Régions de France à rouvrir des voies qui étaient fermées. Nous avons obligation de le faire. C’est de l’aménagement du territoire, un signe extrêmement fort vers les territoires ruraux. Avec la concurrence, les coûts d’investissement seront mieux maîtrisés et les lignes entretenues régulièrement, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec la SNCF.
La demande de transport est forte sur les lignes transfrontalières. Les opérateurs des pays voisins sont intéressés par la France. Pourquoi les dessertes franco-allemandes ne sont-elles pas présentes dans votre premier appel d’o#res"?
La convention TER actuelle ne nous permet pas de dépasser 10"% du réseau en ouverture à la concurrence. Avec les lign estrans frontalières, on dé passerait ce seuil. L’étape suivante arrivera en 2023. Nous travaillons déjà localement avec la Rhénanie-Palatinat, la Sarre et le Bade-Wurtemberg. Ce qui nous intéresse, c’est de faire vivre ou revivre des lignes franco-allemandes depuis Strasbourg vers Karlsruhe, depuis Metz vers Trèves ou Sarrebruck, ou entre Mulhouse et Müllheim. Pour y parvenir, la Région achète 30# trains Régiolis pour 375 millions d’euros. Nous les louerons aux Allemands à hauteur de la densité de trains qui rouleront chez eux et du nombre de kilomètres parcourus sur trente ans. C’est un bon accord, qui permet en plus de soutenir Alstom, implanté à Reichshoffen en Alsace.#
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